Eric Woerth – Défiscaliser les plus-values cryptos sous certaines conditions
15 juin 2021 - 16:58
Temps de lecture : 4 minutes
Par Hugh B.
Ce qui est intéressant dans le domaine des cryptomonnaies c’est qu’il est réellement difficile de s’y ennuyer. Car même lorsque le marché semble à la sieste estivale, de nouvelles annonces en font frémir la communauté d’investisseurs. Et c’est ce qui vient de se passer en France. Cela avec la récente proposition d’un amendement effectuée par le président de la commission des Finances Eric Woerth. Et au programme (enfin) autre chose que les sempiternels amalgames entre cryptomonnaies et terrorisme. Serait-ce l’annonce d’un changement de cap ?
Il ne fait aucun doute que le marché des cryptomonnaies s’impose de plus en plus dans le paysage économique et financier actuel. Et le terme n’est pas choisi au hasard, car cela ressemble plus à une entrée frauduleuse effectuée par la porte de service qu’autre chose. Mais avec cette détermination qui fait que même le plus vigoureux des vigiles ne peut plus rien faire contre cette évolution aussi insaisissable qu’effective. Et que le carré VIP semble se rapprocher au même rythme que les milliards de dollars affluent.
Une réalité qui fait progressivement passer le Bitcoin et ses nombreux altcolytes (altcoins + acolytes) du camp des criminels en culotte courte à celui des prochains acteurs de ce monde. Ce qui semble inspirer des législations moins agressives à l’égard de ce qui pourrait devenir le nouveau paradigme financier et monétaire. Le tout avec l’aide d’annonces historiques. Comme celle du Salvador qui vient de faire du BTC l’une de ses deux monnaies légales. Et un changement de traitement assez significatif de la part de certains membres de l’administration française.
Défiscaliser les plus-values cryptos ?
Cela ressemblait tout d’abord à une fake news. Surtout lorsqu’on connaît le genre de positions qu’aime à entretenir le gouvernement français avec le Bitcoin et les cryptomonnaies. Une sorte de déni vieillissant, teinté de cette technique très actuelle de ranger tout ce qui pose problème dans la case du terrorisme. Une politique du fourre-tout démagogique qui ne semble pas s’embarrasser d’une quelconque honnêteté intellectuelle. Mais que l’appât du gain et la peur de finir par rater quelque chose pourraient bien faire changer de direction.
Car à la surprise générale, l’actuel président de la commission des Finances Eric Woerth viendrait de déposer un amendement (n°417) à destination des plus-values réalisées dans le domaine des « crypto-actifs. » Ce qui revient à parler des cryptomonnaies, mais avec cette volonté de ne surtout pas les aborder en parlant de « monnaies ». Une actualité qui intervient dans le cadre de la discussion autour du projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui s’est tenue 11 juin dernier. Dans le viseur : une possible défiscalisation des plus-values réalisées, mais cela sous certaines conditions précises.
« Il s’agit d’un amendement d’appel sur les crypto-actifs, lesquels représentent beaucoup d’argent et de plus-values. Depuis la loi PACTE, et après le rapport d’information que nous avons rédigé avec Pierre Person sur les monnaies virtuelles, la fiscalité des crypto-actifs a été neutralisée au sein de la sphère qui leur est réservée. Lorsque l’on sort de cette sphère pour transformer les crypto-actifs en monnaie sonnante et trébuchante, alors le régime d’imposition des plus-values s’applique. » – Eric Woerth
Réinvestir ses plus-values dans l’économie réelle
Pas la peine de faire durer le suspens plus longtemps, cet amendement a presque immédiatement été retiré. Mais il marque un tournant dans la gestion que peut avoir le gouvernement français à l’égard des cryptomonnaies. Cela principalement dans la prise en compte de ce qu’Eric Woerth présente comme une accumulation de « tant d’argent dans les crypto-actifs, sans que celui-ci profite directement à l’économie réelle. »
« On pourrait imaginer – bien entendu, dans le cadre d’un dispositif précis et selon des critères rigoureux – que les crypto-actifs convertis en monnaie réelle puissent, dans certains cas, lorsque l’argent est investi dans l’économie réelle ou dans le domaine culturel – je pense aux sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, ou au secteur du patrimoine – bénéficier d’une défiscalisation, d’une neutralisation de la fiscalité, au même titre que les investissements en euros dans ces mêmes domaines. » – Eric Woerth
Car l’objectif est là, faire de cet amas de richesses virtuelles une source d’investissement pour une économie traditionnelle présentée comme locale, concrète et pourquoi pas culturelle. Avec un parallèle assez saisissant qui place dans le cas présent la défiscalisation de ces fonds issus des cryptomonnaies « au même titre que les investissements en euros dans ces mêmes domaines« . Une association entre euro et cryptomonnaies qui pour le coup n’a rien d’habituel en des termes aussi cordiaux.
Un accueil plutôt favorable
Une question qui n’a visiblement pas été rejetée sans attirer auparavant l’attention de certains membres présents lors de cet événement. Et qui a vu le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin, se positionner plutôt favorablement sur le sujet. Avec comme objectif de « faire de l’investissement dans les crypto-actifs un investissement dans l’économie réelle dans un premier temps, et un investissement productif dans un second temps ». Cela sans oublier le ministre délégué Olivier Dussopt qui a quant à lui souligné que ces crypto-actifs ne devraient pas être « soumis deux fois à l’impôt ». Peut-être la meilleure suggestion dans le cas présent !
Il n’en reste pas moins que ces positions semblent en accord sur le fait de considérer que ces plus-values proviennent d’un marché dont la seule véritable valeur existe une fois qu’elle en sort. Et que le fait d’en réinvestir les bénéfices dans une économie plus traditionnelle serait un bon moyen de donner une véritable utilité à tout cela. Ce qui laisse penser que le chemin va encore être long pour faire des cryptomonnaies un véritable domaine économique reconnu en tant que tel. Mais au moins la question est cette fois abordée avec ce qui semble être une véritable volonté de conciliation.
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