Les « pros des cryptos » débarquent sur BFM Business

09 janvier 2021 - 18:52

Temps de lecture : 4 minutes

BFM Business, chaîne de télévision économique, a pris l’heureuse initiative de proposer un rendez-vous hebdomadaire consacré à Bitcoin et aux cryptomonnaies. L’émission aura lieu tous les vendredis à 16h35. La première a eu lieu hier.

L’épouvantail Bitcoin à la TV française

Une émission qui s’appelle « les pros des cryptos », c’est déjà un grand pas en avant pour une télévision française qui brille par la qualité de ses intervenants dès lors qu’il s’agit d’évoquer les cryptomonnaies ou plus justement, d’agiter l’épouvantail Bitcoin pour effrayer le pépère ou la mémère (typologie du politique) postés devant son écran qui auraient la tentation de s’y frotter.

L’histoire télévisuelle de Bitcoin charrie en effet son lot d’éminentes personnalités. Systématiquement convoquées au moment où le king des cryptos arbore des prix à faire pâlir petits investisseurs de la Française des jeux ou détenteurs de livrets A, elles se chargent, au nom d’un supposé savoir, de démolir l’outil financier susceptible d’autonomiser les individus et partant, d’entamer leur pouvoir de sachant et de tenant de l’ordre financier actuel.

La semaine écoulée nous a offert l’occasion d’admirer deux de ces magnifiques spécimens. Sur Boursorama, la première chaîne web entièrement dédiée à l’économie, le rédac en chef de la bourse au quotidien, Philippe Béchade, s’en est donné à coeur joie.

Dans une logorrhée un peu foutraque, il a été question de traders noctambules abusant cyniquement du sommeil des honnêtes citoyens pour se livrer à d’extravagantes manipulations de prix. Il a été aussi question de ces mêmes honnêtes citoyens traités quasiment de crétins puisqu’ils ont la naïveté d’investir un peu dans le Bitcoin. Entre écervelés et initiés fourbes, vampires à leurs heures, le mot d’ordre de Béchade, on l’a bien compris, c’est : gardez-vous du Bitcoin ! L’éculée métaphore du casino et du champs sémantique du jeu et du hasard venant confirmer le danger. Quand ce ne sont pas « les galets d’Etretat » qui, dans une envolée inspirée, pourraient, selon l’expert du n’importe quoi, avantageusement venir se substituer au Bitcoin.

Traverser l’ignorance pour accueillir Bitcoin

Le lendemain, c’est le très honorable Jean-Claude Trichet, ancien Président de la Banque Centrale Européenne devenu apparemment spécialiste de la folie contemporaine, qui était l’invité de la même émission Ecorama.  En deux minutes chrono, on a eu droit à un Bitcoin associé au néant, au vertige, au crime organisé, au financement du terrorisme, à l’absence regrettée de sa répression… Et, dans un registre plus cocasse, à un Bitcoin qui « n’est fondé que sur le fait que les joueurs acceptent de jouer, et qu’ils trouvent particulièrement amusant de… s’amuser.”

Nous ne nous attarderons pas davantage sur la profondeur du propos et sur la litanie de clichés que même Wall Street combat aujourd’hui. Objet de puissants soupçons, toujours accusé des mêmes crimes, il faut sans cesse traverser l’ignorance pour accueillir Bitcoin, tout à la fois funambule et sonneur de cloches, robuste arpenteur et araignée tissant patiemment sa toile.

Non, on se réjouira juste que la parole soit dorénavant aussi donnée à des intervenants qui s’y connaissent. Ainsi, le journaliste Gregory Raymond de Capital qui vient de lancer la version rédactionnelle et payante de son podcast 21 millions dédié au monde des cryptos . Ainsi, les spécialistes des marchés financiers Nicholas Chéron en alternance avec Vincent Ganne. On peut juste regretter l’absence d’une experte, Claire Balva de Blockchain Partner par exemple, qui aurait été bienvenue pour contrarier l’idée d’un entre-soi masculin.

Quoi qu’il en soit, les trois compères auront la lourde charge d’éclairer le public de BFM sur un sujet aussi complexe que les cryptos et corrélativement de lever tous les préjugés qui leur collent aux codes. Une tâche peu aisée mais nécessaire pour éduquer à cette nouvelle proposition de valeur.

Les pros cryptos enfin sur un plateau

La première émission a sans doute donné le la de cette vulgarisation exigeante, appelée de ses voeux par une communauté lasse des sempiternelles fredaines resservies à chaque boom haussier. Mais tempérons tout de même les jeunes fougueux qui, sur twitter, ont parfois tendance à croire que seul Bitcoin bouscule le conformisme ambiant. Le brandissant comme un étendard, ils agitent la fracture générationnelle comme (pauvre) argument à la résistance d’un monde auquel ils appartiennent aussi, notamment quand ils en reproduisent les réflexes les plus délétères. Tous les millenials, concession à l’étiquetage du bestiaire marketé, ne sont pas, ou alors je suis très mal informée, des pratiquants enthousiastes de la crypto. Tous les « boomers » ne sont pas à l’image de ceux sus-cités, installés dans le confort d’une position bien assise, sourds et aveugles aux changements par peur de perdre leurs privilèges. L’explication est plutôt à chercher, comme à chaque nouveau paradigme, du côté d’une mécanique intellectuelle difficile à « désenrouler ».

N’oublions pas que Bitcoin, c’est d’abord de l’impensable. De l’impensable devenu pensable puis réalisable, pour paraphraser une affirmation de Françoise Héritier évoquant la genèse et l’élan inexorable de toute évolution sociale, et que de ce point de vue, il s’agit comme à chaque fois de sortir son bâton de pèlerin pour aller porter une parole claire et accessible sans sacrifier l’exigence à la simplification. De fait, la première émission tient ses promesses entre un Gregory Raymond posé et précis et un Nicholas Chéron converti de plus fraîche date, mais incisif au moment opportun.

Rendez-vous donc tous les vendredi à 16h35 pour retrouver « les pros des cryptos » sur BFM Business ou sur la chaîne Youtube pour suivre l’actualité de Bitcoin et des cryptomonnaies.

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