Arnaque vs NFT – Le code peut-il toujours être la loi ?
25 mai 2022 - 09:00
Temps de lecture : 4 minutes
Par Hugh B.
En théorie, le secteur des cryptomonnaies repose sur le principe immuable du « code is law. » Mais comme personne n’habite dans ces contrées utopiques, c’est bien la triste réalité qui s’impose à ses utilisateurs. Car construire un univers où le principe de fonctionnement s’impose de lui-même a tout d’un délire de Bisounours numérique. En effet, le monde réel n’est pas prêt à laisser ce genre de scénario fonctionner correctement. Une question d’éducation, diront certains. Un modèle anarchiste impossible à faire respecter, selon d’autres. Mais au final une seule véritable question, à qui appartiennent les droits d’un NFT volé…
Le secteur des cryptomonnaies repose sur une liberté qui n’a rien à voir avec l’absence de règles. Et une autonomisation des individus qui se conjugue mal avec la prolifération d’arnaques et autres comportements problématiques en tout genre. Car cet univers aux aspirations libertaires nécessite une participation active et communautaire de l’ensemble de ses acteurs, afin d’en protéger les fondamentaux. Et c’est plus sûrement les tricheurs et autres profiteurs cupides qui finiront par en tuer l’esprit, alimentant dans le même temps les velléités répressives des instances de régulation.
Car le revers inévitable de la médaille de cette adoption tant attendue et la dilution programmée des principes fondateurs de cette économie numérique. Tout cela faisant du « code is law » le meilleur allié de ceux qui souhaitent contourner les règles à leur avantage, sans se soucier de détruire tout un écosystème. Car une faille dans un protocole ne permet pas de tout justifier, simplement parce qu’elle a été codée par erreur. Et voler un NFT suite à une attaque de phishing ne fait pas du voleur son nouveau propriétaire légitime. À moins que…
Phishing – L’acteur Seth Green perd 4 NFTs
La liberté n’a de valeur que si tout le monde la respecte. Sinon, elle devient simplement le terrain de jeu de ceux qui profitent des avantages qu’elle offre en la bafouant à répétition. Avec cet effet pervers de prétendre ensuite que les victimes sont stupides et/ou responsables des méfaits qu’elles subissent. En particulier car il n’existe pas de marche arrière sur la blockchain, avec des pertes définitives quoi qu’il arrive. Ou pas…
Une douloureuse expérience qu’a récemment menée l’acteur Seth Green, victime d’une attaque par phishing il y a quelques semaines. Avec la perte de 4 NFTs de collections prestigieuses comme les Bored Ape Yacht Club (BAYC), leur version mutante (MAYC) et un Doodle. Soit un préjudice estimé à 182,5 ETH (environ 365 000$) si l’on en croit les derniers prix de vente affichés sur la plateforme Opensea. Car depuis, le NFT de la collection BAYC a effectivement – et très rapidement – été revendu.
Et un problème insoluble se pose : à qui appartiennent les droits de ce NFT volé – et ensuite acquis sans avoir connaissance de ce statut – par un certain Darkwing84 ? Car le BAYC #8398 a effectivement changé de portefeuille le 8 mai dernier, contre la bagatelle de 106,50 ETH (environ 210 000$). Et cela avant que Seth Green ne rende officielle l’information de son vol. Néanmoins, cette vente a été réalisée sans son accord. Et alors même qu’il avait utilisé l’image de ce NFT dans le cadre de sa prochaine émission de télé intitulée White Horse Tavern. Et c’est là que tout se complique…
NFT – À la recherche des droits perdus
Car en premier lieu, la licence attachée à chaque Bored Ape Yacht Club stipule clairement que « lorsque vous achetez ce NFT, vous possédez complètement le Bored Ape sous-jacent, son Art. » Ce qui signifie pour certains que même si ce dernier a été volé, une fois acheté les droits de propriété sont également transférés. Mais est-ce aussi simple ?
Une éventualité légale, puisque comme le rappelle Eric Goldman, professeur de droit de la propriété intellectuelle et de la technologie à l’Université de Santa Clara, les acheteurs sont protégés. Et cela même dans le cas de l’acquisition d’un objet volé, s’ils ne sont pas au courant de cet état de fait. Ce qui voudrait dire que Seth Green a perdu tous ses droits sur ce NFT, du fait de sa revente effective. Et que s’il en utilise l’image, il pourrait être poursuivi… et devoir verser une amende à son nouveau propriétaire.
Un cas de figure que réfute Jake Chervinsky, responsable sécurité pour la Blockchain Association. En effet, selon ce dernier, n’importe quel tribunal statuerait en faveur de Seth Green. Et cela du simple fait que dans cette affaire « le code n’est pas la loi, » comme certains aimeraient à le faire croire. Car c’est bien le caractère de justice qui prévaut, avec sa dimension humaine et adaptable au cas par cas. Tout particulièrement car Seth Green possède des preuves évidentes et irréfutables de sa propriété effective sur ce BAYC. Et que même en l’absence d’information sur le caractère frauduleux de cette vente, l’inscription de l’opération de phishing reste immuable sur la blockchain Ethereum. Mais est-ce que cela peut permettre de l’emporter face à l’absence de préavis émis par Seth Green à la date du 8 mai ?
Seth Green – Une procédure judiciaire engagée ?
Quoi qu’il en soit, Seth Green menace le nouveau propriétaire de poursuites judiciaires s’il ne retourne pas ce NFT dans les plus brefs délais. Mais, s’il n’était pas au courant, ce dernier est également une victime dans cette affaire. Et il n’y a pas de raison qu’il soit le seul à subir la perte de ces 106,5 ETH. Car rien ne mentionne le voleur à l’origine de cette attaque de phishing, seul véritable responsable de cette situation ubuesque.
Tout en gardant bien à l’esprit qu’il va encore falloir identifier ce compte pseudonyme. Et, une fois cette opération effectuée, adapter la procédure engagée à la zone géographique où ce DarkWing84 réside. Tout en prenant en compte le fait que ce dernier a déjà transféré le fameux BAYC #8398 vers un autre portefeuille enregistré comme « GBE_Vault. » Bonne chance, Seth Green !
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