MiCA vs NFT – Nouvelle pirouette réglementaire pour assimiler les NFTs à des titres financiers

22 septembre 2022 - 09:30

Temps de lecture : 3 minutes

Par Hugh B.

Il semble décidément plus facile de chasser les ours (bear) que les taureaux (bull). Car la période de tir à vue est très clairement lancée. Et cela en pleine période de baisse sur le marché des cryptomonnaies. Avec, du « bon » côté du viseur, les instances de régulation en train de pratiquer la politique de la terre numérique brulée. Et un territoire européen dans les starting-blocks pour devenir, encore une fois, la pire zone du monde où s’installer pour participer à cette innovation en marche. Dernier exemple en date, le traitement des collections de NFT, comme les Bored Ape Yacht Club, dont la « non-fongibilité » est remise en question dans le cadre du projet de loi MiCA.

Les multiples tentatives de réglementation du secteur des cryptomonnaies se heurtent bien souvent à l’ignorance (ou la mauvaise volonté) des responsables de ces textes. Il suffit de voir comment ces derniers tentent de barrer la route au Bitcoin, en attaquant son système Proof of Work (PoW). Cela pour des raisons écologiques à peine chiffrées et documentées. Et alors que cette industrie est déjà composée à plus de 60% d’énergies renouvelables. Mais peu importe, car le but évident est d’empêcher, pas de comprendre…

Une démarche agressive à laquelle semblaient réussir à échapper les jetons NFT. Car leur caractère non fongible en fait des cryptomonnaies à part, avec un aspect unique bien différent de simples outils financiers. C’était en tout cas la tendance jusqu’à présent, agrémentée d’une bonne dose de vide juridique. Mais le projet de loi européen MiCA est passé par là. Et selon sa définition officielle, « la seule attribution d’un identifiant unique à un crypto-actif n’est pas suffisante pour le qualifier d’unique ou non fongible« . C’est-à-dire ?

MiCA vs NFT – Les jetons non-non-fongibles ?

Avant d’aller plus loin, il semble important de préciser un point précis. Car, malgré les apparences, la question n’est pas de savoir si les NFTs sont des titres financiers. Mais bien plus de chercher le moyen de permettre aux instances de régulation de les intégrer à leur champ de compétence actuel. Quitte à tordre la réalité à leur avantage, sans se soucier du ridicule ou des incohérences que cela engendre inévitablement.

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Et c’est très exactement ce qui se passe dans le cas présent. Avec un projet de loi MiCa qui affirme que la non-fongibilité des collections de NFTs, comme les emblématiques Bored Ape Yacht Club, n’est pas aussi évidente qu’il y paraît. Et cela même si ces dernières comportent bien plusieurs milliers d’exemplaires aux raretés aléatoires. Un principe conférant à chacun d’entre eux un caractère indéniablement unique. Mais peu importe, car « l’émission de crypto-actifs en tant que jetons non fongibles dans une grande série ou collection doit être considérée comme un indicateur de leur fongibilité. »

« La seule attribution d’un identifiant unique à un crypto-actif n’est pas suffisante pour le qualifier d’unique ou non fongible. Les actifs ou droits représentés doivent également être uniques et non fongibles pour que le crypto-actif soit considéré comme unique et non fongible. »

MiCA

NFT – Une « part fongible de l’ensemble d’un projet »

La non-fongibilité des collections de NFTs ne serait donc qu’une simple mascarade pour tenter de cacher des titres financiers. Ou plus sûrement une spécificité du secteur des cryptomonnaies pour le moment exclue du champ d’application réglementaire de l’Union Européenne. Raison pour laquelle les responsables du projet de loi MiCa semblent – volontairement ? – oublier les caractères « uniques » et « utilitaires » qui leur permettaient jusque là de passer sous leurs radars. Mais avec un floor price tout juste sous les 77 ETH (environ 100 000$), cela ne pouvait pas durer !

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Un constat réalisé par Brian Fyre, professeur de droit à l’Université du Kentucky. Et ce dernier ne mâche pas ses mots, vis-à-vis de la volonté du projet de loi MiCA en (dé)faveur des jetons NFT. Car, selon lui, le but des instances européennes est d’inciter ses homologues, comme la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis, à « considérer les grands projets PFP (Profil Picture Projects) comme des valeurs mobilières, à des fins réglementaires. »

« Ce qu’ils disent, c’est que lorsque vous vendez une collection de 10 000 NFTs, ce que vous vendez en réalité, ce sont des parts du projet dans son ensemble. En d’autres termes, chaque NFT n’est fonctionnellement qu’une part fongible de la valeur de l’ensemble du projet. »

Brian Fyre

Les membres du projet de loi MiCA viennent donc officiellement d’inventer les « jetons non-non-fongibles« . Et, comme par magie, ces derniers semblent entrer parfaitement dans le costume de clown réglementaire cousu à leur attention. Une pirouette sémantique qui prête à sourire. Mais dont les conséquences pourraient bien être problématiques en cas de mise en pratique effective de ce texte de loi. Car cela ferait de leurs détenteurs non pas des collectionneurs de BAYC, mais de simples investisseurs du projet initié par la structure Yuga Labs. Et leurs jetons NFTs ne seraient donc que des titres financiers émis par cette dernière…

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