Au Japon, l’union fait la force pour construire une infrastructure de paiement numérique

05 juin 2020 - 08:52

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Un groupe d’étude, composé de grands acteurs économiques de l’archipel, va examiner la possibilité de construire une infrastructure de règlement commune pour les paiements numériques. L’initiative est soutenue par la banque centrale et l’autorité financière régulatrice.

Le paradoxe japonais

Les Japonais disposent déjà d’une multitude de systèmes de paiement numérique. Ils ont même été des pionniers en la matière. Les premiers porte-monnaies électroniques ayant fait leur apparition dans l’archipel il y a une bonne quinzaine d’années. Mais, malgré cette antériorité et une offre pléthorique, ils restent très attachés aux espèces. Dans un pays où la technologie est un art de vivre, où les QR code, ces codes-barres en deux dimensions, ont été créés par la société nippone Denso Wave, l’argent liquide continue de couler à flot. Au grand dam des autorités qui, à l’image des gouvernants de la plupart des pays s’emparant frénétiquement de l’idée providentielle de CBDC, souhaiteraient une migration massive vers les transactions dématérialisées.

Coalition de trois des plus grandes banques du Japon

L’exchange de cryptomonnaie DeCurret, agréé par le régulateur depuis avril 2019, va héberger ce groupe d’étude constitué pour évaluer la faisabilité d’une solution nationale de paiement numérique. Selon Reuters, trois des plus grandes banques du pays, Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG), Mizuho Financial Group et Sumitomo Mitsui Financial Group qui gèrent à elles trois plus de 6,6 milliards de dollars d’actifs vont s’y impliquer. D’autres grands acteurs de l’économie vont aussi y prendre part comme le géant des télécommunications KDDI Corporation ou la principale société ferroviaire East Japan Railway Company. La banque centrale (BoJ) et la Financial Services Agency (FSA) contribueront en tant qu’observateurs au même titre que des représentants des ministères des Finances et des Affaires intérieures.

Numériser les paiements coûte que coûte

Les solutions existantes n’ayant pas fait renoncer les Japonais à l’attrait du cash, le pari est de tenter d’harmoniser une infrastructure de paiement fragmentée pour proposer en quelque sorte le tout en un. La technologie de registre distribué (DLT) est la solution envisagée pour l’élaboration d’un cadre standardisé.

Le Japon possède de nombreuses plateformes de règlement sans numéraire, mais elles n’ont pas encore submergé l’utilisation de l’argent liquide. Une solution pourrait être d’améliorer l’interopérabilité des monnaies et des infrastructures numériques

Hiromi Yamaoka, responsable du groupe d’étude

En fédérant les énergies conjointes de banques, de grandes entreprises et des régulateurs, l’objectif est de réussir à créer une infrastructure unique (un peu à la manière d’Alipay en Chine) afin d’imposer une nouvelle norme de paiement sans numéraire. Mais pour des raisons à la fois culturelle et démographique, la disparition du cash n’est pas pour tout de suite. Les autorités cherchent pour le moment juste à doubler le ratio des transactions numériques, en le faisant passer du 20% actuel à 40% à l’horizon 2025. Une progression somme toute modeste au regard de ses voisins coréens ou taiwanais dont les taux avoisinent les 90%.

Mise en garde de la FSA

Le groupe de réflexion doit tenir sa première réunion dès ce mois-ci puis se retrouvera en juillet et en août avant de rendre ses premières conclusions au mois de septembre. Conclusions qui concerneront aussi les cryptomonnaies et leur cadre légal, notamment pour atténuer les risques de hacks en imposant des exigences réglementaires plus drastiques. En effet, la FSA reste toujours aussi vigilante sur le sujet et vient de lancer un sévère avertissement aux sociétés non enregistrées qui se livrent à des conseils d’investissement concernant les cryptomonnaies et autres classes d’actifs. Pour protéger les investisseurs contre les pratiques frauduleuses (le souvenir de MT Gox reste cuisant), le régulateur vient officiellement d’approuver deux organismes de réglementation. La Japan Virtual Currency Exchange Business Association (JVCEA) et la Japan Security Token Offer Association (JSTOA) contribueront au respect des règles et exigences établies pour professionnaliser l’espace cryptographique du pays.

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