L’UE cible encore les stablecoins

28 juin 2020 - 14:55

Temps de lecture : 4 minutes

Selon le vice-président exécutif de l’Union européenne (UE), Valdis Dombrovskis, l’Europe étudie un nouveau cadre réglementaire pour les cryptomonnaies qui inclura probablement des exigences plus strictes pour les stablecoins « à visée mondiale’.

Une norme internationale pour les crypto actifs

Dans un discours prononcé la semaine dernière, lors du Digital Finance Outreach 2020, le vice-président exécutif de la très édifiante « Commission européenne pour une économie qui fonctionne pour les citoyens » a renouvelé le voeu d’une Europe leader du numérique. Observant que la pandémie qui sévit a accéléré l’adoption de la numérisation, il souhaite que le mouvement s’amplifie pour créer des emplois et relancer la croissance économique. Mais l’idée-phare qu’il soutient, c’est que le vieux continent, ayant selon lui les moyens de son ambition, devienne le phare dans la nuit de la réglementation pour indiquer au monde la voie à suivre en matière de normes des cryptoactifs.

C’est une bonne occasion pour l’Europe de renforcer sa position internationale et de devenir un organisme de normalisation mondial, les entreprises européennes étant à la pointe des nouvelles technologies pour la finance numérique. »

Sauf qu’avant de prétendre inonder le monde de ses lumières, l’Union Européenne doit d’abord faire le ménage à l’intérieur même de ses frontières.

Unifier l’Europe des cryptos

En effet, on ne peut pas dire que la concorde règne en matière de régulation des actifs numériques. Chaque pays jusqu’à présent, fait un peu comme il veut. Et si la France est très en avance avec sa loi Pacte et son volet PSAN, nombreux sont ceux qui ne disposent pas encore de cadre législatif aussi précis. Première nécessité qui s’impose : homogénéiser un régime réglementaire pour l’ensemble de la Communauté.

Le manque de sécurité juridique est souvent cité comme le principal obstacle au développement d’un marché solide des crypto actifs dans l’UE. »

Fluidifier les échanges crypto au sein d’un marché unique, c’est apparemment le tournant que semble vouloir prendre la zone euro. Mais surtout, elle cherche aujourd’hui à se prémunir contre les stablecoins. Ces actifs numériques adossés à un actif tangible, une monnaie fiduciaire par exemple dans une supposée stricte équivalence, ne connaissent pour l’heure aucune réglementation. L’Europe s »emploie donc à définir un cadre restrictif à leur usage.

Du flou autour des stablecoins

Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup…

La future réglementation est censée être dévoilée un peu plus tard dans l’année. En attendant, l’ancien premier ministre de la Lettonie se contente de généralités en précisant – ça ne mange pas de pain – que ce nouvel arsenal juridique soutiendra et stimulera l’innovation. Pour ce faire, l’Europe compte lancer un énième projet pilote. Un espace dédié à de mystérieuses solutions expérimentales avec en ligne de mire l’édification de règles spécifiques pour tout projet considéré comme une « monnaie stable mondiale ».

Cependant, avec les crypto-actifs comme les stablecoins – dont la valeur est liée à une devise comme l’euro ou à un panier de devises – nous devons faire la distinction entre les «  stablecoins mondiaux  » et ceux créés par des start-ups plus petites et des innovateurs FinTech.Si elles atteignent une échelle mondiale, les pièces stables sont susceptibles de poser des défis supplémentaires en termes de stabilité financière et de politique monétaire.Dans ces cas, en raison de leur rôle potentiellement systémique, nos règles seront plus strictes.

Propos un peu nébuleux qui ciblent vraisemblablement au premier chef le projet Libra de Facebook. Rien de surprenant. Depuis son irruption sur la scène publique en juin 2019, il est devenu la bête à abattre pour les autorités financières de la planète. Sauf que depuis, et devant le tollé provoqué, l’ogre s’est assagi. Alors, malgré la référence explicite au « panier de devises », il faudra glisser à l’oreille du régulateur soucieux, que le projet de monnaie mondiale a fondu comme neige au soleil et qu’il est désormais beaucoup plus inoffensif… Restent le controversé Tether, premier stablecoin en terme de volume, et la masse des autres derrière qui se bousculent au portillon.

Le choeur des régulateurs à l’unisson

Bon, pas d’inquiétude excessive à avoir, tout sera soigneusement soupesé et rationnellement pensé pour protéger les citoyens et les intérêts d’un modèle à bout de souffle.

Dans l’ensemble, notre approche sera proportionnée et liée au niveau de risque. Cela signifie des règles plus légères pour les projets moins risqués et plus strictes dans le cas de stablecoin mondial au rôle potentiellement systémique. »

Si l’intervention de Valdis Dombrovskis reste très évasive sur le sort réservé aux stablecoins, elle confirme néanmoins que le couperet de la réglementation ne va pas tarder à tomber. Le choeur des régulateurs se fait trop concordant pour ne pas aboutir à des décisions législatives qui vont entrer en vigueur probablement à courte échéance.

Rappelons en effet qu’au cours de l’année écoulée, trois importants organes de régulation ont exprimé leur crainte face à la « menace » que représentent pour eux l’adoption de stablecoins. La Banque des règlements internationaux (BRI), la Réserve Fédérale des Etats-Unis (Fed) et le Financial Stability Board (FSB) ont chacun commis un rapport où ils répètent un peu tous la même chose en criant « haro sur le baudet ! ».

Plaçant la notion de stabilité financière au centre de leurs préoccupations, les gardiens du dogme monétaire, qui prouvent leur efficacité chaque jour de cette crise inédite que nous traversons, redoutent que l’adoption généralisée de stablecoins puisse, selon l’aveu de la BRI, « réduire davantage la rentabilité des banques, ce qui pourrait conduire les banques à prendre plus de risques ». Si on ne l’avait pas encore compris, nous voilà renseigné sur le pourquoi de l’expédition punitive menée à l’encontre des stablecoins : préserver la rentabilité et la solvabilité des institutions bancaires traditionnelles.

Peut-on s’attendre à leur interdiction pure et simple ? Peut-être. Mais en tous les cas, il va y avoir verrouillage en bonne et due forme de leur usage.

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