Les utilisateurs de cryptomonnaies ne s’intéressent pas (assez) à la protection de leur vie privée
03 septembre 2020 - 07:30
Temps de lecture : 4 minutes
Par Hugh B.
La confidentialité et la protection des données privées sont au centre de l’univers des cryptomonnaies depuis son apparition. Certaines d’entre elles permettent de réaliser des opérations totalement anonymes dans un monde où tout est étalé au grand jour. Mais ce n’est pas le cas des plus populaires qui restent pourtant les plus utilisées à l’heure actuelle. Car les amateurs de cryptomonnaies n’en ont plus rien à faire d’être surveillés.
L’exigence de confidentialité n’a pas bonne presse dans notre société où même la blockchain sert à mettre en place des technologies de surveillance de masse. L’exiger revient à se ranger dans le camp des personnes cherchant à cacher une activité condamnable. Comme si ne pas vouloir être visible à tout moment de sa vie était une atteinte à la sécurité nationale. C’est pourtant bien là un droit fondamental et la base historique de l’univers des cryptomonnaies.
Une réalité qui a permis de voir apparaître des projets de monnaies numériques dont le but est d’offrir un anonymat réel et efficace dans le cadre des transactions effectuées. Mais un récent rapport de la structure d’analyse de données cryptos CoinMetrics indique que ces options de protection de la vie privée ne semblent pas intéresser les utilisateurs. Cela les amenant à se poser la question de savoir s’ils sont (encore) réellement concernés par cette question.
La philosophie Cypherpunk
L’univers des cryptomonnaies s’est construit sur un certain nombre de valeurs liées à la philosophie Cypherpunk. Une idéologie libertaire à l’origine de leur apparition, mais également de leur développement à une époque où personne ne voulait mettre ne serait-ce qu’un centime dans le Bitcoin. Tout cela basé sur une décentralisation militante et un accès possible au plus grand nombre.
« Nous les Cypherpunks sommes dédiés à la construction de systèmes anonymes. Nous défendons notre vie privée avec la cryptographie, avec des systèmes de transfert de courrier anonyme, avec des signatures numériques et avec de la monnaie électronique. » – Eric Hughes, manifeste Cypherpunk (1993)
Dans ce contexte l’anonymat a été revendiqué comme une volonté de protéger l’individu contre la surveillance et le contrôle des gouvernements ou des multinationales. Tout cela selon l’idée que « la vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. »
Et cet espace de liberté individuelle dans le domaine monétaire est devenu la cryptosphère actuelle. Un espace propice au développement d’offres indépendantes de tout contrôle. Mais également le terrain de jeu d’individus malveillants pour qui liberté rime avec absence de respect des règles.
Les cryptomonnaies et l’anonymat
Il est important de commencer ce paragraphe en précisant une nouvelle fois que la plupart des cryptomonnaies – Bitcoin compris – ne sont pas anonymes. Cela du fait qu’elles reposent sur une forme publique de la technologie blockchain. Une réalité qui fait que certaines fonctionnalités sont développées afin de leur offrir un anonymat sous la forme de rajouts au code originel, comme le protocole MimbleWimble du projet GRIN. Ou selon le principe du mixeur très apprécié du darknet.
Dans le domaine, il existe pourtant des cryptomonnaies dont le but initial est d’offrir ce type de services. C’est par exemple le cas du célèbre Monero (XMR) connu comme étant la monnaie préférée des criminels ayant un minimum de connaissance dans le domaine.
Ce dernier a été créé en 2014 et repose sur un système du nom de CryptoNote. Il permet de garantir la confidentialité des transactions en empêchant d’en connaître les membres. Depuis 2017 il permet également d’en cacher le montant.
Le cas du ZCash (ZEC)
Mais le plus populaire dans le domaine reste le ZCash. Il s’agit d’un fork du Bitcoin créé en 2016 et intégrant un système de cryptage qui permet aux nœuds de valider les transactions sans connaître leur contenu. Son offre se décline sous deux formes distinctes de transactions qui peuvent être transparentes ou blindées. La première ressemblant au système du Bitcoin et étant entièrement vérifiable. La seconde passant par une réserve protégée en garantissant l’anonymat complet à l’aide de son outil de cryptage zk-SNARK.
Mais malgré leur existence, ces outils au service de l’anonymat semblent ne pas rencontrer le succès qui devrait être le leur dans cet univers. Ce qui permet à CoinMetrics de se poser la question de la volonté des utilisateurs de cryptomonnaies de protéger leurs activités, aussi légales soient-elles.
La confidentialité est-elle importante ?
En effet, cette étude permet de mettre en lumière le fait qu’il n’y a actuellement que 5% des toutes les unités de ZEC émises qui bénéficient réellement de son système de protection. Un chiffre qui tombe à 2% lorsqu’il est question de mesurer la quantité utilisée dans le cadre de transactions entièrement blindées qui permettent d’en cacher les acteurs, mais également le montant.
« Pour chaque transaction sur l’un de ces actifs de confidentialité, 16 sont effectuées sur le Bitcoin et d’innombrables autres sur des actifs offrant encore moins de confidentialité. » – CoinMetrics
L’étude en arrive à la conclusion que c’est l’absence d’intérêt des utilisateurs pour la protection de leur vie privée qui est le plus grand obstacle au développement de ces systèmes de transactions anonymes. Cela malgré le fait que l’adoption des cryptomonnaies ne cesse de croître auprès du grand public.
Ce qui entraîne visiblement une dissolution problématique de son éthique d’origine axée sur la confidentialité. Une réalité qui pourrait signifier un basculement de cet univers dans une direction qui reste à définir. Mais qui risque très certainement d’en modifier l’esprit et l’utilité.
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