Chine et yuan numérique – Il ne faut pas confondre MNBC et cryptomonnaie
13 décembre 2021 - 09:00
Temps de lecture : 4 minutes
Par Hugh B.
Pour une grande part de l’opinion publique, la connaissance des cryptomonnaies se résume à ranger dans le même sac le Bitcoin et les monnaies numériques de banques centrales (MNBC). Avec ce « point commun » de dématérialisation monétaire dont la simple évocation perd déjà les trois quarts des interlocuteurs. Au point de croiser sur les réseaux des investisseurs motivés en quête d’une plateforme pour acheter la nouvelle « cryptomonnaie chinoise. » Et des gouvernements en train de critiquer leurs multiples versions privées jugées dangereuses. Cela tout en développant dans le même temps leur propre monnaie numérique officielle. Avec un crypto-yuan très clairement à l’avant-garde de ces expérimentations pas toujours très rassurantes.
Si l’on cherche à résumer la guerre actuelle qui oppose les banques centrales aux cryptomonnaies, cela peut tenir dans le simple acronyme MNBC. Ces monnaies numériques de banques centrales au développement inégal, mais à la volonté souvent identique. Une course au sein de laquelle la Chine figure très clairement en tête avec son yuan numérique déjà fonctionnel sur son territoire depuis plus d’une année. Le tout face à des pays dont l’auto-proclamation de développés se heurte néanmoins à de multiples hésitations. Cela face à cette étape de toute évidence devenue inévitable.
Avec au centre de ce basculement, des cryptomonnaies stables de type stablecoins la plupart du temps adossées au dollar. Au point de voir un gouverneur de la Fed américaine se poser la question légitime de la nécessité de développer une MNBC nationale. Cela face à des acteurs privés déjà opérationnels et valorisés en milliards de dollars. Un imbroglio difficile à démêler pour toute personne extérieure à ces préoccupations monétaires pourtant en train de passer de théoriques à pratiques. En particulier suite au récent avertissement émis par des experts britanniques au sujet du e-CNY (ou renminbi) chinois.
Yuan numérique et espionnage chinois
Et lorsqu’il devient difficile de faire la part des choses, rien de mieux que de laisser parler les experts. Non pas forcément pour s’inspirer de leurs conclusions, mais bien plus pour connaître les interrogations officielles. Un exercice auquel vient de se livrer Jeremy Fleming, directeur du service de renseignement britannique, dans les colonnes du Financial Times. Cela afin d’aborder les risques liés au développement et à l’adoption de la monnaie numérique officielle de la Chine. Un pays présenté par ce dernier comme le « plus gros problème stratégique actuel » de l’Europe. Et sans grande surprise – au regard de son domaine de compétence – il est ici question d’espionnage et de contrôle.
« Si une monnaie numérique est mise en œuvre de manière incorrecte, elle donne à un État hostile la possibilité d’en surveiller les transactions. Cela leur permet d’exercer un contrôle sur ce qui se passe dans ces monnaies numériques. La Chine a une longueur d’avance… Elle investit massivement, ouvertement et secrètement. Et elle commence à exercer une réelle influence sur les futures règles du jeu dans un contexte technologique et numérique mondial. »
Jeremy Fleming
Car selon ce dernier, la volonté de « démocratisation » affichée par la Chine ne serait qu’un moyen de prendre le contrôle des données privées de ses utilisateurs. En particulier suite à sa énième interdiction de l’utilisation des cryptomonnaies sur son territoire, afin de favoriser l’adoption de son yuan numérique. Et avec comme objectif supposé, les jeux Olympiques d’hiver de Pékin prévus sur son territoire au début de l’année prochaine. Un véritable foyer de contamination numérique auprès de tous les participants à cet événement mondial.
Les MNBC ne sont pas des cryptomonnaies
Car le véritable risque présenté par le directeur du service de renseignement britannique est le caractère de premier arrivé de la Chine dans ce domaine. Et s’il y a une certitude, c’est que dans le cas présent son constat arrive un peu tard. En particulier si l’on considère dans le même temps, la mise en place d’une infrastructure blockchain nationale aux ambitions obscures. Et une volonté affichée de faire de ce yuan numérique une monnaie “intelligente” qui ne se résume pas à une simple dématérialisation de sa version physique. Tout cela face à un gouvernement chinois pas véritablement motivé à entrer dans une coalition internationale dont l’objectif serait de définir des règles du jeu conjointes dans le domaine.
Mais ce que révèle en filigrane cette intervention de Jeremy Flaming ne se résume pas au sujet traité. Car si l’on retire le risque chinois de cette équation, il reste ces monnaies numériques de banques centrales dont « la mise en œuvre de manière incorrecte donne à un État (hostile) la possibilité d’en surveiller les transactions. » Et dans le cas présent, ce caractère « hostile » reste aussi subjectif que l’aspect de surveillance – même « correcte » – est réel.
Y a-t-il une bonne et une mauvaise surveillance ?
Car il ne fait aucun doute que cette fonctionnalité rendue possible par les MNBC serait moins problématique au service du gouvernement britannique. En particulier si l’on considère que Jeremy Fleming pose la question du traitement de ces données par la Chine, mais beaucoup moins du procédé de collecte rendu possible. Une petite distinction au centre de la grande différence qui existe entre ces MNBC et la plupart des cryptomonnaies actuelles qualifiées de privées. Ces dernières construites sur un principe de décentralisation et d’absence de contrôle au service d’une entité en mesure d’en surveiller les moindres déplacements.
Car avant de se poser la question de la destination des données collectées, il est impératif de se préoccuper de cette collecte rendue possible. La question est de savoir comment ce problème sera abordé lors de la prochaine publication annoncée par l’agence de renseignement britannique. Cela sur le sujet délicat de son plan de lutte contre les menaces numériques. Une affaire à suivre…
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