Le FMI vous demande si les « monnaies numériques » sont de l’argent ou pas
15 janvier 2021 - 10:58
Temps de lecture : 5 minutes
Par Hugh B.
L’une des frontières dont le franchissement pourrait faire basculer l’adoption des cryptomonnaies est le statut légal qu’elles occupent. Une question rendue (volontairement) épineuse par les instances de régulation, mais pourtant évidente pour qui s’y intéresse de manière constructive et sans a priori. Un pot autour duquel tout le monde tourne depuis la création du Bitcoin il y a maintenant plus de 12 ans. Et une boîte de Pandore que le Fonds Monétaire International (FMI) vient d’ouvrir sur son compte Twitter. Cela en utilisant le terme équivoque de « monnaies numériques. »
L’univers des cryptomonnaies s’est construit sur son caractère présenté comme « disruptif. » Un terme tellement utilisé qu’il en est devenu caricatural. À tel point que sa présence dans une présentation peut presque être considérée comme une alerte anti-scam. Mais cela ne retire rien à la réalité qui fait effectivement de ces outils de gestion de valeur numériques une technologie de rupture sans précédent dans le domaine monétaire.
Car la véritable question n’est même plus de savoir si les cryptomonnaies sont des monnaies. Et ce n’est pas seulement le caractère redondant de cette précédente affirmation qui en forme le principal indice. Mais bien plus la forte opposition des instances de régulation à lui attribuer ce statut. Cela à la manière d’un producteur de camembert qui souhaite interdire cette dénomination à toute production qui n’entre pas dans sa charte historique. Mais cela dans une version beaucoup moins terroir et bien plus axée sur le contrôle unilatéral des richesses.
Le FMI et les « monnaies numériques »
Un questionnement en forme de guerre de territoire que vient de remettre sur le devant de la scène le Fond Monétaire International (FMI). Une structure qui regroupe 189 pays et dont l’objectif initial était dans les grandes lignes de « garantir la stabilité financière internationale et faire reculer la pauvreté. » Et qui se résume aujourd’hui à octroyer des prêts à des pays en difficulté en échange de l’imposition de réformes politiques et économiques rigoureuses. Certains parlent d’aide, là où d’autres parlent de contrôle.
Cette interrogation du FMI sur le statut des « monnaies numériques » a été publiée hier sur son compte Twitter officiel. Et elle est présentée sous la forme d’un sondage qui pose la (trop) simple question de savoir si elle sont réellement de l’argent.
Une question à la simplicité presque déconcertante, mais qui implique pourtant de bien réfléchir à la réponse à donner et aux implications que cela peut avoir. En premier lieu car il s’agit ici des « monnaies numériques » dont la traduction est « digital currencies. » Ce qui peut faire référence aux monnaies de ce type en cours de développement pas les Banques centrales (CBDC). Mais pas uniquement, en tout cas sous sa formulation actuelle qui aurait mérité quelques précisions.
Car les cryptomonnaies peuvent entrer dans le cadre général de ce que sont les monnaies numériques. À la différence qu’elles ne sont pas liées à une entité étatique ou bancaire. Et quel pourrait être intérêt de demander si les CBDCs sont ou non de l’argent ? Puisqu’elles ne sont que l’expression numérique des monnaies FIAT actuelles… Est-ce un manque de connaissance du sujet ou une volonté de noyer encore un peu plus le poisson ?
Quoi qu’il en soit, la question est posée. Et les réponses apportées laissent penser que le sujet des cryptomonnaies est bien en lien plus ou moins direct avec ce sondage. Mais dans ce cas, quelles conséquences pourraient avoir leur reconnaissance en temps que « monnaies réelles » ?
Qu’est-ce que l’argent ?
Et pour bien comprendre ce que tout cela implique, il semble nécessaire de revenir aux origines de ce qu’est l’argent. Cet outil financier qui permet d’effectuer des échanges indirects avec l’aide d’une unité de mesure qui n’a que la valeur de la confiance qu’on lui porte. Et dont personne n’est capable de prédire à quoi il ressemblera dans 10 ans. En particulier du fait de sa numérisation en cours.
