Ethereum vs MEV – Comment les mineurs peuvent « réécrire l’histoire de la blockchain »
05 août 2021 - 10:43
Temps de lecture : 5 minutes
Par Hugh B.
La technologie blockchain est le socle sur lequel se développe l’univers des cryptomonnaies. Un processus présenté comme très sécurisé du fait de son caractère décentralisé et transparent. Mais il semble que ce château fort de l’économie numérique ne soit pas aussi inviolable que certains l’affirment. En cause, les profits réalisés par les mineurs et leur capacité à choisir quelle transaction va passer avant une autre. Une réécriture de l’histoire qui se définit par le principe de « valeur extractible des mineurs » (MEV). Et qui alimente actuellement de nombreux débats au sein de la communauté Ethereum. Car cela pourrait bien être le véritable talon d’Achille de la DeFi.
L’univers des cryptomonnaies est en pleine construction. Un écosystème complexe qui voit apparaître sans cesse de nouveaux projets et fonctionnalités innovantes. Mais également de véritables fiascos qui permettent de savoir ce qu’il ne faut pas faire. Et au centre de tout cela trône actuellement la DeFi construite sur le réseau Ethereum. Une économie décentralisée dont le principal problème est de dépendre des faiblesses de la blockchain qui la porte. Ce qui entraîne à chaque hausse du marché une explosion des frais de transaction prélevés par les mineurs. Un problème que la mise en place effective de l’EIP-1559 devrait permettre de régler. Mais est-ce vraiment le point le plus critique ?
Car c’est bien contre une partie importante des mineurs du réseau Ethereum que cette modification a été imposée. Cela du fait des sommes colossales qu’ils amassent actuellement avec la validation de ses blocs. Une valeur extractible du nom de MEV qui correspond aux profits réalisés lors de cette opération. Et que l’outil d’analyse on-chain MEV Explore permet d’estimer à plus de 700 millions de dollars depuis le début de l’année. Et plus de 17 millions de dollars sur les trente derniers jours uniquement.
Des revenus importants, mais qui ne sont pas le simple fruit du hasard. Et que le site MEV Explore prend même la peine de présenter non pas comme la valeur extractible des mineurs, mais la « valeur maximale extractible » d’un bloc. Et cette différence n’est pas un simple détail.
La MEV et ses dérives inquiétantes
Car le grand livre ouvert de l’histoire des transactions de la blockchain est gravé dans son code. Mais cela n’empêche pas ceux qui l’écrivent d’avoir certains pouvoirs discutables. Et en particulier celui de choisir quelle opération jugée plus rentable va être traitée avant une autre, aux frais de gas moins élevés. Ce qui donne lieu à des passe-droits lors d’opérations de type ICO ou plus récemment de créations (mint) de nouveaux NFTs. Avec comme ticket coupe-file le fait d’être prêt à faire exploser les Gwei. Mais comme conséquence directe d’offrir aux mineurs la possibilité de ne pas respecter l’ordre d’entrée.
Une question d’autant plus d’actualité que la mise à niveau London du réseau Ethereum devrait être effective sous peu. Et qui fait débat tout autant dans sa communauté qu’au sein d’instances plus traditionnelles comme le Sénat américain. Cela avec une récente intervention de la professeure de droit Angela Walch sur le sujet. Le tout durant une discussion sur les cryptomonnaies et la question de savoir « à quoi sont-elles bonnes ».
« Il y a d’énormes quantités de valeur que les mineurs exploitent (MEV) de cette manière en ce moment. Et cela est considéré comme un problème critique pour le succès des cryptomonnaies et l’affirmation selon laquelle elles doivent être immuables, sécurisées ou sans intermédiaires. » – Angela Walch
Surtout que cette capacité à choisir quelle transaction va passer avant l’autre ne pose pas uniquement un problème de respect du principe de file d’attente. Ni même celui de la simple cupidité des mineurs au détriment de valeurs d’équité que cela met en péril. En effet, cela pose la question bien plus critique de la sécurisation des transactions dans des univers économiques comme celui de la DeFi.
