La blockchain revivifiée par la crise sanitaire ?

15 avril 2020 - 10:41

Temps de lecture : 4 minutes

La blockchain connaît un regain d’intérêt en ces temps de crise mondiale. Perçue comme une solution permettant de faciliter la distribution de l’helicopter money, elle est aussi envisagée comme un support technologique possible pour les applications de  traçage sanitaire ou de suivi pandémique. 

Une blockchain volant au secours de l’helicopter money

Cette mesure adoptée  pour relancer la consommation et accompagner l’activité économique, consiste à donner directement de l’argent aux citoyens. Plusieurs Etats développent actuellement cette stratégie. Les Etats-Unis projettent d’envoyer 1200 dollars par habitant. La Banque Centrale européenne semble tentée d’enclencher le même processus. L’Espagne quant à elle, échafaude un projet de revenu universel. En Corée du Sud, le gouvernement de la région de Gyeonggi va lancer une aide d’urgence, bâtie sur une infrastructure blockchain. Chaque habitant recevra 81 dollars à dépenser en trois mois, exclusivement auprès de fournisseurs locaux.

Apparaissant comme une mesure complémentaire au « Quantitative Easing » qui finance les dettes des Etats, l’helicopter money, en voulant s’adresser directement à tous les citoyens, se heurte au problème de la distribution. En effet, comment agir rapidement pour toucher aussi ceux qui n’ont pas accès aux services bancaires. Une blockchain publique comme celle de Bitcoin paraît la plus adaptée pour réaliser ce type d’opérations. En effet, elle permet sans intermédiaires des transactions rapides, sécurisées et transparentes directement sur smartphone. Reste à relever le défi de la scalabilité car la blockchain Bitcoin, en dépit du Lightning Network, n’arrive toujours pas à gérer un nombre élevé d’échanges.  En attendant, des acteurs de l’écosystème, comme Havas Blockchain, semblent avoir trouvé des solutions. Il propose une offre sur mesure pour accompagner les Banques centrales, ou d’autres entités, dans la réalisation de ce plan de soutien hors normes.

Une blockchain, support de tracking

Le pistage des individus en temps de pandémie est un sujet sensible. Un outil de tracking « respectueux des libertés individuelles » est un leurre pour beaucoup. Aussi, des observateurs affutés scrutent de très près les modalités de mise en œuvre d’une telle application. Le Chaos Computer Club par exemple, célèbre club de hackers allemands farouchement opposé aux outils de surveillance en ligne, a publié sur son site une liste de recommandations . Elles visent à s’assurer que les applications dites de « contact tracking » n’empiètent pas sur la vie privée des utilisateurs. Le mot d’ordre : respect de l’anonymat et décentralisation des données.

Si le CCC ne cite pas nommément la blockchain comme outil de prédilection, d’autres en revanche y voient la solution, mais couplée à d’autres technologies. Le protocole public n’est pas privilégié mais plutôt une infrastructure « permissionnée » plus connue sous le nom de DLT (Distributed Ledger Technology). C’est le cas par exemple du  «passeport d’immunité»  pour aider à arrêter la propagation de COVID-19 sans compromettre la confidentialité des utilisateurs. D’autres pistes de recherche explorent la conjugaison blockchain / smart contract. Elle aurait l’avantage de standardiser les données pour permettre une interopérabilité optimale entre tous les participants du système. La confidentialité étant assurée par le jeu des clés privées, clés publiques.

D’autres initiatives émanant de la communauté crypto elle-même voient aussi le jour. Ainsi la fondation Algorand a lancé l’application IReport-Covid. Ellepermet à chacun de communiquer directement et de manière anonyme ses informations personnelles relatives au Covid-19. L’idée, développer une base de données mondiales accessible à tous sur une blockchain dédiée. Le but : fournir en temps réel des informations nécessaires à la lutte contre le virus.

Vitrine française de la blockchain

On constate que les technologies blockchain reprennent de la vigueur en ces temps troublés. Elles semblent pouvoir résoudre certains des épineux problèmes posés par la crise inédite que nous traversons. Notons tout de même qu’elles sont pour la plupart bien éloignées du protocole transparent, décentralisé, sécurisé et incorruptible de Bitcoin. Mais le fait est que la blockchain (et ses multiples avatars) s’affirme comme incontournable dans la transformation numérique à l’oeuvre dans nos sociétés.

C’est la conviction du député Jean-Michel Mis et de l’entrepreneur Rémy Ozcan,  qui viennent de lancer la Fédération Française des Professionnels de la Blockchain (FFPB).  Cette structure entend organiser et industrialiser l’écosystème tricolore pour porter, y compris à l’échelle européenne, la vision hexagonale de la technologie. Partant du constat que la France a déjà raté le virage d’Internet et du cloud, les deux hommes ont exprimé dans une tribune le souhait de faire de la blockchain le « fer de lance de la souveraineté numérique française ». Pour ce faire, ils veulent créer un outil capable de cartographier  les professionnels de tous les secteurs (automobile, tourisme, agro-alimentaire, santé, systèmes de paiement,  luxe…). L’objectif :  défendre le savoir-faire français en ce domaine dont la visibilité serait à la traîne.

« L’Allemagne et l’Espagne, qui disposent de leur propre fédération blockchain, ont instauré un dialogue privilégié avec les instances européennes. De notre côté, nous n’avons pas d’interlocuteur. »

Une blockchain estampillée expertise France

Alliant le geste à la parole, la gouvernance de la fédération sera décentralisée et les acteurs appelés à renoncer à leur esprit clanique (l’Adan serait-elle visée ?). Le voeu du ministre des Finances, Bruno Le Maire, de faire de la France une blockchain-nation serait-il en voie de réalisation ? En tous les cas,  après la loi pacte et son volet PSAN destinée à régulariser l’écosystème, le souhait d’une blockchain estampillée expertise France semble prendre forme. Le futur s’avance à grand pas et il est temps de s’occuper de lui avant qu’il ne s’occupe de nous.

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