Bitcoin intimide encore les investisseurs institutionnels…
23 janvier 2021 - 10:29
Temps de lecture : 6 minutes
Par Nathalie E.
Selon une étude, les investisseurs institutionnels resteraient prudents quant à la perspective d’acquérir du Bitcoin. En cause trois obstacles majeurs considérés comme un frein à un investissement serein : l’incertitude réglementaire, une infrastructure inadaptée et une capitalisation boursière trop minime. De quoi venir contrarier l’idée d’un marché crypto dorénavant dominé par des acteurs du monde traditionnel. Mais les changements en cours pourraient très vite changer la donne.
Les zinzins hésitent à investir dans le Bitcoin
Une étude du cabinet conseil Aite Group commandée par le broker eToro révèle les appréhensions des investisseurs dits qualifiés pour le marché du Bitcoin. Certes, l’échantillonnage des représentants de cette catégorie très convoitée a été limité à 25 individus. Mais les entretiens approfondis qui ont été menés auprès d’eux en novembre 2020, permettent de nuancer un tableau qui dresse plutôt l’image d’un marché aujourd’hui submergé par des acteurs disposant de capitaux faramineux. BlackRock, plus gros gestionnaire d’actifs du monde et dernier en date à entrer dans la danse (indirectement au travers de Futures), si on en croit les documents déposés mercredi à la Securities and Exchange Commission des États-Unis (SEC), venant confirmer le récit d’un Bitcoin qui s’institutionnalise.
Or, si les grands noms (MicroStrategy, Square, Grayscale, Paypal, Fidelity, Mass Mutal…) font parler, et encore davantage leurs investissements à coup de millions et même de milliards de dollars dans le Bitcoin, ce serait en fait l’arbre qui cacherait la forêt de tous les autres qui hésitent, tergiversent et barguignent encore, pour au final ne pas accomplir le grand saut. Ce n’est sans doute pas pour rien si l’expansif PDG de MicroStrategy, Michael Saylor, organise des cours en ligne pour convaincre ses pairs de suivre son exemple. Modèle pas très exemplaire pour certains, puisqu’il est allé jusqu’à vendre 650 millions de dollars de titres de créances pour convertir la trésorerie de son entreprise en Bitcoin.
Le flou réglementaire
Quoi qu’il en soit, il y aurait donc encore beaucoup de chemin à parcourir pour pouvoir vraiment parler d’un virage institutionnel du Bitcoin. Les raisons ? le rapport intitulé « Institutional Cryptoasset Trading: Looking for the Missing Bits » en donne trois principales. D’abord, l’incertitude réglementaire qui règne autour de cette nouvelle classe d’actifs. A l’automne dernier, le cabinet d’audit PWC avait publié une étude révélant un environnement législatif très mouvant en fonction des pays. Une confusion liée au statut juridique attribué aux cryptomonnaies variable selon les juridictions. Les interviewés témoignent notamment de leur perplexité face à la profusion de dénominations attribuées aux cryptos (cybermonnaie, monnaie virtuelle, actif numérique, monnaie électronique, crypto-actif…).
Une cacophonie peu susceptible de rassurer des institutionnels en recherche d’un cadre normalisé à l’échelle mondiale pour sécuriser leurs avoirs. Néanmoins, c’est un obstacle qui pourrait, au moins partiellement, être levé tant nombre de régulateurs réclament aujourd’hui une homogénéisation des règles liées aux actifs numériques. A ce sujet, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a élaboré un cadre de déclaration fiscale qui devrait être adopté par les pays membres du G20 dans le courant de l’année.
Des services dédiés aux investisseurs accrédités en croissance exponentielle
L’autre écueil évoqué par les sondés est une infrastructure de marché trop immature. Elle ne serait pas adaptée aux gros investisseurs. De plus, son histoire émaillée de scandales et de piratages retentissants serait rédhibitoire. Une sécurisation des actifs non garantie doublée d’une complexité technologique, voilà de quoi en effrayer plus d’un.
Une appréhension en passe là aussi d’être levée quand on observe le développement croissant de services qui leur sont dédiés et qui prennent en charge toute la procédure d’acquisition et de conservation des cryptos. Ainsi BlockFi, un fournisseur de services financiers crypto vient à son tour de lancer un bureau de négociation de gré à gré (OTC) pour les investisseurs institutionnels. Et, on peut d’ores et déjà recenser un nombre croissant de banques disposées à offrir un package crypto clé en mains à leurs clients privilégiés. On n’évitera pas bien sûr la mention particulière dédiée aux gestionnaires d’actifs qui permettent une exposition indirecte au BTC et à d’autres cryptos . Un nom domine tous les autres. Grayscale bien sûr et sa gloutonnerie devenue déjà légendaire mais aussi Fidelity, plus discret, mais bien implanté sur le marché cryptographique.
