Les institutionnels vont-ils prendre le pouvoir sur les acteurs historiques de l’industrie crypto ?

Alors que les sociétés crypto subissent les coups de boutoir des régulateurs du monde entier qui visiblement se sont donné le mot pour affaiblir une industrie prenant sans doute trop d’importance à leurs yeux, on constate que les acteurs du monde financier traditionnel ne sont pas freinés par cette offensive régulatrice. En effet, certains des plus grands noms n’hésitent pas à s’engager dans cette voie pour offrir à leurs clients la possibilité d’accéder à une classe d’actifs qui, passée entre leurs mains, s’offre une honorabilité ou du moins un « ripolinage » susceptible de rassurer l’investisseur plus ou moins qualifié.

31 mars 2023 - 14:54

Temps de lecture : 4 minutes

Ainsi, après le Nasdaq la semaine dernière qui prévoit de lancer ses services de garde pour bitcoin et ether d’ici la fin juin, c’est au tour de la sixième plus grande bourse d’Europe, Boerse Stuttgart, de révéler qu’elle a reçu l’autorisation du régulateur financier allemand, BaFin, pour fournir aux investisseurs traditionnels des services de trading crypto. 

Concurrence féroce entre les gestionnaires d’actifs institutionnels pour s’imposer sur le segment crypto

Des initiatives qui après celle de deux phares de Wall Street, BlackRock et Fidelity, et d’autres gestionnaires d’actifs moins visibles médiatiquement (Charles Swab, Schroders, Abrdn…) interrogent sur une prise de pouvoir des institutionnels au détriment des acteurs de l’industrie. Et le signe que bitcoin et ether, les deux cryptos privilégiées par ces nouveaux entrants sur le marché crypto (mais qui oeuvrent pour la plupart depuis longtemps, à se ménager une place sur ce marché perçu comme lucratif), sont là pour rester. Et ce, en dépit de diatribes politiciennes qui affirment leur mort ou leur inutilité à la moindre occasion. L’intention étant d’effrayer le particulier tenté par une incursion au-delà de l’offre bancaire conventionnelle.

Cette concurrence féroce que se livrent les gestionnaires d’actifs pour s’imposer sur le segment crypto peut laisser penser qu’il ne reste plus beaucoup de temps avant qu’ils ne se taillent la part du lion sur un marché dominé par des sociétés natives comme Binance.

Une offre institutionnelle qui vise aussi les particuliers

Car, hasard ou non du calendrier, le leader mondial des exchanges crypto, aux 100 millions d’utilisateurs revendiqués à travers le monde, traverse sans doute la phase la plus délicate de sa courte mais explosive existence (2017). Confrontée depuis longtemps à l’ire des régulateurs, la plateforme de CZ a, jusqu’au coup de semonce de la CFTC, su manoeuvrer pour mener sa barque. Mais là, l’affaire prend un tour sérieux, le navire-amiral de la crypto croulant sous des accusations qui pourraient lui faire prendre l’eau, peut-être même jusqu’à le faire sombrer. Bon, il y a de la marge, mais le naufrage en novembre de FTX (plus plateforme d’escrocs que de cryptos) en à peine une semaine reste un traumatisme qui reste vif, laissant supposer que le pire est toujours possible.

Néanmoins, les utilisateurs de Binance étant majoritairement des particuliers, on se dit que l’offre institutionnelle qui se met en place ne s’adresse pas au même public. Or, ce serait une erreur. En effet, Fidelity vient d’activer une option de trading BTC/ETH grand public disponible à partir de 1$ d’investissement, démontrant sa volonté de toucher bien au-delà de sa clientèle habituelle. Pionnier en la matière, il pourrait être suivi par d’autres qui, pour le moment, construisent une offre s’adressant exclusivement aux « poches profondes ».

