Décryptage : Écrire un Whitepaper peut rapporter jusqu’à 50 000$
30 avril 2019 - 10:56
Temps de lecture : 5 minutes
Par Guillaume E.
Saviez-vous que les whitepapers (livres blancs) sont souvent externalisés, et même parfois rédigés par des auteurs en freelance ? Tout a commencé avec un article de DecryptMedia qui mettait en avant ce phénomène, j’ai donc décidé d’en savoir plus.
Les whitepapers sont l’une des pierres angulaires de l’écosystème des cryptomonnaies. En effet, il est conseillé d’en lire le contenu lorsque l’on s’intéresse à un nouveau projet. Il y sera souvent présenté le coeur de l’initiative, avec l’équipe, la roadmap sur les prochaines années, les objectifs, mais aussi les détails techniques. En tant qu’investisseur, on porte donc généralement une attention particulière à ce document (PDF) publié sur les sites officiels des crypto-projets.
I. Les Whitepapers sont majoritairement externalisés
Premier fait surprenant. Alors que l’on pourrait croire que les whitepapers sont écrits par des membres de l’équipe officielle, c’est loin d’être toujours le cas. Bien souvent, ce sont en réalité des entreprises indépendantes et extérieures au projet qui vont se charger de rédiger l’un des documents les plus importants du lancement d’une cryptomonnaie. Pire encore, parfois ce sont de simples freelances qui s’en occupent, malgré des connaissances techniques potentiellement limitées.
Des freelancers et des cabinets se sont même spécialisés dans cette activité qui s’est révélée très lucrative. En effet, les rémunérations sont très élevées (mais hétérogènes) et s’échelonnent entre 1000$ et 50 000$ pour un document qui fait rarement plus de trente pages.
Selon DecryptMedia, les writers ont souvent des demandes qui consistent à exagérer les faits, voir même à fabriquer de toutes pièces certains éléments. L’objectif est évidemment de rendre le whitepaper plus attractif. Apparemment et d’après le CEO d’une entreprise spécialisée dans la rédaction de livres blancs, de nombreux projets se lancent dans le monde de la blockchain sans avoir une idée précise de ce qu’ils souhaitent instaurer. C’est alors l’auteur freelance qui doit carrément inventer le Business Model. Sur douze de ses clients, le dirigeant estime que seulement un seul à un réel concept en tête.
II. Les fraudes sont (malheureusement) légions
Lorsque les livres blancs sont outsourcés (externalisés), c’est malheureusement fréquemment quand l’objectif est de lever beaucoup d’argent rapidement et non pour essayer de lancer un projet viable. Les pratiques douteuses font donc partie du décor. Par exemple, la section relative au budget peut être le lieu d’une entourloupe de l’équipe, il faut y prêter une attention capitale. Lorsque cette section est moins bien détaillée, il peut s’agir d’une ruse pour frauder, où les fonds engrangés iraient directement au CEO et au CTO. Ce n’est pas de la science-fiction, ces pratiques sont réelles.
Les dirigeants demanderaient même fréquemment de reprendre des éléments d’autres livres blancs en changeant légèrement les expressions utilisées et en laissant entendre que c’est l’idée du nouveau projet. Ce n’est pas tout, les rédacteurs détaillent parfois des phénomènes qui ne sont absolument pas réalistes, mais qu’ils doivent quand même inclure dans le WP pour le rendre plus alléchant pour un investisseur.
L’équipe de Decrypt a eu l’occasion de discuter avec un individu qui se targue d’avoir rédigé des éléments du livre blanc du token de l’exchange KuCoin. Cela démontre bien que cette pratique ne se concentre pas que sur de petits Markets Caps. La plateforme d’échange réalise un peu plus de 20 millions de dollars de volume chaque jour. Pour finir, et malheureusement pour les writers, malgré une rémunération théorique élevée, il peut être difficile de récupérer sa paie. Il y aurait plusieurs cas de rédacteurs qui n’ont jamais reçu leur dû.
III. J’ai fait un tour sur les réseaux sociaux, ce que j’ai trouvé est surprenant
En fait les crypto-projets trouvent leurs rédacteurs via les réseaux sociaux, souvent Linkedin ou Facebook. Sur celui dédié au monde professionnel, il suffit de faire une recherche de type Whitepaper Writer (soit rédacteur de Livres Blancs) pour tomber sur un nombre assez conséquent de profils qui se disent spécialistes dans l’écriture de livres blancs.
L’individu pris en exemple aurait même contribué à l’écriture du whitepaper de YOYOW, un projet qui est tout de même listé sur Binance et qui possède une capitalisation actuelle d’un peu moins de 6 millions de dollars.
Des exemples de profils comme celui ci-dessus, il y en a beaucoup, mais ce n’est pas le seul espace où l’on peut facilement trouver des rédacteurs. Sur certaines plateformes, des freelances se proposent de travailler sur cette thématique. Ils pratiquent des tarifications très élevées, de 60$ à 75$ de l’heure.
Outre les writers en freelance, il y a également beaucoup d’entreprises qui réunissent une équipe entière de rédacteurs, plus professionnels et compétents. On peut citer deux exemples après une rapide recherche sur Google :
– Iwriteicowhitepapers : Ce service promet la création d’un whitepapers en seulement une dizaine de jours. Il s’agit d’un escadron de huit rédacteurs spécialisés dans l’écriture de contenu dans le domaine des technologies.
– Sixpl : Un collectif de trente personnes qui se targue d’avoir travaillé sur des centaines de whitepapers.
Les possibilités sont donc nombreuses pour un dirigeant qui veut faire externaliser la création de son whitepaper. Il n’a plus besoin de s’embêter à réfléchir à chaque détail de son projet, puisqu’une équipe de rédacteurs spécialisés sur le sujet peut s’en charger pour lui.
IV. Conclusion
Lancer des ICO a été extrêmement lucratif lors de l’année 2017. C’est pour cela que pléthores d’individus ont souhaité surfer sur la vague, avec l’engouement des cryptomonnaies et de la blockchain. De nombreuses levées de fonds cryptographiques ont facilement atteint plusieurs millions de dollars. Pourtant, il s’avère parfois que peu d’éléments concrets justifiaient un tel enthousiasme des investisseurs.
Cela a mené une multiplication de projets que l’on peut qualifier de quasi-bidons à essayer d’exploiter la faille des ICO. Pour cela, ils ont donc dû faire appel à des rédacteurs spécialisés pour être capables de vendre au mieux un projet vide d’innovation. Et c’est à cause de ces pratiques que l’on s’est retrouvé avec de nombreuses initiatives à l’abandon, ou des équipes qui EXIT SCAM, c’est à dire qui disparaissent avec les fonds dans la nature. Ces procédés ont été néfastes pour l’entièreté de l’écosystème.
Avec le crash du marché en 2018, les ICO ont reculé et il est devenu bien plus difficile de lever des millions de dollars, les investisseurs étant notamment bien plus méfiants et regardants sur la qualité des projets qu’ils soutiennent. Il semble donc que le marché se soit épuré de ces pratiques sans les faire totalement disparaître pour autant. Ces méthodes douteuses pourraient bien repartir à la hausse en cas de nouveau Bull Run des cryptomonnaies.
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