Les cryptomonnaies n’ont pas besoin de régulation mais de clarification

08 juin 2021 - 09:55

Temps de lecture : 4 minutes

Par Hugh B.

C’est un combat idéologique et historique qui oppose les instances de régulation aux cryptomonnaies. Une situation qui n’a rien de surprenant, car elle met face à face deux modèles de fonctionnement qui ont des objectifs totalement différents. Ce qui est bien souvent la source de tensions entre incompréhension systémique et volonté de contrôle. Mais aussi de procès d’envergure à l’encontre de tout contrevenant qui s’éloigne un peu trop de cette zone d’autonomie construite avec la décentralisation. Pourtant d’anciens membres de la SEC l’affirment, il n’est pas nécessaire d’y imposer de nouvelles règles.

À en croire les différentes structures dédiées à la régulation monétaire et aux marchés financiers, de nouvelles règles doivent permettre de mieux maîtriser le marché des cryptomonnaies. Cet univers hors de tout contrôle qui est bien souvent réduit à la seule partie médiatisée de l’iceberg. Ce qui oscille inlassablement entre activités criminelles ou plus récemment le caractère prétendument polluant du minage du Bitcoin. Une bonne raison de mettre un peu d’ordre dans tout cela. Et de redéfinir un cadre juridique qui puisse permettre de le faire.

Une situation qui est à l’origine de procès importants. Comme celui qui poursuit la société Ripple au sujet de sa cryptomonnaie XRP depuis maintenant plusieurs mois. Une procédure mise en place par la Security and Exchange Commission (SEC) américaine. Et qui fait l’objet de nombreux rebondissements successifs et pirouettes de la part de ses dirigeants. La dernière en date se résumant à appeler une quinzaine d’exchanges extérieurs aux États-Unis à la rescousse. Cela afin de permettre de justifier d’une quantité importante de ventes de XRP hors de la juridiction impliquée. Les plateformes concernées doivent être enchantées…

Inutile de réinventer la roue

Car le marché des cryptomonnaies reste très récent. Et les spécificités qu’il impose à l’économie traditionnelle laissent penser qu’il est nécessaire de créer un nouveau cadre juridique pour les y enfermer. Une procédure classique qui consiste la plupart du temps à entasser des réglementations successives les unes sur les autres. Cela sans chercher à savoir si les outils actuels ne sont pas tout simplement déjà suffisants.

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Le tout alimenté par de nombreuses déclarations de hauts responsables, comme la secrétaire au Trésor Janet Yellen. Cette dernière jugeant que le cadre actuel n’est « pas à la hauteur ». Ou encore le président de la SEC Gary Gensler qui déplore un « manque de protection contre la fraude ». Cela en raison de ce qu’il présente comme une absence de contrôle effectif sur ce marché. Le tout avec en toile de fond cette idée persistante qui consiste à envisager une interdiction pure et simple des cryptomonnaies. Un constat qui n’a rien de démagogique ou de paranoïaque. Car il émane de deux anciens membres des instances de régulation américains.

« La clé de voûte de cette approche est d’identifier les fonctions qu’un nouveau produit ou processus remplit. Nous devrions regarder au-delà des étiquettes superficielles et nous demander comment un jeton, un portefeuille numérique, une cryptomonnaie ou un exchange est utilisé. Et avec quel instrument ou processus existant cette nouvelle technologie est en concurrence, lequel elle complète ou vise à remplacer. Puis appliquer la réglementation en conséquence. » – Jay Clayton et Brent McIntosh

Ne pas menacer l’innovation

Une affirmation tirée d’un récent article publié par l’ancien président de la SEC Jay Clayton et l’ancien sous-secrétaire du Trésor pour les affaires internationales Brent McIntosh. Et dont le titre permet de connaître tout de suite quel en sera le contenu : « La crypto a besoin d’une réglementation, mais elle n’a pas besoin de nouvelles règles. » Un questionnement qui ne connaît pas de frontières. Et une prise en compte qui nécessite de se débarrasser des a priori pour tenter l’inclusion plutôt que de promouvoir l’exclusion.

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Une volonté dont le but affiché dans cet article est de ne pas devenir un frein à l’innovation. Cela en « appliquant la bonne interprétation des lois et une stratégie d’analogie juridique ». Car le risque de la mise en place de nouvelles règles est une surréglementation nuisible et impossible à appliquer réellement. Alors que tout est déjà à disposition pour couvrir l’ensemble des activités liées aux cryptomonnaies. Mais avec ce petit supplément d’imagination et d’adaptabilité qui n’est pas réellement la principale force des acteurs du domaine.

Une argumentation en 3 points

Ce qui pousse Jay Clayton et Brent McIntosh à définir trois points qu’ils jugent essentiels pour mettre cette stratégie en place. Et en premier lieu, le fait que les régulateurs doivent impérativement définir les limites de leurs compétences. Cela afin d’éviter les conflits idéologiques ou les failles législatives. Car ce dont a réellement besoin le marché des cryptomonnaies c’est d’une clarté juridique à laquelle se rattacher.

Une exigence de simplification qui est au centre du point suivant. Et qui selon les auteurs nécessite de poser une définition exacte et nationale des obligations légales inhérentes aux activités en relation aux cryptomonnaies. Cela pour que les entreprises du secteur puissent opérer sur le territoire américain – ou ailleurs – en connaissance de cause.

Et enfin le troisième point aborde la question très sensible des stablecoins face à la mise en place des monnaies numériques de banques centrales (CBDC). Un domaine qui nécessite de faire preuve d’honnêteté. Et qui doit prendre en compte l’efficacité effective de ces cryptomonnaies adossées au dollar. Cela afin de choisir entre le lancement d’un dollar numérique ou la prise en compte effective de ces moyens de paiement numériques déjà en place.

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Car tout aussi indépendant et décentralisé qu’il soit, le marché des cryptomonnaies ne pourra pas fonctionner éternellement dans cette zone grise où il se trouve actuellement. Cela face à des législations nationales souvent hermétiques au changement, mais néanmoins soucieuses de contrôle. La question est de savoir s’il sera possible de trouver un point d’équilibre entre ces deux aspirations qui semblent décidément bien opposées. Car une interdiction des cryptomonnaies est tout simplement impossible à mettre en place. Ce qui promet donc encore quelques belles batailles politico-juridiques à venir…

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