Nouvelle alliance de 6 banques centrales autour des monnaies numériques

22 janvier 2020 - 14:59

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Depuis le projet Libra de Facebook qui a fait l’effet d’un pavé dans la mare, l’idée de cryptomonnaies d’Etat ou de monnaies numériques émises par des banques centrales a commencé à se répandre. Aussi assiste t-on de plus en plus souvent à une mutualisation des énergies pour phosphorer la chose. Après l’association des banques allemandes qui avait appelé à la création d’une monnaie numérique, un pas supplémentaire a été franchi. Aujourd’hui, ce sont six banques centrales qui s’unissent pour réfléchir ensemble au potentiel offert par les CBDC (Central Bank Digital Currency).

Rappel d’un projet à remous

Alors que la Libra de Zuckerberg, censée voir le jour cette année, se voit lâchée par ses partenaires qui désertent le projet les uns après les autres (Paypal, Stripe, Visa, Mastercard, Ebay… et le dernier en date, Vodafone), elle reste au cœur des préoccupations institutionnelles. En effet, un stablecoin (coin dont la valeur est adossée à une réserve financière composée des principales devises et obligations publiques) né d’une initiative privée plutôt que du secteur public, semble toujours aussi inacceptable pour les autorités. D’autant que l’ampleur du système de paiement global ambitionné par Libra, soutenu par ses 2,5 milliards d’utilisateurs, a vocation planétaire et représente une sérieuse menace pour la souveraineté monétaire des Etats.

Aussi envisagent-ils de lancer eux-mêmes leurs propres devises numériques. La balance penchant, pour le moment, vers une numérisation de monnaie d’Etat à l’usage exclusif des institutions financières. C’est le cas par exemple de l’euro numérisé, annoncé pour fluidifier les grosses opérations interbancaires et réduire leurs coûts. Le grand public devra lui vraisemblablement attendre avant de pouvoir en disposer. A moins qu’il ne se tourne vers une cryptomonnaie décentralisée comme Bitcoin qui n’a besoin de l’autorisation de personne pour réaliser des transferts de valeur pour un coût dérisoire.

Une alliance internationale

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle association, annoncée par un communiqué de presse publié par la banque d’Angleterre en date du 21 janvier, montre que cette histoire de monnaie numérique reste au centre de l’agenda économique des institutions. On ignore comment les membres du groupe ont été sélectionnés, mais le fait est qu’il sera composé de 6 banques centrales. La Suède, le Canada, la Suisse, le Royaume-Uni, le Japon et l’Europe (la BCE). Chapeautée par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), l’organisation sera censée longuement réfléchir aux enjeux et dispositifs.

«Le groupe évaluera les cas d’utilisation des CBDC, les  choix de conception économique, fonctionnelle et technique, y compris l’interopérabilité transfrontalière. Le partage des connaissances (se fera aussi) sur les technologies émergentes. (Le groupe) assurera une coordination étroite avec les institutions et forums concernés.  En particulier, avec le Conseil de stabilité financière et le Comité des paiements et des infrastructures de marché. »  

Elle n’envisage, à ce stade, aucune réalisation concrète.

Une direction sans surprise

Le sous-gouverneur de la banque d’Angleterre, Jon Cunliffe, co-dirigera ce consortium avec  le Français Benoît Coeuré. Ce dernier, nommé depuis peu à la tête de la BRI, est un peu le Mr Crypto de l’institution depuis qu’il a piloté un rapport sur les stablecoins pour le dernier G7. « Mr anti-crypto » lui conviendrait mieux si on se fie à sa saillie sur le Bitcoin  qu’il avait qualifié « d’émanation maléfique  de la crise financière de 2008 ». Il ne semble pas avoir révisé son jugement si on en croit ses dernières déclarations pas  plus amènes. Sans doute est-ce un critère de distinction pour coordonner une telle organisation. Think tank à la sauce institutionnelle destinée à élaborer un projet ouvertement anti-Libra et plus secrètement anti-Bitcoin (les monnaies numériques de banque centrale en sont la parfaite antithèse).

Face à l’urgence de la situation caractérisée notamment par des projets de monnaies numérisées déjà bien avancées comme le « crypto-yuan » chinois, la question est de savoir quand la parole deviendra performative. « Quand dire, c’est faire » ne semble pas encore à l’ordre du jour. Benoît Coeuré l’avait déjà affirmé.

« … il est peu probable qu’une monnaie numérique soit émise par une banque centrale au cours des 10 prochaines années. »

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