L’Iran veut geler les comptes bancaires des femmes rebelles

07 décembre 2022 - 16:28

Temps de lecture : 4 minutes

La République islamique d’Iran peaufine son arsenal répressif à l’encontre des femmes qui lui tiennent tête en refusant de porter le hijab. Dernière mesure de rétorsion annoncée : le gel de leurs comptes bancaires qui ravive l’utilité du Bitcoin en tant qu’actif décentralisé et non censurable pour préserver les droits et la liberté financière de toutes.

Déstabilisé, le pouvoir iranien ne connaît que la répression

L’Iran est secoué par un fort mouvement de contestation depuis la mort le 16 septembre d’une jeune femme, Mahsa Amini, arrêtée trois jours plus tôt à Téhéran par la police des mœurs. Elle lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique en ayant mal ajusté son hijab (voile dissimulant les cheveux et recouvrant la tête et le cou). Dans le pays, l’émotion a été intense. Très vite, des manifestations spontanées ont envahi les rues avant une féroce répression. Mais rien n’y a fait, la mobilisation s’est poursuivie dans un mouvement d’une durée et d’une ampleur inédite. Et des femmes continuent de braver l’impensable en se présentant tête nue, le hijab brûlé ou brandi en étendard d’un monde dont elles, comme tout le peuple iranien, ne veulent plus.

Déstabilisé face à une révolte qui ne faiblit pas, le régime en place veut renforcer son arsenal répressif en employant d’autres armes, moins létales certes, mais tout aussi efficaces pour brimer la liberté : toucher les rebelles dans leur indépendance financière. Ainsi, le député iranien Hossein Jalali vient d’annoncer dans des médias locaux que la République islamique allait adopter une série de mesures contre les femmes ne portant pas, ou mal, le hijab, qui pourrait inclure le blocage de leurs comptes bancaires. Selon la publication Iran International, la sanction interviendrait après deux avertissements adressés par SMS.

Il est possible que les femmes qui n’observent pas le hijab soient informées par SMS, leur demandant de respecter la loi. Après les avoir notifiés, nous entrons dans la phase d’avertissement… et dans la troisième phase, le compte bancaire de la personne qui s’est dévoilée peut être bloqué.

Hossein Jalali, député iranien, cité in Iran International

L’Intelligence artificielle (IA) pour identifier les rebelles

Si les méthodes pour identifier les courageuses, visiblement de plus en plus nombreuses sinon le pouvoir ne s’en alerterait pas autant, ne sont pas divulguées, le média rappelle que l’Iran a déjà commencé à utiliser des caméras dans le métro pour suivre et établir l’identité les femmes qui ne respectent pas le code vestimentaire islamique obligatoire

C’est d’ailleurs cette surveillance déployée dans le cadre d’une radicalisation de la politique du président Ebrahim Raisi, qui a vraisemblablement abouti à la tragédie qui a mis le feu aux poudres. Repérée pour un port de voile un peu lâche, Mahsa Amini, morte trois jours plus tard.

Bafouer les droits des citoyennes dans un régime théocratique comme celui de l’Etat iranien n’est en soi pas une nouveauté. Depuis 1979 et la mise en place de la République dite « islamique », les droits accordés aux femmes sont soumis à des restrictions systématiques, juste un peu modulées au gré des dirigeants successifs. 

Mais rappelons, toutes proportions gardées, qu’une démocratie comme le Canada ne s’est pas non plus embarrassée de grands principes pour s’attaquer à la liberté financière de certains de ses ressortissants dont le comportement ne lui convenait pas. Ainsi, le premier ministre, Justin Trudeau, n’a pas hésité à invoquer la loi sur les mesures d’urgence en début d’année, pour permettre aux régulateurs de geler les comptes bancaires des membres participant aux manifestations du « Freedom Convoy ».

Face à la censure, Bitcoin toujours

Ces atteintes à l’autonomie financière des citoyens deviennent une tentation de plus en plus répandue chez nos responsables politiques. Tentation facilitée par l’apparition des versions numériques des monnaies souveraines. Ces fameuses CBDC (Central Bank Digital Currency) ou MNBC (Monnaie Numérique de Banque Centrale) vont permettre aux États d’exercer un puissant contrôle sur leurs administrés. Ce qui se passe aujourd’hui au Nigéria annonce probablement notre futur proche. Car, à n’en pas douter, l’accès et l’usage d’un euro numérique sera aussi un chemin lourdement pavé de surveillance, qu’elle s’exerce dans un sens ou dans l’autre.

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L’Iran se prépare également au lancement de son rial 2.0 qui lui permettra d’imposer encore plus aisément ses dérives autoritaires. Mais quoi qu’il en soit, face à ces abus de pouvoir réels ou à venir, le bitcoin, en tant qu’actif décentralisé et non censurable (c’est-à-dire, qu’utilisé exclusivement en self-custody, il permet d’échapper au pouvoir arbitraire d’un acteur cherchant à empêcher une transaction), apparaît comme la seule option à adopter. Les Iraniens ne sont pas sans le savoir. Et en premier lieu, les dirigeants au pouvoir qui veulent en faire un moyen d’échange international face aux sanctions US.

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Ils l’ont d’ailleurs vraisemblablement utilisé pour une première commande de marchandises d’un montant de 10 millions de dollars.

On peut se crisper à cette évocation, mais le bitcoin appartient à tout le monde… C’est en consentant pleinement à ses vertus, qu’il apparaît pour ce qu’il est : un outil de souveraineté et de liberté pour tous, absolument tous, sans aucune réserve ni permission préalable. Et en pensant aux femmes iraniennes, on se réjouit qu’il existe. La vraie utilité du bitcoin, c’est celle-là : préserver les droits et la liberté de chacune, chacun, n’importe où dans le monde.

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