L’Allemagne s’oppose aux dispositions abusives de l’UE en matière de contrôle des transferts cryptos

02 juin 2022 - 12:58

Temps de lecture : 4 minutes

S’il y a bien un pays au sein de l’Union européenne (UE) qui semble avoir approché la dimension innovante et désormais incontournable des cryptomonnaies, c’est l’Allemagne. Notre voisin d’outre-Rhin, on le sait, a adopté à l’intérieur de ses frontières un certain nombre de mesures plutôt favorables à l’épanouissement de l’écosystème. Et conformément à sa ligne de conduite nationale, il s’oppose, via son secrétaire d’Etat aux Finances, à la majorité des dispositions en discussion actuellement au sein de l’UE. Dispositions qui, dans le cadre d’une révision du texte relatif aux transferts de fonds (TFR), tendraient à exercer un contrôle abusif sur les acteurs de l’industrie, particuliers compris.

L’Allemagne, phare crypto de l’Union européenne

Alors que l’écosystème crypto européen a l’impression, depuis le projet de loi MiCA et ses coups de boutoir contre le Proof of Work (et donc implicitement contre Bitcoin qui utilise ce mécanisme de consensus) suivi de peu par la révision du TFR qui réserve un traitement spécial et inéquitable au secteur, d’être dans un long tunnel noir qui ne lui laisse pas beaucoup d’espoir quant à sa viabilité, une lueur vient d’apparaître. Et cette lumière vient d’Allemagne, qui s’est déjà distinguée cette année en occupant la pôle position des nations crypto-friendly à l’échelle internationale. Rien d’étonnant, elle y met l’art et la manière parce qu’elle a notamment reconnu très vite que « les bitcoins étaient des unités de valeur ». Vieux pays peut-être d’un point de vue démographique, mais qui sait chambouler les clichés en se tournant vers l’avenir de la finance.

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Ainsi, alors qu’un consensus anti-crypto semble présider aux destinées d’un vote favorable aux dispositions assassines contenues dans le TFR, une voix officielle venue d’outre-Rhin s’élève pour dénoncer une interprétation excessive des recommandations du Groupe d’Action financière (GAFI) en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Le secrétaire d’Etat aux Finances allemand, Florian Toncar, a en effet adressé une critique assez vive de la révision TFR à l’étude via sa réponse à une demande écrite du député du Bundestag, Frank Schäffler, porte-parole du parti libéral pour l’innovation blockchain et fintech.

L’Allemagne s’oppose aux vérifications d’identité abusives du projet de transfert de fonds

En substance, il affirme que le gouvernement allemand s’oppose aux orientations de la Commission européenne sur plusieurs points saillants qui vont au-delà des directives du GAFI. Le premier concerne la vérification d’identité telle que proposée aujourd’hui.

Ainsi, alors que la règle dite « de voyage » établit un seuil de 1000 euros à partir duquel s’enclenche la surveillance et la collecte des données relatives à l’expéditeur et au destinataire, cette limite, dans la proposition TFR, n’existerait pas pour les transactions en crypto. Cette atteinte à la vie privée des utilisateurs s’accompagnerait d’une procédure pesante et coûteuse à respecter pour les fournisseurs de service crypto (CASP pour Crypto Assets Service Providers), qui devront non seulement communiquer des informations concernant émetteur et récepteur, mais également des informations sur l’historique des cryptomonnaies ainsi échangées.

Au coeur du débat également les fameux portefeuilles dits «  »auto- hébergés ».

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L’Allemagne s’oppose farouchement au projet de loi qui veut aussi leur appliquer ces nouvelles règles de surveillance. Pour rappel, les CASP, dans le ce cadre-là, auraient l’obligation d’obtenir les informations personnelles des utilisateurs qui effectuent des transactions depuis ou vers un portefeuille « unhosted« , de les détenir et de les mettre à disposition des autorités compétentes si besoin. Et comme si cela ne suffisait pas, il faudrait également qu’ils vérifient « l’exactitude des informations concernant le donneur d’ordre ou le bénéficiaire derrière le portefeuille ». Un arsenal de règles tout bonnement impossibles à respecter qui aurait des conséquences absolument désastreuses sur la vitalité de l’écosystème crypto européen.

Des propositions allemandes constructives

L’autre volet controversé, manifestant tout autant l’empressement zélé de l’UE à sévir plutôt qu’à encadrer rationnellement l’industrie crypto, que pointe le responsable allemand, c’est la distinction non établie entre transactions suspectes et celles qui ne le sont pas. En effet, toutes les transactions crypto devront indifféremment être déclarées aux autorités en charge de la lutte contre le blanchiment (AML), bafouant allègrement la règle usuelle en vigueur dans les opérations financières.

L’Allemagne se positionne donc en conséquence dans le cadre des négociations actuelles, appelées trilogue dans le processus européen. Et loin d’une opposition de principe, elle propose une solution beaucoup plus adaptée. A savoir, utiliser les outils d’analyse de la blockchain pour évaluer les risques des transferts et y adapter des mesures ad hoc. Une proposition similaire à la façon dont la règle de voyage a été mise en œuvre en Allemagne l’année dernière, et qui est réclamée par les acteurs de l’industrie. Acteurs qui ont pu avoir l’impression de parler dans le vide, et qui voient enfin leurs paroles considérées.

Les inquiétudes suscitées par les demandes du Parlement européen sont également étayées par une vague considérable de commentaires de l’industrie concernée.

Réponse de Florian Toncar, secrétaire d’Etat aux Finances allemand

La lumière au bout du tunnel ?

Cette prise de position de la première économie européenne en faveur d’un traitement équitable du secteur crypto est assurément une bonne nouvelle. Elle vient apporter de la raison là où semblent régner l’insensé et l’ignorance d’une Union européenne oeuvrant à détruire un écosystème porteur d’avenir.

Je suis heureux que le gouvernement fédéral prenne position contre l’absurdité du projet de règlement initial sur le transfert de fonds. Maintenant, j’espère que le gouvernement fédéral l’emportera au conseil et finalement aussi au trilogue afin de ne pas laisser l’Europe devenir la crypto-Valachie et de continuer à permettre de nouveaux projets DeFi.

Frank Schäffler, député au Bundestag et auteur de la demande écrite sur le TFR, in Communiqué

Reste à voir si l’Allemagne qui a compris son potentiel et le traite comme un moteur de croissance économique se fera entendre. Le plus grand Etat membre devrait pouvoir peser dans la balance. La question, c’est jusqu’à quel point face à une Europe qui se veut la championne de la réglementation dans tous les domaines technologiques. Le plus affligeant, c’est qu’elle n’a rien retenu de son positionnement désastreux face à l’émergence et au développement d’Internet, ménageant un boulevard aux géants américains (les GAFAM) du secteur. Bille en tête, elle est en train de reproduire les mêmes erreurs. Inconcevable pour nos voisins allemands, apparemment plus éclairés, d’y consentir.

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