L’Inde en mode interdiction crypto mais du sursis pour les détenteurs

12 février 2021 - 08:57

Temps de lecture : 3 minutes

L’adoption de la proposition de loi visant à interdire l’utilisation des cryptomonnaies « privées » en Inde semble probable. Mais les détenteurs d’avoirs numériques pourront a priori bénéficier d’un délai courant de trois à six mois pour fermer leur position.

Une interdiction des cryptos imminente

Le couperet semble imminent. Selon un article de Bloomberg, le projet de loi visant à interdire l’utilisation des cryptomonnaies en Inde semble sur le point d’être adopté.

Sorti du chapeau il y a à peine un mois, cette nouvelle offensive des autorités indiennes vise un objectif très précis : donner priorité à la future version numérique de la roupie.

En effet, il s’agit pour le gouvernement de faire place nette et d’éliminer les cryptomonnaies qui ne relèvent pas du supposé pouvoir régalien de l’Etat. En d’autres termes, seule une monnaie numérique émise par la banque centrale (CBDC) sera autorisée. Les autres étant considérées comme des concurrentes illégitimes à cette version 2.0 de la devise nationale en préparation. Bitcoin et altcoins échappant au monopole de l’Etat sont donc bel et bien visés. Indéniablement, malgré une formulation officielle volontairement confuse et sujette à interprétation tendancieuse.

Le but de ce projet de loi est de créer un cadre facilitant la création de la monnaie numérique officielle émise par la Bank of India. Le projet de loi vise également à interdire toutes les crypto-monnaies privées en Inde. Cependant, il autorise certaines exceptions pour prendre en charge la technologie sous-jacente de la crypto-monnaie et ses utilisations. »

bulletin Lok Sabha du 29 janvier 2021

Quoi qu’il en soit – et même si à l’opposé d’une prétendue « crypto privée » telle qu’évoquée par les autorités, Bitcoin est public et décentralisé et de fait, impossible à interdire – le projet débattu lors de la session budgétaire actuelle du Parlement a de grandes probabilités d’être adopté. En effet, le parti autoritaire au pouvoir contrôle les deux Chambres qui le constituent.

Du sursis pour les détenteurs de crypto

Pour le haut-fonctionnaire du ministère des Finances indien interrogé par Bloomberg, c’est même une certitude. Aussi livre t-il, sous couvert d’anonymat, les conditions réservées aux détenteurs de cryptomonnaies. Déclarant que l’interdiction ne serait pas effective du jour au lendemain, il a précisé que les investisseurs en cryptomonnaies bénéficieraient d’un délai de trois à six mois après la mise en œuvre de la nouvelle loi pour liquider leurs investissements.

Une respiration bienvenue si on peut dire. Surtout pour l’écosystème indien encore malmené qui avait repris du souffle depuis que la Cour suprême du pays avait annulé l’interdiction faite aux banques d’opérer des transactions avec les exchanges de crypto-actifs. Mais cette fois-ci, la renaissance fragile de la sphère crypto semble vraiment compromise.

Nous attendons tous que les détails (de la loi proposée) soient publiés pour déterminer notre prochaine ligne de conduite. Si le gouvernement continue d’interdire toutes les crypto-monnaies, à l’exception de celle soutenue par l’État, il ne sera pas logique de poursuivre nos activités en Inde. »


Sathvik Vishwanath, cofondateur et directeur général d’Unocoin

L’Inde, la Chine et après ?

L’Inde, selon le responsable interrogé, par cette loi visant à offrir un cadre idyllique à l’épanouissement de sa monnaie souveraine s’inspirerait directement du modèle chinois. En effet, le régime de Pékin oeuvrant avec célérité à son RMB numérique, a imposé une réglementation drastique. Pas de commerce ni d’utilisation de cryptomonnaies, fermeture des plateformes d’échange locales et blocage d’accès aux exchanges étrangers. Bon, tout ça n’empêche pas les Chinois de continuer à investir dans la crypto. Ils en acquièrent par des moyens détournés d’autant que sa détention elle, n’est pas interdite. Mais malgré tout, le signal envoyé par ces régimes autoritaires est on ne peut plus délétère. Il vient étrangler une industrie motrice de croissance économique.

Les démocraties engagées elles aussi dans l’élaboration de leurs propres CBDCs ne suivront probablement pas ouvertement le même chemin. Mais le risque existe de mesures de plus en plus coercitives pour étouffer un écosystème perçu comme une menace à la souveraineté des Etats. Le refrain des différents responsables liant systématiquement Bitcoin et terrorisme, Bitcoin et blanchiment d’argent est là pour nous le rappeler.

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