Une offre d’options supplémentaires se met aussi progressivement en place comme des assurances pour couvrir un certain nombre de risques liés à ce marché singulier, décidément trop hors-normes pour ne pas être domestiqué afin d’être avalisé.
Une capitalisation boursière négligeable qui entraîne trop de volatilité
Une couverture jugée nécessaire par les interviewés pour s’engager dans un marché très volatil. En effet, alors que la volatilité du prix des cryptos et la fragmentation du marché ont été assurément des caractéristiques qui ont attiré les investisseurs particuliers vers un secteur qui leur offrait des possibilités de rentabilité à nulle autre pareille, pour les institutions financières traditionnelles et les gestionnaires d’actifs, l’effet est plutôt dissuasif. C’est d’ailleurs selon les interviewés l’obstacle le plus important à leur contribution. La capitalisation boursière du marché crypto jugée négligeable, même si elle a atteint récemment 1000 milliards de dollars lors d’un momentum particulièrement faste, leur paraît intolérable. Le problème d’un marché de niche étant toujours sa volatilité structurelle incontrôlable.
Et ce n’est pas le dernier épisode d’une capitalisation chutant de 113 milliards de dollars en l’espace de quelques jours qui est susceptible de les rassurer.
Le Bitcoin enrayant brutalement sa dynamique haussière a en effet entraîné tout le marché dans le rouge. Plus largement, les trois premières semaines de janvier ont parfaitement illustré le phénomène redouté. Le prix de la cryptomonnaie doublant, passant de 20000 $ à près de 42000 $, avant de connaître un recul significatif en corrigeant de plus de 14000 $ par rapport à son niveau record. Une baisse peut-être pas finie même si, au moment de la rédaction, son prix s’est stabilisé autour de 32 000 $.
Bitcoin est un actif cyclique, pas un or numérique pour JP Morgan
Un point de vue partagé par les analystes de la mégabanque JPMorgan Chase dans leur dernier rapport. Ils réfutent la narrative du Bitcoin assimilé à de l’or numérique qui a fleuri un peu partout pendant le second semestre 2020. Pour eux, il ressemble davantage à un actif à risque qu’à une valeur refuge. Plus encore, ils remettent en question la capacité de la crypto reine à fonctionner comme un investissement de diversification fiable en période d’incertitude économique.
L’intégration de la propriété cryptographique augmente les corrélations avec les actifs cycliques, les convertissant potentiellement de l’assurance vers l’effet de levier.»
En clair, pour les analystes de la banque américaine, le Bitcoin se rapproche de plus en plus du fonctionnement d’un actif cyclique, c’est à dire d’une action corrélée au cycle économique. En gros, celles qui sont liées à des industries qui proposent des biens et des services ( secteur automobile, aérien, hôtelier… ) et qui connaissent de bonnes performances quand l’économie fonctionne bien et chutent quand elle faiblit.
Néanmoins, ne négligeant pas l’entrée en fanfare d’un certain nombre d’institutionnels, les stratèges de JPMorgan reconnaissent que le Bitcoin peut convenir aux investisseurs inquiets du contexte actuel et de la dévaluation systémique des monnaies fiduciaires.
Convaincus ou acharnés ?
En attendant, les convaincus ne se laissent pas désarçonner par les fluctuations du marché. MicroStrategy s’est empressé d’acheter la baisse de son actif préféré. Il a acquis 314 BTC de plus à un prix moyen de 31 808 $ pour un montant de 10 millions de dollars.
Au même moment, Grayscale se vante du fait que les institutions ont historiquement représenté l’écrasante majorité des entrées (93%) dans ses trusts crypto.
Grayscale Bitcoin Trust représentant à lui seul 87% de tous les flux entrants. Une preuve supplémentaire selon le gestionnaire de fonds que les institutions se tournent vers Bitcoin comme actif de réserve.
Au vu de ces indices, on peut considérer que la timidité dont témoigne encore un certain nombre d’investisseurs institutionnels à l’égard du Bitcoin ne sera bientôt plus qu’une histoire ancienne. Il y a bien sûr encore de la marge avant qu’il ne devienne une classe d’actifs comme une autre mais l’ennui guette.
Un monde qui change
Le monde de la cryptomonnaie change. Il n’aura en effet échappé à personne que le paysage de l’écosystème prend depuis quelques mois des allures « plus respectables » en étant adoubé par des personnalités emblématiques du secteur de la finance traditionnelle, par des institutions qui hier encore le vouaient aux gémonies et par des lois qui l’intègrent peu à peu au même titre que d’autres actifs financiers.
Loin de la poignée de visionnaires qui l’ont fait naître, des premiers adoptants et adoptantes qui l’ont nourri et fait grandir en dépit d’une hostilité généralisée, force est de reconnaître qu’aujourd’hui Bitcoin affleure sur toutes les lèvres qui l’embrassent comme une promesse d’avenir.
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