La SEC US, décidée à s’imposer comme le régulateur de l’industrie crypto, poursuit en justice Gemini et Genesis

Avec un sens du timing qui interroge, la Securities and Exchange Commission (SEC) des Etats-Unis a décidé de poursuivre Gemini et Genesis pour violation des lois sur les valeurs mobilières. En ligne de mire : le produit Earn proposé par l’exchange US et alimenté par la division de prêt du second. Un malheur de plus pour les deux sociétés, en sérieux contentieux ces dernières semaines.

14 janvier 2023 - 13:10

Temps de lecture : 3 minutes

Dans un communiqué en date du 12 janvier, la SEC annonce avoir porté plainte contre Gemini et Genesis. Le motif invoqué par le gendarme boursier américain : les deux entités auraient vendu des titres non enregistrés à des investisseurs particuliers dans le cadre du programme Earn de la plateforme crypto.

Le produit Earn de Gemini/Genesis dans le collimateur de la SEC

Les produits crypto à haut rendement n’ont jamais vraiment eu bonne presse auprès des instances de régulation aux Etats-Unis. Toutes les sociétés les proposant (BlockFi, Nexo, Celsius et même Coinbase) ont eu maille à partir avec les autorités locales. Avec souvent une issue fatale pour l’offre, quand ce ne sont pas les émetteurs eux-mêmes qui ont mis la clé sous la porte (mais ceci est un autre sujet).

A cet égard, Gemini n’avait pas non plus échappé à la vigilance de la SEC, mais dans le cadre d’un dialogue a priori plutôt affable. Aujourd’hui, et alors que l’échange des frères Winklevoss connaît des jours difficiles, la SEC a décidé de passer à la vitesse supérieure en lançant une action en justice pour levée de fonds illégale. Indélicatesse dont elle serait plutôt coutumière : elle en aurait informé la presse avant de le notifier aux parties concernées.

Grâce à cette offre non enregistrée, Genesis et Gemini ont levé des milliards de dollars en cryptos auprès de centaines de milliers d’investisseurs. 

Communiqué de la SEC

A l’appui de sa plainte, l’agence fédérale prend bien soin de rappeler le mécanisme de fonctionnement du produit Earn de Gemini lancé début 2021, au moment où la hype crypto battait son plein.

Nature de la plainte de la SEC contre Gemini et Genesis

Consécutif à un accord entre l’exchange et Genesis Global Capital, le premier prêtait au second les actifs de ses clients placés sur le Earn pour leur permettre de percevoir des intérêts rémunérateurs pouvant grimper jusqu’à 8%.

La SEC considère alors que Gemini a joué le rôle d' »agent pour faciliter les transactions » en se rétribuant au passage, jusqu’à 4,29% des versements opérés par Genesis à ses utilisateurs. Quant à ce dernier, il utilisait à son gré les cryptos des investisseurs pour générer des revenus, et payer notamment les participants du programme Earn. De fait, la conclusion de la SEC est sans appel.

Nous alléguons que Genesis et Gemini ont offert des titres non enregistrés au public, en contournant les exigences de divulgation conçues pour protéger les investisseurs.

Gary Gensler, président de la SEC, in Communiqué

Réaction « contre-productive » du gendarme US

Une réaction qui peut sembler un peu tardive alors que l’instance de régulation aurait pu intervenir bien avant que les investisseurs soient véritablement lésés. Mais il semblerait, selon un ancien avocat de la SEC, qu’en s’emparant judiciairement de ce lourd dossier dans le climat tendu actuel, elle veuille s’imposer comme le principal régulateur de l’industrie crypto. Surtout, elle chercherait à redorer son blason après avoir été la cible de critiques l’accusant de passivité, sinon de complicité, devenant de fait en grande partie responsable du chaos actuel dans l’industrie crypto.

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Car, en effet, c’est une affaire qui semblait rouler jusqu’à l’effondrement de FTX. Genesis, exposé à la plateforme défaillante, a alors bloqué ses rachats, obligeant par conséquent Gemini  a gelé à son tour les retraits sur Earn. Une situation qui dure et qui a donné lieu à une sévère semonce publique de la part de Cameron Wincklevoss à l’encontre de Barry Gilbert, le PDG du Digital Currency Group (DGC), société mère de Genesis.

A ce jour, Genesis doit plus de 1,8 milliard de dollars à ses créanciers, un chiffre réévalué à 3 milliards de dollars selon le Financial Times, dont 900 millions de dollars aux 340 000 clients du Gemini Earn.

Tyler Winklevoss a rapidement dégainé sur Twitter, en dénonçant le comportement « contre-productif » de la SEC, rappelant également que le produit ciblé a été réglementé par le New York State Department of Financial Services.

Il est décevant que la SEC choisisse d’intenter une action aujourd’hui car Gemini et d’autres créanciers travaillent d’arrache-pied pour récupérer les fonds. Cette action ne fait rien pour poursuivre nos efforts et aider les utilisateurs de Earn à récupérer leurs actifs.

La plainte de la SEC, déposée auprès du tribunal de district américain du district sud de New York, « demande une injonction permanente, un remboursement des gains mal acquis majorés des intérêts avant jugement et des sanctions civiles ». Parallèlement, tout à sa nouvelle stratégie offensive, l’instance enquêterait sur les interactions financières au sein de DGC.

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