Les Russes se ruent sur le cash et lorgnent du côté du Bitcoin
23 avril 2020 - 13:09
Temps de lecture : 3 minutes
Par Nathalie E.
Face à une crise économique qui s’annonce d’une rudesse sans nom, les Russes se sont précipités massivement pour retirer du cash tandis qu’une minorité d’entre eux ont choisi de s’intéresser aux cryptos.
Une histoire qui se répète ?
Cet afflux massif vers les espèces n’est pas venu de nulle part. Ce n’est pas la première fois que le peuple russe est confronté à de sombres soubresauts dont il sait qu’il sera la victime sacrificielle. Beaucoup d’entre eux sont encore traumatisés par la crise des années 1990. Le Mur était tombé, l’empire soviétique avait suivi, s’effondrant comme un château de cartes, avec un PIB chutant de 14,5%. Aujourd’hui, dans un contexte d’épidémie qui a gagné la Russie avec un peu de retard sur l’Europe de l’Ouest, les Russes redoutent un schéma similaire.
De nouvelles mesures fiscales
Plusieurs annonces leur ont mis la puce à l’oreille. D’abord des mesures fiscales fleurant la débâcle financière. Alors que le pays ne pratiquait, en guise d’imposition, qu’une flat tax de 13%, il vient d’annoncer de nouvelles taxes sur les revenus de l’épargne affectant les dépôts bancaires supérieurs à un million de roubles (12 500 €). Les transferts de fonds hors frontières seront aussi désormais soumis à l’impôt. Enfin, la prévision d’un budget 2020 en déficit (de l’ordre de 2%), une première depuis la crise de 2014, vient accentuer ce climat anxiogène. Et la méfiance. Car «l’État a de l’argent» grâce à son fonds souverain (Russian Direct Investment Fund, RDIF), principale plate-forme des investissements étrangers directs , riche de quelque 160 milliards de dollars et que le Kremlin semble réticent à entamer.
Un principe de précaution douteux
D’autres directives entretiennent le soupçon. Ainsi l’injonction du gouvernement qui a exhorté, sous prétexte de ralentir la propagation du virus, les citoyens comme les entreprises à délaisser les espèces pour favoriser les paiements numériques. Cet argument avancé plutôt par les régimes autoritaires, dont on a su très vite qu’il ne reposait pas sur des fondements scientifiques avérés, relève plutôt, aux yeux des habitants, de la manipulation. Un alibi pour leur piquer leurs sous ? En tous les cas, ce serait, selon Bloomberg, plus d’un billion de roubles (12,6 milliards d’euros) qui auraient été retirés en cette période.
Du cash à la crypto
Dans cet aujourd’hui incertain qui annonce des lendemains peu riants, certains gardent en mémoire ces roubles glissés sous le matelas qui n’ont, au final, servi qu’à attiser le feu dans des poêles à bois. D’autres se souviennent de brouettes nécessaires au transport de billets de monopoly pour aller cahin-caha les échanger contre quelque nourriture improbable dans des magasins vides. Le pire, ils connaissent et pour une minorité, la seule planche de salut est de se tourner vers un système décentralisé où l’Etat n’ira pas glisser son vilain nez.
Ainsi, le volume et les taux d’inscription sur les échanges cryptographiques connaissent une augmentation notable. Le trafic enregistré selon Qrator Labs est en croissance de 5,56%. Anton Kozlov, gestionnaire de compte de l’exchange Paxful (présent sur le marché russe seulement depuis septembre 2019) indique, sur Decrypt, que le pic du volume a été atteint en mars avec 3,7 millions de roubles échangés.
Le pétrole en chute, un rouble fragilisé
Certes, ce n’est pas un tsunami mais dans un contexte réglementaire peu propice à la cryptomania, ce n’est pas rien. Rappelons en effet qu’un nouveau projet de loi, qui devrait être discuté à la Douma ce printemps, menace d’interdire les paiements en cryptomonnaie et exige l’identification obligatoire de tous ses utilisateurs. En Russie comme ailleurs, la Chine à tout hasard, les cryptos sont accablées de tous les maux tandis que la blockchain (à la sauce autoritaire) est auréolée de toutes les vertus. On connaît la rengaine, ce qui n’empêche pas une plateforme comme Binance de vouloir renforcer sa présence en Russie.
C’est un signe positif d’autant que les toutes dernières nouvelles peuvent motiver encore davantage l’investissement dans le Bitcoin. En effet, une autre catastrophe se profile à l’horizon. Si la nouvelle de l’effondrement du prix du baril de pétrole américain WTI, franchissant le seuil improbable de moins de zéro dollar lundi, a ébranlé Washington, elle a aussi donné des sueurs froides au Kremlin. Pour la Russie, dont l’économie est très dépendante des revenus de ses hydrocarbures, la perspective d’une chute durable des cours du pétrole est désastreuse. Le budget russe étant calculé sur la base d’un baril à 42,50 dollars (39,10 euros), l’effondrement de son prix risque d’entraîner le rouble au fond du précipice.
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