La blockchain en bouteille : Carrefour estampille un premier vin bio

19 février 2020 - 16:43

Temps de lecture : 3 minutes

Pionnier en matière de traçabilité blockchain, le groupe Carrefour vient d’intégrer un vin arborant sa marque de distributeur dans sa filière qualité.

La blockchain à manger et à boire

Il y a d’abord eu le poulet d’Auvergne dont la promesse était de suivre le volatile plume à plume du producteur au rayon réfrigéré. Ensuite, il y a eu le camembert de Normandie fleurant bon le terroir et le technologie. L’intemporelle purée mousseline a aussi eu droit à sa traçabilité en partenariat avec Nestlé. Au bout du compte, on recense aujourd’hui plus d’une trentaine de produits bénéficiant d’une blockchain made in Carrefour. Pas de doute possible, le groupe de distribution place bien cette technologie au cœur de sa stratégie de reconquête du consommateur.

Son nouveau fleuron est un vin de Bordeaux biologique, millésime 2019. Il est désormais censé délivrer tous ses secrets grâce à un QR code imprimé sur son étiquette. On connaît le procédé : il suffit de dégainer son smartphone, de scanner le dit QR code et toutes les informations relatives au produit apparaissent. Du moins, celles qu’on veut bien nous communiquer si on en croit la directrice qualité et développement durable de la filiale vins du groupe.

 « La première étape a consisté à mettre à plat toutes les informations des partenaires avant de choisir ce que nous allions mettre à disposition du client. Sachant que les consommateurs passent entre 1 minute et 1 minutes 30 sur ce type d’information, il a été décidé de communiquer sur l’entreprise qui fait le produit, à savoir les vignerons, sur les certifications obtenues ainsi que sur les contrôles effectués pour une traçabilité complète du produit. »

Outre cette information reconnue comme partielle (partiale ?), la blockchain de Carrefour vante aussi l’aspect immuable des données enregistrées.

Opacité au nom de la transparence

Mais ce supposé atout contient aussi sa principale faiblesse. En effet, ce ne sont pas des observateurs ou organes indépendants qui fournissent les informations mais les acteurs eux-mêmes de la chaîne de distribution. Or, sans faire de mauvais procès d’intention, la fiabilité de la source ne peut être garantie dans ces conditions. On peut alors douter des affirmations quelque peu péremptoires d’Emmanuel Delerm, responsable du programme blockchain de Carrefour, lors du lancement à la Cité du Vin le 14 février.

« La blockchain, c’est une usine à produire de la confiance avec des informations non modifiables. L’agriculteur est, lui,  partant dans la mesure où l’information qu’il délivre reste la sienne et que personne ne passe derrière lui pour la modifier. »

De quelle blockchain parle t-il ? Là, on s’ancre plutôt dans un modèle light qui ne diffère pas beaucoup d’un schéma classique de traçabilité. D’autant que, fidèle à son choix initial, Carrefour s’appuie sur une DLT (Distributed Ledger Technology) de consortium où seuls les acteurs du produit ont le droit d’intervenir.

Un vin vertueux 

 

Dans le cas du Large Malartic bio, il s’agit d’un partenariat avec la Maison Johanès Boubée (filiale de l’enseigne), les Caves de Rauzan et Terre de Vignerons. Ils sont les seuls habilités à rendre transparent un vin de consommation courante au volume conséquent (300 000 bouteilles par an).  Le prétexte invoqué par l’artisane du projet blockchain, Garance Osternaud, ne lasse pas de ne pas convaincre.

« Il y a plus de sécurisation et moins d’énergie consommée par rapport à une blockchain publique »

Car, répétons-le, la seule blockchain qui vaille en matière de traçabilité alimentaire est celle qui serait publique et décentralisée. Caractéristiques indispensables pour produire de la confiance sans entourloupe. Toutes les autres modalités sont des accommodements qui ne garantissent en rien la fiabilité des informations transmises. Elles ne les garantissent pas mais visiblement elles rassurent le consommateur inquiet. Les produits labellisés blockchain de Carrefour connaissent tous  une belle progression de leurs ventes. Et on peut parier que ce breuvage au prix modeste connaîtra le même succès en combinant deux injonctions vertueuses de notre époque : le sain et la transparence.

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