Le Japon pressé de créer un yen numérique
11 février 2020 - 07:18
Temps de lecture : 2 minutes
Par Nathalie E.
Les déclarations de responsables politiques dans l’archipel se suivent et se ressemblent dans la volonté de créer rapidement une CBDC (Central Bank Digital Currency). L’urgence proclamée n’est bien sûr pas étrangère au contexte international qui multiplie les initiatives de numérisation des devises nationales. Mais on peut aussi souligner le sens du timing du parti au pouvoir au moment où la Chine est affaiblie par une grave crise sanitaire.
Un parti à la pointe du numérique
L’offensive a commencé avec les déclarations d’un groupe de 70 membres du parti libéral démocrate.
Nous vivons dans un monde stable sous la direction du règlement en dollars. Comment réagir si une telle fondation s’effondre et que la décision de la Chine conduit à la lutte pour la supériorité monétaire ? Le Japon devrait travailler en étroite coordination avec les Etats-Unis. Dans le cadre de ces efforts, nous devons demander de mettre les monnaies numériques à l’ordre du jour du G7. »
Leur emboîtant le pas, le ministre d’Etat, Kozo Yamamoto, vient d’appeler à la création rapide d’un yen numérique. Connu comme l’architecte de la politique de relance « Abenomics » du premier ministre Shinzo Abe, il continue de vouloir tracer des perspectives monétaires innovantes.
»Le plus tôt sera le mieux. Nous rédigerons des propositions à inclure dans les lignes directrices du gouvernement et nous espérons que cela se fera dans 2 ou 3 ans. »
Si le Japon, par sa voix, se montre aussi pressé, c’est qu’il craint plus que tout les « ravages » que provoquerait un DCEP (Digital Curency Électronicien Payment) chinois. En effet, hanté par les visées impérialistes de Pékin, il soupçonne le régime de XI Jinping de vouloir étendre son emprise, notamment sur les économies émergentes, par l’intermédiaire de ses Nouvelles routes de la Soie. Saluant au passage la prouesse du Cambodge très avancé sur son projet pilote de CBDC, Kozo Yamamoto, insiste sur les bienfaits d’une numérisation de devises nationales.
« Si chaque pays parvient à contrôler les flux d’argent avec sa propre monnaie (numérique), cela pourrait empêcher un grand swing en temps de crise et stabiliser sa propre économie. »
Une CBDC hybride
Si la Chine et le Japon visent des objectifs différents avec leur future pièce numérique, les deux pays s’opposent aussi sur la conception même de leurs CBDC respectives. Takahide Kiuchi, ex-membre du conseil de la Banque du Japon (BoJ), l’a bien explicité.
La Chine veut renforcer le poids du yuan à l’international; pour le Japon, ce serait de changer la culture du pays qui aime les espèces. La BoJ ne voudra probablement pas faire quoi que ce soit qui étoufferait l’innovation dans le secteur privé. Le meilleur moyen pourrait être de lancer une monnaie numérique de type hybride qui est exploitée et émise par des entreprises privées, avec la participation de la banque centrale.”
Cette idée d’une CBDC mixte est probablement liée au fait qu’un certain nombre de banques commerciales au Japon coopèrent déjà avec Ripple. Plus précisément, elles sont en phase de test ou d’expérimentation des solutions de paiement proposées par la société telles que la liquidité à la demande (ODL) pour traiter les paiements transfrontaliers. Aussi, on peut imaginer que les autorités optent pour une solution numérique qui viendrait non pas concurrencer les tentatives en cours de réalisation, mais s’y conjuguer pour créer une version typiquement nipponne de CBDC.
A n’en pas douter, ce sera l’un des thèmes de la discussion qui aura lieu en avril avec les 5 autres banques centrales partenaires en marge d’une conférence du FMI. Le groupe nouvellement formé ayant pour but de mutualiser ses recherches et réflexions pour faire progresser l’idée de CBDC.
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