Inde – La Cour suprême se prononce en faveur des cryptomonnaies
04 mars 2020 - 12:52
Temps de lecture : 4 minutes
Par Nathalie E.
La Cour Suprême de l’Inde a estimé, dans son jugement rendu le 4 mars, que l’interdiction bancaire imposée par la Banque centrale, la Reserve Bank of India (RBI), au commerce de cryptos était inconstitutionnelle.
Une histoire houleuse
L’Inde et les cryptomonnaies ont toujours connu des rapports compliqués. C’est une histoire semée d’avertissements , de mises en garde, d’avis tranchés tels celui du ministre des Finances qui avait évoqué un système de Ponzi, jusqu’à la décision controversée de la RBI. Celle-ci avait publié une circulaire en avril 2018 interdisant aux institutions financières réglementées de fournir des services aux entreprises de cryptographie.
L’interdiction, entrée en vigueur trois mois plus tard, a contraint les échanges de cryptomonnaies à se délocaliser vers d’autres juridictions ou à modifier leur modèle fiat-to-crypto vers le crypto-to-crypto et le trading de gré à gré. Mais à la suite de requêtes et de pétitions initiées par l’industrie crypto, l’affaire a été portée devant la Cour suprême par l’Internet & Mobile Association of India (IAMAI).
Après moult tergiversations, les juges ont fini par juger que l’action de la RBI était «disproportionnée» et qu’elle n’avait vraisemblablement pas compétence pour interdire aux institutions financières de fournir des services aux entreprises liées aux cryptomonnaies. Sumit Gupta, fondateur et PDG de l’agrégateur d’échange CoinDCX, a immédiatement salué cette décision.
« Comme quelques-uns des pétitionnaires survivants de l’affaire, nous sommes reconnaissants à la Cour suprême d’avoir entendu notre version de l’histoire. Nous avons toujours considéré la crypto comme un potentiel pour déverrouiller le rêve de l’Inde de devenir une économie de 5 billions de dollars. »
Un projet de loi « cryptocide »
Tout n’est pas réglé pour autant. En effet, l’avis de la Cour Suprême n’augure pas vraiment de la suite des événements. Comme le précise Tanvi Ratna, PDG et fondateur de Policy 4.0, qui travaille sur l’élaboration de politiques de cryptographie en Inde.
« si le verdict va à l’encontre des actions de la banque centrale, il pourrait y avoir une refonte de la question au sein de nos décideurs financiers. Il n’y a aucune garantie que cela se produira cependant, surtout si le verdict ne concerne que la question de la portée réglementaire de la RBI, et laisse une latitude suffisante aux décideurs politiques pour décider du traitement des crypto-monnaies »
Elle fait explicitement référence au projet de loi éloquemment intitulé «Interdiction de la crypto-monnaie et réglementation du projet de loi officiel sur la monnaie numérique ». Dans les cartons depuis 2019, il doit être examiné à une date non communiquée. Comment faire plus vigoureux en matière de règlement d’un écosystème, on ne voit pas.
« Personne ne doit extraire, générer, détenir, vendre, émettre, transférer, éliminer ou utiliser des crypto-monnaies sur le territoire de l’Inde. »
Mais encore.
«Nul ne doit utiliser directement ou indirectement la crypto-monnaie de quelque manière que ce soit, y compris (a) comme moyen d’échange; et / ou (b) une réserve de valeur; et / ou c) une unité de compte. «
Et dans une logique punitive.
«quiconque exploite directement, indirectement, génère, détient, vend, transfère, élimine ou émet des crypto-monnaies… est passible d’une amende ou d’un emprisonnement qui ne doit pas être inférieur à un an mais qui peut durer jusqu’à dix ans, ou les deux. «
Enfin.
«quiconque promeut directement ou indirectement, publie toute publicité, sollicite ou encourage toute participation à toute activité impliquant l’utilisation de crypto-monnaie… sera passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans ou les deux.»
On étouffe puis on respire. Le projet de loi qui aurait dû être présenté à la session du parlement l’hiver dernier ne l’a pas été.
Un avenir incertain
Depuis, c’est bouche cousue de la part du gouvernement. Ce mutisme parfois interrompu par une parole officielle qui répète que « le Bitcoin n’est pas interdit en Inde » n’empêche pas la communauté crypto de rester vigilante. Elle demande une réévaluation des recommandations du comité interministériel dirigé par le secrétaire aux finances de l’époque, Subhash Chandra Garg, qui, comment dire, a sans doute bien fait de démissionner de son poste juste après. Recyclé à l’Energie, espérons que ce soit plus en rapport avec ses compétences…
Malgré un chemin semé d’embûches, on observe que la communauté crypto indienne reste mobilisée et organisée. Si elle a trouvé les moyens de continuer à opérer des transactions dans un environnement hostile, elle n’est pas isolée. De nombreuses plateformes ont adapté leurs offres à ce contexte difficile, ne voulant pas rater l’accès à un marché au potentiel énorme. Zebpay, anciennement l’une des plus grands exchanges du pays, vient ainsi par anticipation de relancer ses activités, en proposant cinq paires de trading crypto à crypto sans frais pour tout le mois.
Mais rien n’est joué selon Tanvi Ratna.
« le verdict de la Cour suprême ne peut décidément pas renverser la fortune des entreprises de crypto-monnaie dans le pays. Cela dépend beaucoup plus du processus politique que du processus juridique. Malgré l’annulation de la circulaire du RBI, le projet de loi d’interdiction pourrait être adopté et l’activité dans le secteur de nouveau cesser. »
Il ne pourrait donc s’agir que d’un répit. La Banque centrale indienne oeuvrant à une roupie numérique pourrait considérer les cryptomonnaies comme des rivales à bannir définitivement.
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