Votre salaire versé en cryptomonnaie demain ?

12 mars 2020 - 14:36

Temps de lecture : 4 minutes

La dernière étude du géant mondial des solutions de gestion du capital humain ADP (Automatic Data Processing) intitulée  « Future of pay », atteste d’une approche moins conventionnelle en matière de versement des salaires. Les cryptomonnaies n’y jouent pas qu’un rôle de figurantes.

Une étude sur les options de versement des salaires

L’enquête en ligne a été menée auprès de 4 000 salariés et 2 900 employeurs au sein de 13 pays, dans des entreprises de plus de 50 salariés. En Europe (2000 entretiens), les 4 nations concernées sont l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Cette étude vise à évaluer les perceptions et les comportements des uns et des autres face aux méthodes de paie traditionnelles et émergentes. Car, si les options de paiement ont beaucoup évolué (paiement sans contact, e-carte bleue…), celles en matière de versement des salaires ont été quelque peu négligées.

Or, il semblerait, d’après l’étude, que les salariés européens s’attendent à des stratégies innovantes en ce domaine. Mieux encore, ce serait même un critère de choix susceptible de les attirer dans une entreprise plutôt que dans une autre. Dès lors, la capacité à proposer des options de paiement plus flexibles et plus rapides devient un nouveau défi pour les dirigeants comme le commente  le président d’ADP en France et en Suisse, Carlos Fontelas de Carvalho.

« Les employeurs perçoivent aujourd’hui l’importance des fréquences et méthodes de paiement dans leur stratégie de gestion des talents. Ce choix dans le mode de rémunération commence à compter, notamment pour les jeunes générations… »

Le changement oui, mais à petits pas…

Néanmoins, la transition vers de nouvelles méthodes de versement ne se fera pas du jour au lendemain. Du côté des salariés, y compris chez les plus jeunes, le virement bancaire reste le moyen de paiement privilégié. Et du côté des employeurs interrogés, deux tiers d’entre eux considèrent que le salaire est un sujet trop important pour envisager un changement majeur qui pourrait le mettre en péril. Pour 68 % d’entre eux, ce qui compte, c’est la paie et non la manière de la percevoir.

« Les employeurs comprennent ainsi qu’ils seront amenés à personnaliser leurs options de paiement pour rester compétitifs. Toutefois, la paie est aujourd’hui le premier vecteur de communication entre l’entreprise et le collaborateur : avant toute chose, les entreprises s’attachent donc à délivrer une paie juste, en temps et en heure, de la manière la plus sécurisée qui soit »

Si changement il y a, il se fera donc au prix de la lenteur si on en croit les 88% de salariés et dirigeants  qui pensent que les salaires continueront d’être versés par virement bancaire dans les 10 années à venir.

A tempérer toutefois puisque, en parallèle de la méthode classique, 8 répondants sur 10 envisagent d’autres procédés. Le trio de tête s’incarnant dans les plateformes numériques (62 %), les mobiles (60 %) et les cartes bancaires prépayées (56 %). Enfin, last but not least, les cryptomonnaies sont choisies comme option par 34 % des sondés. Ce qui est un score somme toute honorable, témoignant une fois de plus de la popularité croissante de Bitcoin et consorts.

Une pratique déjà légiférée en Nouvelle-Zélande

Depuis le 1er septembre 2019, les entreprises sont autorisées à rémunérer leurs salariés volontaires en cryptomonnaie. Si la Nouvelle-Zélande est le premier pays à avoir légalisé officiellement cette méthode de paiement, c’est une pratique qui existe ailleurs. Elle s’avère particulièrement utile quand des sociétés exposées aux cryptomonnaies s’échinent en vain à trouver une banque partenaire. Ce problème récurrent, soulevé notamment par le CEO de l’exchange français Paymium, Pierre Noizat, pousse des fintechs  (notamment allemandes et suisses) à rémunérer leurs collaborateurs en Bitcoin, Ether, Ripple… avec des fiches de paie en monnaies ayant cours légal.

Si Sadry Bouhebja, qui dirige le fonds d’investissement Archery Blockchain, affirme que tout cela se déroule de manière parfaitement transparente et déclarée, le montage est  trop complexe pour se généraliser. Surtout, il s’inscrit dans une zone grise du droit qui fait peser une insécurité peu propice au développement de l’écosystème. Cette situation abracadabrantesque pourrait se voir résolue en France.

France pionnière et salaire en streaming

En effet, dans le cadre de la loi Pacte et du nouveau statut de Prestataire de Service en Actifs Numériques (PSAN), une crypto-banque (proposant des comptes bancaires mêlant cryptomonnaies et euro) agréée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pourrait voir le jour dans l’année. Ce serait un grand pas en avant si la promesse se réalise et un premier jalon pour envisager le règlement de salaires en cryptomonnaies.

Une perspective qui entraînerait d’autres bouleversements. Ainsi, on peut imaginer voir se réaliser l’hypothèse émise par Andreas Antonopoulos dans son livre L’Internet de la monnaie de gagner son salaire en temps réel. Le sacro-saint rythme mensuel (dont la généralisation n’est pas si ancienne) pourrait être abandonné au profit d’un paiement en continu, milliseconde après milliseconde. Un règlement en streaming pratiqué déjà par la finance décentralisée (DEFI) et qui tend à se généraliser. Ainsi, des protocoles de financement en temps réel sont déjà en phase d’expérimentation comme celui de Sablier sur la blockchain Ethereum.

L’effervescence technologique, qui est la marque de fabrique de l’écosystème crypto, peut en étourdir plus d’un. Le rythme effréné des innovations est difficilement soutenable, notamment au regard du droit. Aussi, le changement des pratiques, si espéré soit-il, n’est vraisemblablement pas pour tout de suite. Dans Le vaste monde, « Le long pour l’un pour l’autre est court ».

 

 

 

 

Recevez le top 3 de l'actualité crypto chaque dimanche