La Banque centrale européenne se penche sur le berceau d’un euro numérique
06 octobre 2020 - 09:34
Temps de lecture : 4 minutes
Par Hugh B.
Il semble que les choses soient en train de se préciser dans le domaine de l’euro numérique. C’est en tout cas ce que laisse penser un récent rapport publié par la Banque centrale européenne en charge du dossier. Une mise au point théorique et très détaillée qui donne les grandes lignes de ce à quoi pourra ressembler cette monnaie numérique de type CBDC. Et qui précise également ce qu’elle ne sera pas !
L’Europe n’est pas exactement à la pointe dans le domaine des monnaies numériques de Banques centrales (CBDC). Mais la question semble commencer à nécessiter quelques éclaircissements en haut lieu. Cependant, le chemin vers la nouveauté trouve toujours des trajectoires particulières sur le vieux continent. Et toute innovation se transforme inévitablement en un parcours du combattant dont le point de départ se résume à toujours plus de régulation.
Une réalité qui a donné naissance à un récent et copieux rapport sur le sujet, publié par la Banque centrale européenne (BCE). Une nouvelle étape dans cette guerre monétaire en cours et pour le moment très clairement menée par la Chine et son yuan version 2.0.
L’euro numérique de la BCE
Ce document de plus de 50 pages semble donner plus d’indications sur le caractère bureaucratique de cette affaire que sur sa mise en place effective. Une sorte de mode d’emploi sous la forme de 10 commandements édités par la banque des Banques centrales. Dieu le père dans le domaine !
Et malgré le caractère volumineux du rapport ainsi présenté, aucune date précise de lancement officiel n’a trouvé la place de s’y glisser. Ni même la forme effective que prendra cet euro numérique. Il présente cependant 7 scénarios différents, qui ressemblent plus à une succession de films catastrophes qu’à une véritable motivation de développement. Cette dernière pouvant se résumer à une mise en place induite par la force des choses.
« De nombreuses banques centrales étrangères évaluent la possibilité d’émettre leur propre CBDC, qui pourrait être mise à la disposition des citoyens européens. Cela pourrait entraîner une substitution de devises ainsi qu’une augmentation du risque de change dans l’économie de la zone euro. Deuxièmement, des acteurs privés (…) développent des solutions de paiement non libellées en euros (de type stablecoins, ndlr) qui pourraient devenir largement utilisées pour les paiements de détail européens. » – Rapport de la BCE
Tout cela donnant une indication claire sur ce que ne sera pas cet euro numérique. Et en premier lieu l’absence totale de volonté de la BCE de s’inscrire dans un développement qui pourrait permettre de positionner l’Europe en leader de ce marché émergeant. Mais est-ce une si mauvaise chose ?
Une monnaie numérique réglementaire
Selon les récentes déclarations de Christine Lagarde, le but de cet euro numérique n’est pas de remplacer le cash pour le moment. Une réalité confirmée lorsque le rapport énumère les risques potentiels liés à son déploiement. En particulier dans le domaine de la stabilité économique et de la gestion de ses effets sur la politique monétaire.
Cela passe plus particulièrement par une volonté d’en limiter l’utilisation dans le cadre d’investissements et de transferts bancaires importants. Mais également de se conformer aux normes réglementaires, même dans le cas où il bénéficie d’une exemption, « sauf s’il est clairement dans l’intérêt public de ne pas le faire. » Une douce ironie dans le domaine de l’anonymat qui est abordé plus bas. Le tout permettant une utilisation hors de la zone euro, tout en restant résistant aux cybermenaces.
Au final, le rapport présente un euro numérique qui pourrait prendre deux formes distinctes. Ces dernières étant présentées comme compatibles et satisfaisantes au regard des scénarios proposés. Le tout divisé entre une offre online et une autre de type offline. Pourquoi se limiter !
L’euro numérique version offline
Il s’agit ici d’un système permettant de réaliser des paiements en euro numérique sans être relié à un réseau de type Internet et/ou sans intervention d’un tiers. Une formule qui pourrait dans les faits permettre de répondre en partie aux risques de fracture numérique que ce type d’outil monétaire pourrait impliquer. Mais également une option qui pourrait permettre de conserver l’anonymat de son utilisateur.
« Les transactions numériques en euros hors ligne seraient en principe anonymes (…). En outre, des limites de son utilisation, y compris en ce qui concerne sa fonction d’anonymat potentiel, devraient être garanties en des contraintes techniques appropriées dans le dispositif de paiement. » – Rapport de la BCE
Une option qui est plus un problème qu’un avantage au regard de la BCE. Et qui est tout simplement balayée quelques pages plus loin, lorsque le sujet du terrorisme est avancé. Les réglementations européennes de type AMLD5 ne permettant pas ce genre de « service. »
L’euro numérique version online
Pour la partie concernant les paiements en ligne, l’anonymat n’est de toute manière plus de la partie. De toute façon, le rapport précise que cette option reste très relative, même dans le cadre de l’offre offline. Cela puisque « tout euro numérique destiné à une utilisation hors ligne devrait être géré en ligne à un moment donné. »
« Le deuxième type d’euro numérique peut être utilisé en ligne et rémunéré à un taux qui varie dans le temps. La rémunération serait un outil puissant pour les applications de politique monétaire et aussi pour limiter les transferts de la monnaie privée vers l’euro numérique. » – Rapport de la BCE
Un développement qui ressemble à une tentative de mise en place d’un système verrouillé rendant plus complexe le transfert vers une monnaie privée de type Libra ou stablecoins. Même si cela « pourrait interférer avec la transmission de la politique monétaire. »
Ce rapport de la Banque centrale européenne tente donc de poser les bases de ce que pourrait être l’euro numérique. Une monnaie sous contrôle n’offrant aucun anonymat ni aucune forme de respect de la vie privée. Cela sous couvert d’une sécurité qui ressemble toujours un peu plus à une perte de liberté.
Un paysage au sein duquel les cryptomonnaies pourraient rencontrer une large adoption. Cela sous l’impulsion d’une numérisation monétaire en marche qui en ferait la version indépendante et autonome de cet univers en plein bouleversement.
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