Face à la nervosité bancaire US, quid du Bitcoin ?

Depuis le mois de mars, le secteur bancaire US est fragilisé. Plusieurs banques dites régionales ont mis la clé sous la porte et l’hécatombe ne semble pas près de s’arrêter. Dernière déroute en date, celle de la First Republic Bank qui pourrait être suivie par d’autres locales, qui assistent impuissantes à la fuite de leurs dépôts vers les grandes banques jugées plus sûres. Ce phénomène suscite diverses interprétations et interroge sur la place du Bitcoin en tant qu’alternative à un système défaillant.

03 mai 2023 - 14:58

Temps de lecture : 6 minutes

Le récit anti-crypto contrarié par la faillite de First Republic Bank

First Republic Bank est la quatrième banque US à glisser vers l’abîme depuis le mois de mars après Silvergate Bank, Silicone Valley Bank et Signature Bank, victime en partie, comme ses pairs, de la remontée des taux de la Fed. En revanche, contrairement aux trois premières dont l’activité crypto, plus ou moins développée, a été pointée du doigt par des régulateurs comme justification au moins partielle à leur chute, la quatorzième grande banque des Etats-Unis n’avait a priori, selon les documents officiels et les déclarations de revenus, aucune exposition à ces actifs dits risqués. Sa défaillance vient donc contrarier le récit anti-crypto tenu notamment par la FDIC, l’instance fédérale chargée de garantir les dépôts bancaires, qui s’est toujours montrée très méfiante face à la tentation crypto des acteurs bancaires.

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Et elle n’est pas la seule. Gary Gensler, le patron de la SEC, à sa manière abrupte, n’a émis aucun doute sur la corrélation entre activité crypto et chute des institutions s’y étant « fourvoyées », lorsqu’il a été interrogé sur la situation lors d’une audition à la Chambre des représentants

« Silvergate et Signature étaient impliquées dans le secteur des cryptos – certains diraient qu’elles étaient soutenues par les cryptomonnaies. […] Quant à Silicon Valley Bank, lorsque cette banque a fait faillite, on a vu le deuxième stablecoin le plus important du monde, ayant 3 milliards de dollars déposés dans cette banque, perdre son ancrage, donc c’est intéressant de voir comment tout cela faisait partie du récit des cryptos.« 

Gary Gensler

Une vente expresse orchestrée ?

Mais le plus intéressant sans doute dans le cas de ce quatrième naufrage bancaire, c’est la réactivité record de la FDIC. L’ayant placée sous séquestre, le chien de garde fédéral a immédiatement vendu tous les dépôts et la quasi totalité des actifs de First Republic Bank à JP Morgan, première banque américaine qui détient déjà plus de 10 % des dépôts bancaires US, pour un montant de 10,6 milliards de dollars. Une vente hâtivement bouclée qui jette quelques ombres sur la procédure qui pourrait être de fait contestée par les représentants démocrates.

Une vente expresse comme si dorénavant la puissance publique bénéficiait d’un manuel de bonnes pratiques pour régler le sort des banques à problèmes et maintenir ainsi la stabilité du système. Et tant pis si on peut voir le renflouement de First Republic comme un autre exemple de la privatisation des profits face aux pertes qui elles, sont socialisées.

En effet, dans cette histoire, la FDIC ou plutôt son fonds d’assurances-dépôts, autrement dit l’argent des contribuables, y aura été de sa poche à hauteur de 13 milliards de dollars, assumant conjointement avec JP Morgan les pertes de l’acteur en faillite afin de minimiser le risque sur les clients. A l’inverse, rappelons que lorsque l’entreprise était rentable, c’étaient les actionnaires qui en étaient les seuls bénéficiaires.

Les CBDC en ligne de mire

Certains arguent même du fait qu’il s’agit peut-être d’une opération orchestrée pour donner encore plus de poids aux méga-banques au détriment des banques dites régionales en vue de l’instauration d’une CBDC. L’hypothèse est audacieuse, mais pas complètement sans fondement. Mark W. Yusko,  directeur général de Morgan Creek Capital Management, qui avait prévu que JP Morgan récupèrerait les actifs de la banque en déroute, a affirmé lors d’un épisode du podcast On the Margin repéré par BlockWorks, que cette centralisation progressive du système bancaire US entre les mains de quelques gros mastodontes n’était pas innocente.

La raison en serait que la mise en oeuvre d’un dollar version 2.0 serait beaucoup plus facile à réaliser avec une plus petite concentration de grandes banques opérant sous le contrôle du gouvernement que via la variété actuelle d’entités plus petites et indépendantes. De fait, il semblerait que les instances gouvernementales s’accommodent assez bien de la perte de confiance des citoyens dans les petits établissements bancaires, les conduisant à se diriger vers les plus grandes institutions « too big to fail ».

Bitcoin, une valeur refuge vraiment ?

Dans ce contexte périlleux, Bitcoin a semblé tirer son épingle du jeu, en offrant une alternative à un système de finance héritée fragilisé.

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Mais une embellie qui n’aura pas vraiment duré. La chute de First Republic n’a pas actionné immédiatement le levier de vitesse du prix du bitcoin. Plus encore, la nouvelle du naufrage puis du sauvetage l’a plutôt vu attentiste, tempérant la théorie d’un bitcoin salutaire en période de tourmente bancaire. Une orientation qui ne surprendra pas Changpeng Zhao (CZ), le patron de Binance, qui rejette l’idée d’une corrélation entre faillite bancaire et impact significatif sur la crypto-reine. En effet, lors d’une AMA sur Twitter, il a déclaré que les défaillances des banques US n’avaient pas d’impact significatif sur Bitcoin. De son point de vue, il est peut-être une valeur refuge mais pas plus que l’or, l’immobilier ou les actions.