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Ainsi, habilement à la manière de BlackRock, le géant de la gestion d’actifs, qui a noué un partenariat avec Coinbase, la seule plateforme crypto cotée qui a toujours eu les faveurs des investisseurs institutionnels. Avec cette alliance, le champion mondial de l’investissement veut offrir à sa clientèle l’association de deux expertises reconnues dans leur domaine, l’objectif étant qu’elle investisse en confiance dans ce type d’actifs via son logiciel maison Aladdin. Logiciel de gestion d’actifs reposant sur l’intelligence artificielle (IA) qui, rappelons-le, charrie des millards de dollars (en 2020, l’équivalent de 21 600 milliards de dollars) provenant de fonds de pension, d’assureurs ou encore d’entreprises lui confiant ses économies. On imagine alors la voie royale pour ouvrir la crypto à l’arrivée de capitaux faramineux et plus particulièrement à Bitcoin à qui BlackRock a dédié un fonds spécifique.

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Mais qui reste encore en construction, car tout logiquement soumise au bon vouloir des régulateurs US, elle attend pour parfaire son offre, limitée pour le moment à BTC, de savoir quels seront les jetons classés comme commodity (matière première numérique) afin d’éviter les litiges liés aux cryptos assimilées à des « securities » (titres financiers). En ligne de mire, l’ether qui selon le régulateur US qui s’exprime, est tantôt l’un (security pour la SEC) tantôt l’autre (commodity pour la CFTC).

Neutraliser bitcoin

Comme l’avait observé le dernier rapport annuel de Fidelity sur les actifs numériques, ces derniers ne sont plus perçus comme une « classe d’actif alternative « . Sortis de leur marginalité, ils apparaissent dorénavant comme respectables et « investissables ». Et l’incertitude réglementaire qui continue de peser sur le secteur, et qui a toujours constitué un frein majeur à l’adoption institutionnelle, semble quand même de moins en moins refroidir les ardeurs.

La promesse est visiblement trop belle pour ne pas prendre des paris, même risqués. En Europe (le règlement MiCA de l’UE) et en Asie, des cadres législatifs restrictifs mais clairs vont vraisemblablement ouvrir les portes aux acteurs déjà bien en place au détriment de petites structures qui ont (presque) tout inventé dans ce domaine, mais qui n’ont pas les reins assez solides pour assumer les coûts financiers engendrés par la conformité exigée. Que des places financières, à l’instar de Boerse Stuttgart, s’y engagent encore plus profondément est symptomatique du changement à l’oeuvre. Quant à savoir s’il est voulu par les régulateurs, on peut le supposer : intégrer pour désintégrer est une bonne formule de neutralisation.

Ou l’adopter en respectant son essence

Alors, certes, aujourd’hui, les régulateurs, les yeux fixés sur l’horizon de leur monnaie numérique d’Etat ( les fameuses MNBC ou CBDC censées remplacer avantageusement la version désuète des monnaies souveraines), semblent prêts à jeter Bitcoin avec l’eau du bain. Sauf qu’incensurable de par sa nature décentralisée, il est à l’abri de leurs manoeuvres sournoises et grossières.

Qu’à cela ne tienne, il y a d’autres façons de faire pression sur une industrie en pleine expansion qui tend plus souvent qu’à son tour les bois pour se faire battre : étouffer les acteurs centralisés du secteur, viser les cryptos « non acéphales » et faire de bitcoin un actif financier comme un autre (les ETF papier approuvés par Gary Gensler, le patron de la SEC en sont une démonstration). Les scandales qui ont émaillé la saga crypto en 2022 les auront bien aidés, avec sa cohorte de pratiques nauséabondes largement inspirées de la finance héritée qui reste elle, en dépit d’une actualité alarmante, à l’abri d’un anathème généralisé.

En attendant, les banques n’étant pas plus sûres que des plateformes crypto ou que n’importe quel intermédiaire financier pour conserver et préserver ses avoirs, l’occasion est belle pour rappeler que le bitcoin reste une opportunité de refuge pour échapper aux menaces émanant des unes et des autres. La condition : assumer l’aspect décentralisé de cet univers. Dans un contexte de méfiance généralisée, le « Not your keys, not your bitcoin ! » reste d’une vibrante actualité !

Disclaimer : cet article traite de l’actualité des cryptomonnaies. Il ne s’agit pas d’un conseil en placement financier. Toute prise de position doit s’accompagner de recherches personnelles et nécessite de croiser plusieurs sources avant de se lancer. DYOR !

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