Pour Aristote la monnaie devait avoir trois fonctions principales. Ces dernières sont sa capacité à constituer une unité de compte, la réserve de valeur qu’elle représente et son utilisation possible en temps qu’intermédiaire d’échange. Des règles qui sont toujours valables à l’heure actuelle. Cela même si elle s’agrémentent de quelques aménagements modernes.
Car la donne a changé avec le détachement progressif de l’argent de sa valeur adossée à des matières précieuses comme l’or. Ainsi que de sa dématérialisation progressive, qui en fait plus un chiffre sur un compte en banque qu’un coffre remplit de billets caché sous un édredon. Une réalité qui trouve son aboutissement dans le développement actuel des monnaies numériques de Banques centrales (CBDC).
Des éléments et spécificités dont aucun ne permet d’exclure les cryptomonnaies et le Bitcoin de cette sphère monétaire. Car cet argent numérique remplit chacune des fonctions nécessaires à cette reconnaissance. Reste donc la barrière de la régulation…
Les monnaies FIAT sont-elles de l’argent ?
Donc les cryptomonnaies entrent bien dans le cadre de la définition de ce que doit être l’argent. Mais elles n’en sont pas, car les instances de régulation ne leur permettent pas d’accéder légalement à ce statut. Une sorte de gouffre juridique dans lequel vient de sombrer la société Ripple au sujet de son XRP. Ce dernier étant considéré comme un titre financier de la société qui l’a édité, et non pas comme une (crypto)monnaie.
Une réalité visiblement différente pour le Bitcoin (BTC) et Ethereum (ETH) qui n’entrent pas dans ce conflit de terminologie juridique mis en place par la Security and Exchange Commission (SEC). Cela en conséquence directe du caractère clairement décentralisé de la « structure » qui en produit les unités. Une réalité qui n’en fait pas pour autant des monnaies reconnues comme telles. Il ne faut rien exagérer !
Mais à bien y regarder, est-ce que cette question légitime ne pourrait pas s’appliquer également aux monnaies FIAT ? Car ces dernières ont clairement changé le statut de ce que doit être l’argent, pour le rendre totalement indépendant d’une valeur matérielle effective.
Ce qui veut dire qu’en cas de réclamation généralisée d’une contrepartie équivalente en valeur telle que l’or, les Banques centrales seraient dans l’incapacité de couvrir la créance que cela impliquerait. Surtout si l’on considère la quantité de dollars sans précédent qui ont été imprimés depuis le début de la pandémie du Covid19.
Un résultat sans équivoque
Quoi qu’il en soit, le résultat du sondage mis en place par le FMI est sans appel. Et ce sont plus de 80% des presque 80 000 personnes ayant voté qui plébiscitent les « monnaies numériques » comme de l’argent à part entière. Cela même s’il est difficile de savoir de quoi il est question exactement. Un résultat qui s’accompagne de plus de 78% de votants qui répondent par la négative au sondage de Gabor Gurbacs publié dans les commentaires. À savoir que les monnaies FIAT ne peuvent pas prétendre à ce même statut.
Un chiffre plus humoristique qu’autre chose, mais qui met en évidence la crédibilité grandissante du Bitcoin face à un dollar fragilisé. Et la réalité actuelle qui fait que le contrôle monétaire exercé par les Banques centrales est très fortement mis à mal par l’émergence des cryptomonnaies. En particulier face à un modèle économique sans précédent dont les bases communautaires et technologiques semblent échapper à une vision exclusivement territoriale de la gestion monétaire.
« Le Bitcoin est soutenu par la puissance de calcul, il peut être difficile à comprendre pour une personne lambda, mais toute personne ayant des bases techniques en mathématiques et en informatique devrait être capable de comprendre assez facilement le concept. » – God of Bitcoin
La question n’est donc pas de savoir si les cryptomonnaies peuvent prétendre à remplir le rôle de l’argent. Mais bien plus quand et comment elles seront officiellement intégrées à l’offre monétaire mondiale actuelle. Si toutefois cela arrive effectivement. Et selon quelles conditions de régulation très certainement draconiennes.
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