Dans l’expérimental « The Currency » de Damien Hirst, les NFT coiffés au poteau par les oeuvres physiques
28 juillet 2022 - 12:58
Temps de lecture : 3 minutes
Par Nathalie E.
Pour son énième déclinaison des « spot paintings », l’artiste britannique Damien Hirst, qui aime autant les points colorés que les billets verts, entame une nouvelle phase dans son expérimentation mêlant oeuvres papier et NFT. Confrontés à un choix cornélien, les acheteurs de la collection « The Currency Project » avaient jusqu’au 27 juillet pour choisir quel format ils souhaitaient conserver. L’affaire s’est conclue au coude à coude et donnera lieu à une spectaculaire flambée des oeuvres physiques délaissées au profit de leur version numérique.
NFT ou oeuvres physiques ? les acheteurs ont tranché
L’expérience inédite menée par le plasticien britannique Damien Hirst entame sa dernière étape. Pour rappel « The Currency project » lancé il y a un an, associe un corpus de 10 000 oeuvres papier et autant de jetons non fongibles (NFT), un geste bien dans l’air du temps du « crypto art ». Mais la singularité de l’initiative tient au fait que les collectionneurs au terme d’une année de détention devaient opérer un choix : soit conserver leur NFT acquis au départ pour 2000 dollars, soit l’échanger contre l’oeuvre papier correspondante. Le principe étant que si le NFT n’a pas été remis contre une impression en bonne et due forme, l’oeuvre physique est condamnée au bûcher. Dans le cas contraire, c’est le jeton non fongible qui sera détruit.
Le 27 juillet 2022 étant la date limite, on connaît enfin les préférences des acquéreurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les NFT sont dorénavant bien inscrits dans le domaine de l’art contemporain. On le savait déjà.
L’expérimentation à la Hirst le confirme avec un peu moins de la moitié des acheteurs, soit 4 851 amateurs de « The Currency » optant pour la version NFT, contre 5 149 collectionneurs choisissant d’échanger leurs NFT contre des oeuvres physiques.
The « Currency project » en chiffres
La vente initiale et les reventes ont été gérées par la place de marché Heni. Plébiscité dès son lancement, « The Currency Project » a connu un coup de mou ces derniers mois à l’image du marché crypto.
Ainsi, selon le rapport mensuel produit par la plateforme, analysant l’échange des NFT sur le marché secondaire, entre le 30 juillet et le 31 août 2021, 2036 ventes ont été conclues pour un montant de 47,9 millions de dollars. Par comparaison, en juin dernier, seules 170 ventes ont été observées pour un total de 1,4 million de dollars.
Plus globalement, le prix maximal pour un NFT de la collection a atteint près de 177 000 dollars avec des acheteurs déboursant en moyenne 21 000 dollars en ethers, USDC ou Dai pour acquérir l’un des précieux jetons numériques. Selon le site Heni, la vente totale de la collection s’élève aujourd’hui à 89,3 millions de dollars. Des résultats sans doute un peu décevants pour le plasticien, « l’artiste le plus riche du Royaume Uni » selon The Guardian avec une fortune estimée à 315 millions de livres sterling en 2020, qui assume son goût pour l’argent et revendique aussi une casquette d’homme d’affaires.
Un autodafé organisé
A partir du 9 septembre, l’étape la plus provocatrice du projet débutera avec un autodafé en forme de conclusion. En effet, toutes les oeuvres exposées à la Newport Street Gallery de Londres, propriété de l’artiste, correspondant aux NFT conservés par les collectionneurs, partiront en fumée. Une flambée quotidienne jusqu’à l’événement de clôture pendant la Frieze Week en octobre pour une finale incendiaire.
Décrivant le projet comme « de loin le plus excitant » de sa carrière, Hirst explore là une question qui le taraude depuis ses débuts, à savoir le rapport entre l’art et l’argent. Un NFT étant par nature plus facilement négociable et transférable qu’un objet physique, il est susceptible de devenir un vecteur de bouleversement radical dans le rapport marchand à l’art. Mais pas seulement. En contraignant les acquéreurs de ses oeuvres à choisir entre deux versions, il les oblige à interroger leur propre perception de l’art. Le choix à presque 50/50 du public témoigne que peinture physique et avatar numérique font désormais quasiment jeu égal, du moins dans l’univers très hypé de la superstar Hirst. Cependant, on peut l’interpréter comme une indication supplémentaire d’un monde de l’art contemporain en voie de mutation.
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