L’étouffoir de la régulation crypto aux Pays-Bas: l’exemple de Bittr

27 avril 2020 - 08:59

Temps de lecture : 3 minutes

Le fondateur de Bittr vient d’annoncer la fermeture de sa plateforme d’épargne Bitcoin, suite au renforcement, aux Pays-Bas, de la réglementation AMLD5 de l’Union européenne.

Des mesures inquiétantes

La nouvelle n’est pas anodine. Elle illustre les ravages que va occasionner le zèle de certains Etats à appliquer, en les corsant, les directives européennes pour encadrer l’activité des prestataires de services crypto.

Pour rappel, la 5ème directive anti-blanchiment de l’Union européenne (5AMLD), entrée en vigueur le 10 janvier 2020, a été adoptée afin d’améliorer la transparence des transactions financières dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Son champ d’application réglementaire inclut les fournisseurs de services de cryptographie.

L’ AMLD5 était supposée définir une approche unifiée des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent dans toute l’Union Européenne. Mais les différents États membres semblent mettre en œuvre des interprétations différentes de la directive, en allant parfois au-delà des exigences réglementaires. Ainsi aux Pays-Bas, le ministère des Finances a ajouté une série d’amendements contraignants  et a nommé  la Banque centrale néerlandaise (DNB) pour superviser les sociétés de cryptomonnaie.

Outre la quantité et le type d’informations personnelles supplémentaires que les sociétés cryptographiques sont dorénavant tenues de collecter auprès de leurs utilisateurs, elles vont être touchées au portefeuille. En effet, la supervision orchestrée par la Banque centrale des Pays-Bas n’est pas gratuite. Les frais qu’elle va engendrer sont évalués à 1,7 million d’euros redevables par les startups de l’écosystème. Or,  et même si les coûts seront répartis « proportionnellement au chiffre d’affaires » selon la réponse ministérielle, la situation devient intenable pour beaucoup.

Le cas Bittr

Cette société unipersonnelle qui a eu la bonne idée de simplifier le Dollar Cost Averaging en l’automatisant est la dernière victime en date.

Rappelons que le DCA est une stratégie d’achat de Bitcoin qui consiste à investir régulièrement (par exemple chaque mois) une somme identique sur le même support et ce, quel que soit l’état du marché. L’’investissement régulier d’un montant fixe permet d’obtenir un prix de revient inférieur à la moyenne des prix constatés lors des achats successifs.

Bittr en a donc fait sa spécialité comme en témoigne un de ses utilisateurs, fin observateur par ailleurs de l’écosystème. Il déroule dans un article de son blog les dérives de cette nouvelle réglementation qui fait peser sur de petits acteurs « une pression légale et administrative comparable à celle à laquelle sont soumises les banques».

Arme fatale décrite par le fondateur de Bittr, Ruben Watterman. Annonçant la fermeture de sa société pour le  28 avril au plus tard, il proteste d’abord contre le fait d’être contraint de collecter les données sensibles de ses clients même pour ceux qui opèrent des transaction négligeables de l’ordre de 25 €, et quand bien même ils ont déjà prouvé leur identité auprès de leur banque. Si l’intention est d’ empêcher les « petits » d’accéder à des services financiers en dehors du secteur conventionnel, c’est plutôt réussi.

A cette expérience utilisateur sabordée vient s’ajouter la gestion compliquée d’une entreprise personnelle qui ne possède pas les ressources nécessaires pour organiser la documentation KYC (Know Your Customer) en interne ou pour embaucher un responsable de la conformité.

Des institutionnels à la manœuvre

N’ayant plus les moyens pour assurer la survie de son entreprise, Ruben Watterman se voit donc contraint de la fermer. Il n’est pas le premier. Simplecoin, une société de minage a cessé ses activités dès janvier. Deribit, une bourse de dérivés crypto, est parti  pour des cieux plus cléments (le Panama).

D’autres encore vont vraisemblablement suivre le même chemin pour échapper à un régime de surveillance destiné à privilégier les gros déjà  bien en place. Expression peu gracieuse pour désigner ceux qui vont occuper un terrain déserté par manque de combattants crucifiés sur l’autel de la chasse gardée. Que des institutionnels comme la Banque centrale des Pays-Bas, qui s’est fait récemment remarquer par sa volonté d’être la première à tester un euro numérique, soit choisie pour contrôler tout ce petit monde est bien sûr stratégique. A la pointe de la recherche sur une CBDC (Central Bank Digital Currency), on comprend aisément qu’elle soit à la manœuvre pour asphyxier l’écosystème crypto et en retirer tous les avantages.

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