La Banque de France annonce-t-elle le lancement d’une cryptomonnaie nationale ?

09 décembre 2019 - 09:49

Temps de lecture : 4 minutes

Le sujet des monnaies numériques d’Etat, devenu brûlant depuis l’irruption du Libra sur la scène internationale, connaît une première au sein de la zone euro.

Une petite première au sein de la zone euro

En effet, si on attendait plutôt une annonce du côté de la Chine quant à l’émission de son CBDC (Central Bank Digital Currency), c’est la France qui a donné le la de la rengaine numérique entonnée déjà depuis plusieurs mois. Plus précisément, le gouverneur de la Banque de France a annoncé, le 4 décembre, le lancement, au premier trimestre 2020, d’expérimentations et d’un appel à projets concernant la création d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC).

Si on ne sait encore rien de sa technologie – blockchain ou pas – de sa nature – stablecoin ou pas – on apprend en revanche qu’elle ne concernera, dans un premier temps, que les transactions entre institutions financières. François Villeroy de Galhau l’a clairement exprimé, pas peu fier d’avoir damé le pion à tout le monde.

«  Je vois un intérêt certain à avancer rapidement sur l’émission au moins d’un MDBC (monnaie digitale de banque centrale) de gros afin d’être le premier émetteur au niveau international et tirer ainsi les bénéfices réservés à une MDBC de référence. »

On ne peut que relever l’ironie de l’histoire. Cette nouvelle étant proclamée par ceux-là même qui ont passé leur temps à vouer aux gémonies le Bitcoin et autres nuisibles. On doit cependant admettre que si le gouverneur de la BdF a tourné casaque, c’est que la monnaie numérique envisagée n’aura rien à voir avec une cryptomonnaie décentralisée, incensurable… Il s’agira plus vraisemblablement d’un ersatz cryptographique favorisant uniquement la rapidité et la réduction des coûts de grosses opérations interbancaires.

Le chœur d’un euro numérique pour tous

C’est beau un choeur qui bat à l’unisson

La nouvelle a été largement relayée. Considérée comme audacieuse par certains, un peu trop timorée pour d’autres, qui appellent à accélérer la réalisation effective d’un euro-coin. Ainsi si les trois députés français les plus engagés dans l’écosystème crypto-blockchain ont salué l’initiative, ils ont aussi appelé à enclencher le processus pour créer très rapidement un « e-euro » susceptible d’être utilisé par tout le monde pour l’ensemble des opérations financières. Laure de La Raudière, Pierre Person et Jean-Michel Mis ne sont pas les seuls à s’impatienter. En effet, dans une note publiée le 4 décembre, la Banque centrale européenne (BCE) expose clairement son désir d’émettre une monnaie numérique si le secteur privé s’avère trop lent à la mettre en place.

« (…) la BCE estime que le moment est venu de donner un nouvel élan aux paiements de détail en Europe (…). Si les efforts de l’industrie ne suffisent pas à mettre au point une solution de paiement paneuropéenne innovante et efficace, le besoin social pourra être comblé en créant une monnaie numérique de banque centrale ».

Intention soutenue par sa directrice, Christine Lagarde, le 2 décembre. Fidèle à ses convictions, elle a estimé  qu’une « monnaie numérique de banque centrale permettrait aux citoyens d’utiliser la monnaie de banque centrale directement dans leurs transactions quotidiennes. »

Tous les voyants pour un euro numérique passent au vert

Face « au risque systémique », selon l’expression de Bruno Lemaire, engendré par un projet tel que le Libra de Facebook, l’ambiance est à la concorde entre tous les acteurs du système. Ainsi, les autorités de l’Union Européenne ont adopté une déclaration commune, le 5 décembre, réaffirmant leur veto face à un stablecoin privé.

«Aucun accord mondial stable ne devrait entrer en vigueur dans l’Union européenne tant que les défis et les risques juridiques, réglementaires et de surveillance n’auront pas été correctement identifiés et traités.»

Et, encourageant, comme par hasard, les banques centrales à contrer ce projet chargé de tous les maux.

Nous nous félicitons que les banques centrales, en coopération avec d’autres autorités compétentes, continuent d’évaluer les coûts et les avantages des monnaies numériques des banques centrales… » 

On aura bien compris que tout ce petit monde s’est passé le mot pour faire circuler l’idée  d’un stablecoin d’Etat censé préserver la souveraineté monétaire de l’Europe. L’objectif étant plutôt de préserver les intérêts d’organisations à bout de souffle qui ne veulent rien lâcher de leurs prérogatives et rogner davantage encore la liberté des individus dont la moindre transaction sera traçable. On sait qu’à plus long terme, le e-euro pourrait réaliser le rêve ultime des gouvernants de faire disparaître l’argent liquide. Accusé bien commodément d’être un vecteur de fraude parce qu’il n’est pas contrôlable tout comme ce fameux peer-to-peer (electronic cash system) dont le nom n’est pas cité  dans les dernières palabres, mais dont on sait qu’il hante nos dirigeants tout autant que l’épouvantail Libra. Il faut sans doute être un peu sorti du système comme Giulio Tremonti, l’ancien ministre italien de l’Économie et des Finances, pour affirmer que le Bitcoin,

«C’est l’avenir et vous ne pouvez pas l’arrêter. »

Les monnaies fiduciaires bientôt remplacées par les cryptomonnaies

Bitcoin l’emportera t-il sur des monnaies-gadgets étatiques ?

Affirmation prémonitoire si on en croit un rapport récent du secteur recherche de la Deutsche Bank. En effet, cette prospective un peu étrange émanant d’une banque au bord de la faillite, développe l’idée selon laquelle notre système monétaire fragilisé sera remplacé , à l’horizon 2030, par l’usage grandissant de cryptomonnaies. Etablissant un parallèle entre  les chiffres de l’adoption d’internet et les taux d’adoption des portefeuilles cryptos.

« (…) si les tendances actuelles se maintiennent, il pourrait y avoir 200 millions d’utilisateurs de wallets crypto d’ici à 2030. »

L’étude estime l’hypothèse réalisable même si les trois conditions requises semblent plus improbables.

Légitimité des cryptomonnaies aux yeux des régulateurs et des autorités.

Volatilité jugulée de leur prix.

Intégration des cryptomonnaies dans les réseaux de paiement mondiaux.

Quoiqu’il en soit, l’effervescence actuelle autour d’une monnaie numérique européenne a le mérite de porter sur la place publique la question de l’argent du futur. Entre acronymes abscons et cryptomonnaies transparentes, le choix est déjà fait.

 

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