Binance ombrage encore les régulateurs

02 janvier 2022 - 16:59

Temps de lecture : 3 minutes

La plateforme d’échange Binance qui a été sous le feu roulant des régulateurs tout au long de 2021 continue de subir leurs foudres. Derniers litiges en vue : le gros malentendu avec les autorités régulatrices de la province canadienne de l’Ontario et en Inde, l’échange WazirX, dont elle est propriétaire depuis novembre 2019, soupçonné de fraude fiscale.

Binance, plateforme non-grata en Ontario

Les tentatives d’apaisement de Chanpeng Zhao (dit »CZ »), PDG de Binance, vis à vis des autorités régulatrices ne sont visiblement pas suffisantes. La plateforme qui aurait visiblement péché par excès d’empressement s’est vu redresser les bretelles par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (OSC).

Le motif :  Binance se serait trop avancée en annonçant à ses utilisateurs par un message en date du 29 décembre qu’ils pourraient continuer à utiliser leurs comptes en toute légalité. Or, en juin la plateforme avait déclaré mettre fin à ses activités dans cette juridiction, donnant à ses clients un délai courant jusqu’à la fin de l’année pour clôturer leurs comptes.

Une décision faisant suite aux procédures prises à son encontre, touchant également d’autres plateformes crypto comme Bybit, KuCoin et Poloniex, par le régulateur de l’Ontario qui jugeait que les unes et les autres ne respectaient pas les lois locales exigeant un enregistrement obligatoire auprès des organismes dédiés. Binance a donc reconsidéré sa position soutenant qu’elle s’était pliée à l’injonction de l’instance régulatrice.

L’autorité régulatrice de l’Ontario oppose un ferme démenti aux allégations de conformité de Binance

Un avis qui n’est absolument pas partagé par cette dernière qui considère que Binance, contrairement à ce qu’elle affirme, n’a pas rempli ses obligations, à savoir s’enregistrer auprès du FINTRAC (Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada), l’organisme chargé de la régularisation des activités financières au sein de la province, pour pouvoir exercer.

« Binance a indiqué à l’OSC qu’aucune transaction impliquant les résidents de l’Ontario n’aurait lieu après le 31 décembre 2021. Binance a envoyé un message aux utilisateurs concernés les informant que la mesure n’avait plus lieu d’être, et ce sans en informer l’OSC au préalable. C’est inacceptable. Aucune entité du groupe de sociétés Binance ne détient une quelconque forme d’enregistrement de valeurs mobilières en Ontario. »

Communiqué de l’OSC en date du 30 décembre

Un litige qui tiendrait à une erreur de communication selon l’échange.

« Malheureusement, il y a eu un problème de communication. […] Nous n’avons pas directement contacté l’OSC concernant nos intentions, ce qui a clairement été une erreur que nous sommes déjà en train de corriger. « 

Déclaration d’un représentant de Binance

Mais qui plonge les utilisateurs locaux de l’échange dans un flou pas du tout artistique. Jusqu’à preuve du contraire, ils ne savent toujours pas quelle option choisir quant au maintien ou pas leurs comptes Binance.

WazirX, filiale de Binance, soupçonnée de fraude fiscale

Menant une vaste campagne de lutte contre l’évasion fiscale, l’autorité compétente en la matière de Mumbai a déclaré avoir détecté une fraude sur les commissions de l’échange WarzirX, propriété de Binance depuis 2019.

Dans les faits, l’échange indien a été accusé de non-paiement de la taxe sur les produits et services (TPS). Un manque à gagner évalué à 5,43 millions de dollars auxquels sont venus s’ajouter les intérêts et une pénalité pour absence de règlement. De fait, la plateforme a dû s’acquitter d’un montant de plus de 6,6 millions de dollars.

Dans un contexte d’incertitude réglementaire qui est la marque de fabrique de l’environnement crypto en Inde, la lisibilité des mesures et taxes appliquées aux activités cryptographiques est loin d’être très claire. Aussi, est-ce l’argument avancé par WarzirX pour justifier d’un manquement non délibéré.

« Il y avait une ambiguïté dans l’interprétation de l’un des composants qui a conduit à un calcul différent de la TPS payée. Cependant, nous avons volontairement payé de la TPS supplémentaire afin d’être coopératifs et conformes. Il n’y avait et il n’y a aucune intention d’échapper à l’impôt. Cela étant dit, nous croyons fermement que la clarté réglementaire est une nécessité impérieuse pour l’industrie indienne de la cryptographie.« 

L’étau de la régulation

L’échange n’est pas le seul visé par les perquisitions de l’administration fiscale indienne. Six autres fournisseurs de services crypto l’ont été depuis, notamment BuyUCoin, CoinSwitch Kuber, CoinDCX et Unocoin. Et l’agence a notifié qu’elle comptait encore « intensifier cette dynamique dans les prochains jours ».

2022 sera assurément, en Inde comme ailleurs, une année où la surveillance des activités crypto va se renforcer. Et les plateformes d’échange (CEX), de fait de leurs structures centralisées, se retrouvent en première ligne face à ce durcissement. Elles n’ont pas d’autres choix que de coopérer avec les autorités pour assurer la pérennité de leurs activités.

C’est d’ailleurs l’orientation adoptée par Binance qui a déployé dès la mi-2021 toute une stratégie pour montrer patte blanche. Embauche d’ex-régulateurs, nettoyage de son panel d’offres, limitation de certaines fonctionnalités comme les effets de levier, entreprise de séduction de CZ avec parfois un gros chèque à l’appui, ouverture de bureaux locaux un peu partout, y compris à Montrouge en banlieue parisienne. On attend cependant toujours la proclamation officielle de son siège mondial…

Néanmoins, et en dépit de la multiplication d’actions, de déclarations de transparence et de bonnes intentions émanant de la première plateforme d’échange crypto, il en faudra visiblement beaucoup plus pour amadouer les régulateurs bien décidés cette année à resserrer leur étau.

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