« Cela ne veut pas dire quand une chose comporte un risque ; les gens viennent directement à la cryptographie. Il y a beaucoup d’autres choix entre les deux.« 

Changpeng Zhao (CZ)

Pour lui, plutôt que de parier sur la disparition des institutions traditionnelles pour favoriser son essor, il soutient que seule l’amélioration de son utilisation et de son utilité, comme offrir des transactions plus rapides et moins coûteuses, sera vraiment pertinente.

Banques régionales US : l’effet domino

Et l’actualité n’est pas loin de lui donner raison. En effet, la série noire continue pour les banques régionales américaines qui assistent impuissantes à la fuite de leurs dépôts vers les grandes banques jugées plus sûres. Un mouvement adoubé malgré elle (vraiment ?) par la secrétaire au Trésor Janet Yellen.

« Incroyable séquence. Un sénateur arrive à faire dire à la secrétaire au Trésor que seuls les dépôts dans les mastodontes bancaires sont garantis du fait du risque systémique. Le baiser de la mort pour les petites banques ! La logique du « too big to fail » poussée à son extrême. »

Anice Lajnef

Hier, les actions de Pacwest (817 millions de dollars de capitalisation) et de Western Alliance (3 milliards de dollars de capitalisation) et de Metropolitan Bank (267 milliards de dollars) ont chuté en ouverture de séance (entre -24% et -29%) avant l’arrêt de leur cotation. D’autres les ont suivi de manière moins drastique, mais le fait est que l’indice des banques régionales KBW a atteint son niveau le plus bas depuis décembre 2020.

Une alerte supplémentaire pour l’économie américaine dans la mesure où aux USA, ce sont les banques régionales qui irriguent principalement l’économie en finançant les prêts aux entreprises, les grandes banques elles étant moins intéressées à soutenir le tissu productif pour se tourner vers la spéculation beaucoup plus rentable, ainsi que l’observe Olivier Berruyer dans un passionnant article d’analyse sur le cas SVB dans le média Elucid.

Le prix du Bitcoin n’a pas immédiatement « pricé » cet effondrement comme si l’événement en se répétant n’en était plus vraiment un. Mais surtout, face aux avoirs préservés des clients grâce à l’intervention rapide des autorités, l’urgence à trouver une issue autre au système bancaire se fait moins sentir.

Intervention de la Fed aujourd’hui

Aujourd’hui, les marchés sont en attente de l’intervention de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, qui doit suivre la décision de la Fed sur les taux d’intérêt. Entre la crise des banques régionales, les craintes de récession et le plafond de la dette bientôt atteint, la question est de savoir si la banque centrale maintiendra son intention d’un relèvement de 25 points de ses taux directeurs, ou si elle va d’ores et déjà choisir une option plus accommodante, à savoir une pause dans son resserrement monétaire.

Le sentiment le plus communément partagé à l’heure actuelle et qu’elle va continuer l’augmentation pour la dixième fois d’affilée, gardant le cap sur son objectif de lutte contre l’inflation fixé à 2%. D’ailleurs, aucune des dernières prises de paroles de responsables de la Réserve fédérale n’a laissé anticiper une autre issue. De fait, dans un contexte de ralentissement économique effectif – à commencer par la croissance, de tout juste 0,3% sur le premier trimestre par rapport au précédent, et à 1,1% en rythme annuel, et de nervosité du secteur bancaire -, les explications de Powell seront l’objet de toutes les attentions. En ligne de mire : ses observations sur l’état du système financier tout autant que la probabilité d’un assouplissement de la politique de la Fed pour le restant de l’année.

Et les cryptos ?

Considérées comme des actifs dits risqués, les cryptomonnaies n’échappent pas à l’influence du grand Manitou. En s’institutionnalisant, elles sont devenues très perméables aux décisions qui drivent le marché financier traditionnel et l’on sait que le resserrement monétaire n’est pas ce qui leur convient le mieux, les investisseurs se dirigeant dans ce cas-là vers des actifs plus pépères du genre obligataire. Aussi, le scénario d’un BTC « to the moon » avancé par certains, semble bien prématuré même si le bitcoin a été lancé rappelons-le, au moment de la crise financière de 2008/2009 en réponse aux problèmes de faillites bancaires et à la politique inflationniste des banques centrales.

Mais le contexte réglementaire avec des Etats-Unis déployant une politique du gourdin, n’augure rien de bon à court terme. En effet, pour certains, dont des membres du Congrès, la FDIC mais également le Bureau du contrôleur de la monnaie (OCC) et la Réserve fédérale, ont entrepris une « stratégie coordonnée pour débancariser l’écosystème des actifs numériques aux Etats-Unis« .

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Avec l’effondrement, de banques crypto compatibles, une crise de liquidité est en cours, notamment sur les exchanges US alors que les teneurs de marché perdent l’accès aux canaux des paiements en dollars. En conséquence le prix du bitcoin souffre d’une volatilité accrue comme en attestent les dernières recherches du site d’analyse Kaiko, ce qui n’est pas de nature à rassurer convenons-en, l’utilisateur lambda en quête d’une valeur de réserve.

Dans ce contexte tumultueux qui invite à diversifier ses actifs, vous pouvez vous laisser tenter par l’achat de cryptos. Inscrivez-vous dès maintenant sur la plateforme Bybit (lien commercial) pour faire vos premiers pas et bénéficier d’une réduction à vie sur vos frais de trading.

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