Wall Street prend fait et cause pour Bitcoin

15 novembre 2020 - 16:49

Temps de lecture : 4 minutes

Fidelity Digital Assets (FDA) aime Bitcoin et le fait savoir. C’est la responsable de recherche de FDA, Ria Bhutoria, qui s’y est collée. Elle a publié une défense en bonne et due forme de la doyenne des cryptomonnaies, réfutant point par point les critiques récurrentes qui lui sont adressées.

Des femmes convaincues

L’histoire entre le géant américain des fonds communs de placement et le Bitcoin n’est pas qu’une question d’opportunisme lié à une vogue prenant la vague d’un curieux mais rentable actif en voie de financiarisation. En effet, sa dirigeante Abigail Johnson, une convaincue, a ouvert la voie à l’intégration des cryptomonnaies dans des stratégies institutionnelles d’envergure. Pionnière parmi les grands acteurs de Wall Street, elle a lancé dès 2018 un service de garde et de trading de cryptomonnaies, le fameux Fidelity Digital Assets. Et comme tous les acteurs impliqués dans le secteur, y compris ceux liés à la finance traditionnelle, Fidelity doit faire face aux nombreuses critiques, jugements péremptoires et autres gracieusetés que le Bitcoin suscite.

C’est donc armée d’un louable souci de pédagogie que la responsable de recherche de FDA a décidé de répondre aux détracteurs ou aux dubitatifs qui, dans le même temps qu’ils s’indignent ou s’inquiètent d’un tel omni (objet monétaire non identifié), aimeraient, à l’image d’un nombre grandissant d’investisseurs « qualifiés », goûter à l’étrange fruit plus vraiment défendu.

Réserve de valeur et moyen de paiement

Son plaidoyer s’articule autour de six grands axes pour défendre la proposition de valeur singulière de Bitcoin. Il serait d’abord trop volatil pour être une réserve de valeur. C’est une affirmation qu’elle réfute, défendant plutôt l’idée d’une étape nécessaire mais transitoire dans sa trajectoire. Usant de la comparaison classique avec l’or, elle affirme que le Bitcoin en tant qu’actif rare et précieux est une réserve de valeur émergente.

La volatilité de Bitcoin est un compromis, elle permet une inélasticité parfaite de l’offre et un marché sans intervention. Cependant, avec une plus grande adoption du bitcoin et le développement de produits dérivés et de produits d’investissement, la volatilité du bitcoin peut continuer à diminuer, comme elle l’a toujours fait.

Ensuite, concernant son échec en tant que moyen de paiement, Ria Bhutoria explique que Bitcoin n’a pas été conçu pour ça. Du moins, pas pour se payer le rêve de la confinée, un café au bistrot du coin. Non, d’après elle, et en négligeant le Lightning Network censé soutenir les micro-paiements, il est pensé pour assurer des paiements exigeant un haut niveau de garantie et « mal desservis par des rails traditionnels ». Elle envisage même un Bitcoin qui servirait pour le « règlement global entre les entreprises internationales et éventuellement même les banques centrales et les gouvernements.»

Pour étayer son affirmation, elle cite le cas d’une plateforme de change et de paiement numérique africaine. BitPesa aiderait tout autant des PME que des multinationales à échanger dans et hors des devises africaines via Bitcoin.

«BitPesa a été l’une des premières entreprises à tirer parti de Bitcoin pour un règlement commercial afin de réduire le coût et les frictions liées aux activités commerciales sur les marchés frontaliers.»

Monstre énergétique adoré des fraudeurs

Ria Bhutoria traite un peu vite la question complexe de la dépense énergétique du minage. Cependant, elle parvient à contrer la thèse d’un Bitcoin champion du gaspillage en évoquant la consommation par les mineurs des surplus d’énergies inemployés. Et elle met l’accent sur le fait que c’est précisément cette consommation d’énergie qui permet un système monétaire non inflationniste et non censurable.

