L’AMF sur les cryptoactifs: « Une tendance qu’il convient non de combattre mais d’accompagner »

09 avril 2018 - 12:42

Temps de lecture : 4 minutes

Par Victor

France – Lors de la Commission des finances de l’Assemblée nationale qui a siégé jeudi 5 avril, le Président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) s’est exprimé sur les crypto-actifs et la vision de l’institution qu’il dirige quant à la régulation à apporter dans ce secteur. Reconnaissant que la réglementation actuelle est « particulièrement restrictive »,  l’AMF propose plusieurs possibilités pour réguler cet environnement, comme par exemple un label de certification dédié aux ICO.

« Dans un esprit d’ouverture », voilà la vision souhaitée par Robert Ophèle, directeur de l’AMF,  pour réguler le marché des actifs cryptographiques. Lors de son intervention à l’occasion de la mission d’information sur les monnaies virtuelles présidée par Eric Woerth à la commission des finances de l’Assemblée, le directeur de l’AMF est longuement revenu sur les défis posés par une régulation des crypto-actifs, de manière particulièrement bienveillante.

« Une tendance lourde, qu’il convient non de combattre mais d’accompagner »

Cette technologie financière représente certes moins d’1% du PIB mondial,  il n’en demeure pas moins que « la digitalisation des actifs s’appuyant sur les techniques de registre distribué et de cryptologie avancée est un phénomène qui va se développer et remettre en question en profondeur le cadre de fonctionnement de nos économies », prévient l’AMF, qui a noté le développement d’un écosystème globale en France dans ce domaine, avec l’émergence d’entrepreneurs fintech et d’avocats spécialisés.

Le gendarme français de la Bourse qui a récemment émis une liste noire des sites « d’investissement » dans les cryptomonnaies a tenu à relativiser l’usage des cryptomonnaies à des fins illégales. Il évoque que l’engouement autour de ces actifs traduit la volonté d’aller encore plus loin dans ce que propose le marché actuel comme par exemple « abaisser les coûts de certaines opérations financières », « toucher une cible mondiale », « renforcer la sécurité des transactions »  ou encore « créer des environnements de service à vocation globale type Amazon (cas d’Ethereum) ».

« Cela nous conduit à penser que le développements des crypto-actifs est une tendance lourde, qu’il convient non de combattre mais d’accompagner via un encadrement qui permette son essor dans un cadre plus sécurisé qu’aujourd’hui »

Les jetons, des titres financiers ?

Une question de taille doit avant tout être résolue: les crypto-actifs sont-ils considérés comme des titres financiers au regard du droit français et européen? Si tel était le cas, leur offre au public serait génératrice d’une obligation pour l’émetteur de rédiger un prospectus visé par l’AMF.  Négatif répond cette dernière:

« Nous pensons que ce n’est que très rarement le cas, car les jetons ne relèvent généralement d’aucune des catégories retenues par la loi pour définir les titres financiers »

Le code monétaire et financier défini en effet les titres financiers (eux-même des instruments financiers) comme: « Les titres de capital émis par les sociétés par action ; Les titres de créance ; Les parts ou actions d’organismes de placement collectif. »

Une interprétation particulièrement intéressante, qui pourrait laisser la voie libre à tous les individus souhaitant proposer des conseils (gratuits ou payants) en investissement cryptographique. D’après la Directive MIF en effet, le conseil en investissement désigne la fourniture de recommandations personnalisées à un client, soit à sa demande soit à l’initiative de l’entreprise d’investissement, en ce qui concerne une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers.

Mais le nouveau règlement européen dit « Prospectus » qui entrera en vigueur en juillet 2019 « conduit cependant à revisiter cette problématique car la définition des titres financiers ne sera plus pertinente ». En effet, ce règlement régit les « valeurs mobilières », dont la définition est plus large. Elles sont définies comme « les catégories de titres négociables sur le marché des capitaux, à l’exception des instruments de paiement, telles que …. ».

« La question se pose donc de savoir si des jetons peuvent constituer « une catégorie de titres négociables sur le marché de capitaux », auquel cas ils devraient être qualifiés de « valeurs mobilières » dont l’offre au public relève de la règlementation prospectus. […] La question est ouverte. Est-ce souhaitable ? Je ne le pense pas » répond le Président de l’AMF.

« Une telle réglementation donnerait un signe de fermeture de la place de Paris et de l’Union Européenne qui souhaitent au contraire favoriser le développement des fintech. Les points forts des ICO étant leur rapidité et leur souplesse, une réglementation inadaptée aurait probablement pour conséquence de les faire fuir (y compris les « bons projets »). »

Vers un label de certification ?

L’Autorité des Marchés Financiers s’oriente actuellement vers un label non contraignant qu’elle délivrerait sous certaines conditions de transparence.

L’émetteur du jeton devrait par exemple être présent sur le sol européen et identifié, et les acheteurs soumis aux processus KYC (Know Your Customers).

L’actif et le projet devra par ailleurs être expliqué de manière pertinente, avec un « white paper décrivant de manière précise les droits ouverts [et] la technologie employée (avec éventuellement l’avis sur cette dernière par un expert indépendant » explique-t-il.

Notant que « la règlementation française est très restrictive », Robert Ophèle conclu devant les députés en rappelant « l’urgence à légiférer mais à légiférer dans un esprit d’ouverture car nous sommes face à un phénomène dont on n’a pas encore pris toute la mesure ».

Recevez le top 3 de l'actualité crypto chaque dimanche