La frénésie DeFi, une histoire de pros
09 septembre 2020 - 12:47
Temps de lecture : 4 minutes
Par Nathalie E.
Nous serions-nous laissé aller à la facilité en comparant l’exubérance actuelle autour de la finance décentralisée à la folie autour des ICOs en 2017 ? Apparemment, du moins si on se fie aux requêtes de Google relayées par Coindesk.
Une comparaison prématurée
Les demandes mesurées par le moteur de recherche suggèrent qu’il y a souvent un fossé entre ce que l’on perçoit et interprète, et la réalité des faits évalués de façon plus précise. Entendons-nous bien, il s’agit juste d’un indicateur de tendance comme son nom l’indique, mais les données recueillies permettent d’atténuer les biais subjectifs que l’on emprunte parfois face à une situation déconcertante. Ainsi, quand on s’enquiert de comparer les termes de recherche DeFi (finance décentralisée) et ICO (Initial coin Offering) sur Google trends, on se rend compte que l’intérêt des particuliers pour la finance décentralisée est loin d’être attesté.
En effet, sur une échelle de 1 à 100 mesurant l’attention portée à un sujet, le terme DeFi renvoie à une valeur oscillant autour de 18. Un chiffre loin de prouver une vague emportant tout sur son passage et témoignant surtout du fait que la croissance de ce segment du marché des cryptos n’en est encore qu’à ses débuts ou… mourra peut-être de sa belle mort sans en chagriner beaucoup.
Un été chaud bouillant
Alors, pourquoi cette comparaison avec la folie des ICOs est-elle venue presque unanimement s’imposer aux observateurs ? A cause de chiffres proprement invraisemblables qui ont fait tourner les têtes et visiblement, pas uniquement celles des investisseurs.
Voici donc un petit florilège de données qui ont pu donner le tournis et répandre l’idée d’une bulle spéculative. Un marché DeFi qui a commencé l’année à 657 millions de dollars de capitalisation globale et qui en est aujourd’hui à 7, 89 milliards après, il y a quelques jours, avoir atteint les 9 milliards de valeurs verrouillées (TVL).
Une capitalisation dans les applications de finance décentralisée qui dépasse déjà largement, comme le rappelle Coindesk, celle des ICOs au vif de la vogue. 5,4 milliards de dollars levés par les offres initiales de pièces de monnaie en 2017 et 4,6 milliards de dollars pour les ICOs au premier trimestre de 2018, juste avant l’ère glaciaire qui les aura vu presque disparaître.
Ce n’est donc pas rien un envol de la sorte pour une communauté qui a déjà connu un boom explosif et qui le voit se reproduire en plus grand, plus beau, plus fort.
Données mirobolantes
Alors, repartons sur des données mirobolantes pour en témoigner encore.
Un jeton de gouvernance, le YFI de Yearn.Finance, qui a pu se prévaloir d’une progression strastosphérique, passant de 31.65 $ le 18 juillet, à 38 869 $ moins de 2 mois après selon les données de CoinGecko. Il est depuis retombé à 21 800 $ dégringolant pas mal de marches à l’image d’un marché crypto en perte de vitesse. Mais la prouesse est légendaire d’autant qu’il était considéré comme un jeton sans valeur par son créateur Andre Cronje.
Les traders en ont donc décidé autrement et ont porté son offre très limitée (30 000 unités, à rapprocher des 21 millions de BTC pour comprendre l’envolée du prix) au sommet. Dans le genre, moins épique tout de même, on trouve d’autres « pépites » (référence à la valeur vénale et pas forcément à la qualité du projet). Le LEND d’Aave qui a pris 16 000% en un an, le UMA, 5500% en quatre mois toujours selon CoinGecko. D’autres encore ont tutoyé l’Olympe et même des jetons sortis de nulle part qui ont fait 500% en quelques heures.
On pourrait comme cela aligner des chiffres, des pourcentages démesurés pour étayer le pourquoi d’une séquence hors du commun qu’on n’avait pas vu venir, du moins pas avec cette ampleur et pas de façon aussi précipitée. L’été fut donc singulier même au coeur de cette actualité-là.
Une affaire de pros
La courbe de Google trends vient juste confirmer le fait que toute cette agitation est liée essentiellement à un microcosme d’investisseurs expérimentés qui manient le trading comme d’autres les cordes d’un violon. Il faut en effet être un peu, beaucoup, virtuose pour savoir jongler avec tous les protocoles en jeu dans la DeFi et virevolter d’une plateforme ou d’un portefeuille à l’autre, l’oeil toujours rivé sur les taux d’intérêt ou sur une nouveauté disruptive susceptible de venir alourdir son bas de laine numérique.
De ce point de vue-là, on est donc bien loin de la folie des ICOs qui s’était propagée au-delà du cercle des initiés. Le battage médiatique avait touché jusqu’aux nouveaux entrants qui avaient alimenté ce marché de niche et provoqué la bulle spéculative. Or, dans le cas de la DeFi qui exige une habileté plus sophistiquée, les investisseurs sont moins nombreux mais plus outillés et installent peut-être plus durablement la finance décentralisée au coeur de l’écosystème.
Ce rapide panorama conduirait donc à penser qu’on en est qu’au début de la hype DeFi, sans commune mesure pour le moment avec la flambée des ICOs ou alors, il faudrait simplifier les protocoles pour qu’un public plus élargi puisse y accéder. C’est un peu le nouveau cheval de bataille de Binance qui multiplie les offensives en ce domaine très lucratif. L’ogre toujours affamé propose désormais à ses utilisateurs un accès facilité à ce segment du marché crypto. Mais du décentralisé sur du centralisé, on n’a peut-être pas tout compris… Décidément la DeFi en tourneboule plus d’un.
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