Réécrire l’histoire de la blockchain
Car ce problème concerne un non-respect de la chronologie des transactions qui fait la seule véritable histoire – et sécurité effective – de la blockchain. Ce qui peut faire rater une opportunité à un investisseur pourtant arrivé le premier. Mais également entraîner des situations où un producteur de bloc pourrait identifier une opportunité d’arbitrage très juteuse effectuée par un autre trader. Et décider de faire passer sa transaction juste avant la sienne afin d’en tirer profit à sa place. Ou encore ce que Caleb Sheridan, développeur principal chez Eden Network, expose dans ce qu’il nomme les opérations de type « prise en sandwich ».
« Un oracle met à jour un prix dans un contrat DeFi. Et si vous savez quel sera ce prix, vous pouvez effectuer votre transaction très rapidement juste avant cette mise à jour. Puis juste après, vous pouvez effectuer une autre transaction. (…) Cette technique de prise en sandwich des mises à jour des prix d’oracle est une autre forme de MEV malveillant. » – Caleb Sheridan
Une situation qui « si elle n’est pas atténuée, pourrait empêcher l’utilisation la technologie blockchain« , selon Jeff Lau. Et à laquelle de nombreux développeurs et chercheurs en charge de cette blockchain tentent de trouver une solution. Cela afin de minimiser ce que certains d’entre eux définissent sans détour comme « la domination des mineurs ». Ces derniers incités « à réécrire l’histoire de la blockchain » selon Adam Gagol, co-fondateur de la structure Aleph Zéro. Et l’arrivée tant espérée de l’EIP-1559 pourrait ne pas apporter toutes les solutions attendues.
« L’EIP-1559 est la mise à niveau la plus importante de l’histoire d’Ethereum. Mais bien qu’il résolve certains de ses problèmes majeurs, comme les frais de gaz élevés et les enchères de gaz prioritaires, il en crée d’autres en réduisant les revenus des producteurs de blocs. Ce qui incite par inadvertance a plus de MEV. » – Caleb Sheridan
Comment réduire l’impact de ces MEV ?
De nombreux développeurs et structures tentent de réduire l’impact de ces MEV. Et la mise en place effective de l’EIP-1559 sera à n’en pas douter un pas de géant dans cette direction pour Ethereum. En particulier car la DeFi ne peut pas se permettre de reposer sur un réseau dont certains membres peuvent en anticiper le déroulement chronologique. Une manière de remonter le temps qui fragilise très fortement le fondement même de la technologie blockchain censée être infalsifiable. Et que des solutions comme le consensus de type Proof of History du projet Solana (SOL) pourraient permettre de résoudre grâce à un horodatage systématique et immuable. Mais encore faut-il que cela s’applique aux transactions et pas uniquement aux blocs…
Un problème auquel le réseau Eden Network tente également d’apporter une solution innovante. Cela en protégeant les traders de ces procédures de type frontrunning. Le tout en aidant les mineurs à compenser leurs pertes de revenus en échange de la garantie de ne pas procéder à ces réorganisations arbitraires. Ce qui permet aux participants de bénéficier de placements garantis dans les blocs du réseau Ethereum. Mais également de pouvoir exécuter des transactions en dehors de son pool public. Une offre à laquelle sont déjà associés les projets Band Protocol et Alpha Finance. Et qui est en accès libre depuis quelques jours sur la plateforme Sushiswap.
Mais ce problème de chronologie associé à la valeur extractible des mineurs (ou maximale) ne concerne malheureusement pas uniquement le réseau Ethereum. Cela même si son actualité autour de l’ajout de l’EIP-1559 en fait le point central de ce questionnement actuel. Il est en tout cas l’un de ceux qui tentent d’y apporter une réponse efficace et durable. Et cela n’a rien d’un détail si la technologie blockchain appliquée aux cryptomonnaies veut réussir à rencontrer l’adoption qu’elle mérite.
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