Libra, Libra pas ? Facebook révise ses ambitions

05 mars 2020 - 13:47

Temps de lecture : 3 minutes

Alors que Facebook a dû faire face à des résistances unanimes de la part des régulateurs depuis le lancement annoncé de son stablecoin Libra, l’entreprise de Zuckerberg a visiblement décidé d’imprimer une orientation un peu différente à son projet.

Nouvelle orientation du projet Libra

Il convient de rester prudent. Les informations recueillies au compte-goutte ne sont pas très claires sur la tournure des événements. Mais si la confusion règne, il semblerait néanmoins que le projet s’orienterait dorénavant vers un système plus ouvert.

En effet, surfant sur la vogue des CBDC, la plateforme et son association Libra auraient décidé que le portefeuille destiné à accueillir son propre stablecoin, pourrait aussi héberger des devises numériques de Banque centrale. Pas n’importe lesquelles. Le dollar américain, l’euro, le yen, d’autres  encore,  mais assurément pas la devise  chinoise. Pas plus que le yuan ne fera partie du panier de devises auquel serait adossée la Libra, le renminbi numérique ne rentre ni dans les plans de Facebook ni a fortiori dans son portefeuille Calibra.

C’était l’un des arguments exposé par Zuckerberg lors de son audition au Congrès américain. La Libra a été pensée aussi contre l’ogre chinois. Précisément, et de manière plus euphémique, elle a été conçue en vertu d’une notion plus consensuelle d’équilibre. En effet,  Libra pourrait être, selon ses créateurs, un instrument monétaire susceptible d’aider au maintien des rapports de force menacé par l’appétit pantagruélique de Xin Jinping dont les visées expansionnistes (les Nouvelles Routes de la Soie) pourraient être facilitées par un DCEP imposé dans les échanges commerciaux.

Une ambition revisitée

L’argument n’a pas plus  convaincu que la rhétorique initiale qui mettait l’accent sur l’accès à des services financiers pour les populations débancarisées de la planète. La promesse étant qu’il serait aussi facile d’envoyer de l’argent n’importe où dans le monde et à peu de frais que d’adresser un SMS. Sans céder sur cet objectif-là, Marc Zuckerberg et David Marcus (co-fondateur) ont encore, a priori, lissé leur intention. Tellement que certains ont cru à la disparition pure et simple de Libra. Malentendu immédiatement levé par des proches du projet. La visée initiale ne serait pas dénaturée, elle s’ajusterait simplement en s’ouvrant à la pluralité.

Le rêve d’un seul token mondial n’est pas mort. Le nouveau plan pourrait élargir, et non faire reculer, la vision d’origine.”

Libra s’apparenterait donc désormais à un système de paiement mondial de type Paypal. La seule différence étant son support technologique, une blockchain « permissionnée » (registre distribué dont l’adhésion est contrôlée).

Libra en 2020

Suite aux nombreuses défections des membres de la fondation Libra ( 8 sur 28 dont Visa et Mastercard mais deux nouveaux, Shopify et Tagomi Trading, se sont ralliés), on aurait pu croire le projet moribond. En réalité, il s’était juste fait plus discret, ses représentants ne cessant de consulter et de se confronter aux régulateurs américains (le département du Trésor, la SEC…) pour affiner la nouvelle proposition. Dante A. Disparte, vice-président de la Libra Association, ne s’en cache pas. Il avait déjà plaidé, en marge de Davos, en faveur d’une plateforme open source viable pour des produits qui améliorent l’inclusion financière tout en respectant le souhait des autorités.

« Nous avons démontré au cours des six derniers mois que nous ne sommes pas dogmatiques en ce qui concerne notre structure de projet et notre approche et que nous prenons largement en compte le type de rétroaction que nous avons entendu de la part des régulateurs et des décideurs. »

Nouvelle approche certes, mais le jeton Libra semble y perdre de sa prééminence. Le lancement de Facebook Pay en novembre dernier ajoute à la confusion. Cette  solution de paiement plus conventionnelle, qui se déploie sur les applications de messagerie du groupe (Messenger, WhatsApp  puis Instagram), suscite de nombreux questionnements et interroge l’intérêt même d’un stablecoin émanant de Facebook. Mais il ne s’agit pas de sous-estimer Zuckerberg et sa puissance de feu. Si la stratégie est encore  volontairement nébuleuse, on peut s’attendre à des surprises pour l’année à venir. Le lancement de Libra est désormais prévu pour octobre. Quelle en sera la version définitivement adoptée ?

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