Les caractéristiques les plus précieuses de Bitcoin – sa rareté parfaite, son immuabilité (irréversibilité des transactions) et sa sécurité (résistance aux attaques) – sont directement liées aux ressources du monde réel utilisées dans l’exploitation minière. Bitcoin ne serait pas en mesure de remplir son rôle de système de transfert et de stockage de valeur global et sécurisé sans être coûteux à exploiter et à entretenir.

Quant à l’antienne favorite de nos dirigeants d’un Bitcoin favorisant les activités illicites, elle reprend les chiffres officiels d’organismes de surveillance accrédités. Les conclusions du Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime et de la société d’analyse de la blockchain Chainalysis sont sans appel.

Pour chaque dollar dépensé en bitcoin sur le darknet, au moins 800 dollars ont été blanchis en espèces.

Une information qui a priori n’est pas parvenue jusqu’à Bruno Le Maire qui persiste à nier, par opportunisme ou paresse, la nature transparente et traçable d’un BTC pseudonyme et non anonyme.

Un Bitcoin qui ne repose sur rien

Ensuite, Ria Bhutoria rejette l’idée selon laquelle, contrairement aux monnaies régaliennes, le Bitcoin ne repose sur rien.

L’argument en faveur des monnaies fiduciaires est leur soutien par la pleine foi et le crédit du gouvernement. Cependant, dans de nombreuses situations, la confiance en la capacité des gouvernements et des banques centrales à gérer correctement les monnaies fiduciaires disparaît (voir  Venezuela et Liban  pour des exemples récents). Plusieurs banques centrales et gouvernements ont épuisé les politiques monétaires et budgétaires comme levier, entraînant des pertes notables du pouvoir d’achat de leur monnaie au fil du temps.

Or, c’est bien sûr précisément le contraire. Aujourd’hui, les monnaies nationales sont fragiles. Elles le sont non seulement par un sous-jacent incertain sinon inexistant depuis 1971, quand le président américain Nixon a suspendu la convertibilité du dollar en or, mais aussi par les politiques monétaires actuelles. Le quantitative easing notamment, déversant sur la planète des milliards de monnaies fiduciaires créées ex nihilo, menace leur pérennité.

La responsable de FDA soutient donc que le Bitcoin lui s’appuie sur des sous-jacents bien réels activés par « quatre parties prenantes ».

Utilisateurs qui choisissent d’effectuer des transactions sur le réseau et de payer pour la finalité de la transaction 

Les mineurs qui choisissent d’engager des coûts pour traiter les transactions, assurant la finalité

Nœuds qui choisissent d’exécuter un logiciel Bitcoin pour valider les transactions 

Les développeurs qui choisissent de maintenir le logiciel Bitcoin 

Un Bitcoin vite remplacé…

En d’autres termes, un réseau sécurisé, un développement industriel et une communauté forte sont l’apanage du Bitcoin réalisant ses attributs uniques, « sa parfaite rareté, l’irréversibilité des transactions et la résistance aux saisies et à la censure.» Des propriétés telles que, pour l’auteure du plaidoyer, l’avantage concurrentiel de Bitcoin est indéniable. Et ce, malgré de nombreuses tentatives pour le détrôner.

Bien que le logiciel open source de Bitcoin puisse subir des forks, ses effets de communauté et de réseau ne le peuvent pas. Bitcoin fait des compromis pour les propriétés de base que le marché juge précieuses.

Après sa participation à la société canadienne de mining Hut 8, le lancement d’un premier fonds Bitcoin l’été dernier et la diffusion de documents récurrents témoignant de la rentabilité à posséder une part de BTC dans son capital, Fidelity continue donc de s’impliquer toujours davantage dans l’écosystème. Ce rapport témoignant d’une compréhension assez juste du phénomène devrait encourager les particuliers fortunés et les institutionnels encore réticents ou perplexes à y investir. D’autant que, s’il fallait achever de les convaincre, Fidelity Digital Asset a revu et validé le modèle stock-to-flow, qui prévoit un prix du Bitcoin à un million de dollars.

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