Les ministres des Finances de l’UE se penchent sur l’euro numérique

La banque centrale européenne (BCE) s’est lancée depuis quelques années dans un vaste chantier de numérisation de sa monnaie fiduciaire avec le projet de création d’un euro numérique. A cet égard, l’Eurogroupe, qui réunit les différents ministres des finances des États membres de l’UE, échangeraient régulièrement sur les dimensions politiques de cet objet monétaire à venir. Dans un communiqué en date du 16 janvier, le groupe livre ses dernières réflexions.

17 janvier 2023 - 13:28

Temps de lecture : 3 minutes

Les argentiers de l’UE se penchent enfin sur l’euro numérique et livrent leurs observations sur ce possible futur monétaire. Au programme : confidentialité, complémentarité et compatibilité avec les formes existantes de la monnaie européenne, mais également stabilité et enjeu démocratique.

L’euro numérique, un défi démocratique ?

Pour bien comprendre ce qui se joue, il faut avoir en tête que l’euro numérique est pour le moment entre les mains de la BCE qui raisonne de façon exclusivement monétaire, avec comme objectif  » de préserver le rôle de la monnaie publique comme point d’ancrage monétaire du système de paiement » selon un rapport maison publié en juillet 2022. Un aspect fort bien mis en avant dans cet article de Grand Continent pour qui s’intéresse de près au sujet.

Or, il est bien évident que cette version 2.0 de l’euro pose nombre de questions, notamment en termes de garanties démocratiques. Aussi, sachant que l’euro numérique ne pourra pas s’imposer sans le consentement des citoyens de l’UE, les ministres réunis veulent le faire entrer dans le champ du politique.

Pour réussir, un euro numérique doit être un projet européen commun et inclusif, soutenu par les citoyens européens et construit sur une base démocratique solide. (…) L’Eurogroupe considère que l’introduction d’un euro numérique ainsi que ses principales caractéristiques et choix de conception nécessitent des décisions politiques qui doivent être discutées et prises au niveau politique.

Déclaration de l’Eurogroupe sur le projet d’euro numérique

De fait, le groupe défend diverses orientations quant à sa conception d’une monnaie de banque centrale (MNBC).

Caractéristiques primordiales d’un euro numérique pour les argentiers de l’UE

L’idée première, émise également par la BCE, est que l’euro numérique vienne en complément, et non en remplacement des espèces. Il doit bien sûr répondre à des règles de bon sens en étant « facile et pratique à utiliser et largement accessible au public, y compris en termes de coûts« , et se conformer aux nouvelles exigences environnementales dans sa conception.

Il doit également, selon l’Eurogroupe, garantir « un niveau élevé de confidentialité », un pari qui, en l’état actuel des choses est loin d’être gagné, si on se fie au souhait de la BCE qui a affirmé que « l’anonymat de l’utilisateur n’est pas une caractéristique souhaitable« . Mais de toutes façons, même si le choix de l’infrastructure sous-jacente à l’euro 2.0 reste indéterminé, sa traçabilité sera totale. Pas nécessairement nominative, mais forcément pseudonyme dans la mesure où l’enchaînement technologique fera le lien entre l’identité du porteur de la monnaie et le support permettant de transférer la dite monnaie pour opérer le règlement.

Régulation

Pas sûr que l'euro numérique préserve la confidentialité des transactions...

Nathalie E. - 04 Mai 2022 - 18:58

L’euro numérique est toujours en phase préparatoire mais le projet [...]

Lire la suite >>
<
/a>

D’ailleurs, c’est un point de vue que semblent partager les argentiers de l’UE car, sous couvert d’une expression plutôt floue, ils défendent une approche distincte selon la nature des transactions dans le but de prévenir le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et autres dérives. Pour garantir une adoption plus large de l’euro numérique parmi les citoyens ayant une préférence marquée pour la confidentialité, ils soutiennent néanmoins « l’exploration d’une fonctionnalité hors ligne » pour servir un large éventail de cas d’utilisation et favoriser l’inclusion financière.

Imposer l’euro numérique dans le débat public

Dans le reste des priorités énoncées, interviennent la nécessité de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro et de favoriser l’interopérabilité avec les autres MNDB, en préparation dans de nombreux pays. Autre point saillant : l’euro numérique doit être convertible à parité avec d’autres formes d’euro (billets de banque et dépôts des banques commerciales) et à ce titre ne peut pas, de leur point de vue, être une monnaie programmable.

Ce dernier aspect est essentiel car un euro numérique programmable viendrait encore plus piétiner les libertés individuelles en accentuant les contrôles. Par exemple, les paiements relatifs à des allocations en monnaie numérique seraient uniquement conditionnés à l’objectif de l’aide (allocations de rentrée scolaire pour les fournitures exclusivement, aide au logement pour le loyer et rien d’autres…). Cette programmation pourrait même, comme déjà envisagé, être utilisée pour émettre de la monnaie dite « fondante ». Autrement dit, livraison avec une date d’expiration, au-delà de laquelle la monnaie ne serait plus utilisable. Plus vraisemblablement, les solutions envisagées aujourd’hui sont plutôt de l’ordre de la limitation pour favoriser l’euro numérique en tant que moyen de paiement, et non de réserve de valeur.

Stablecoins et MNBC

L'euro numérique entre limitations et plafonnement

Nathalie E. - 08 Nov 2022 - 13:57

L’euro numérique, qui indiffère pour le moment la majorité des [...]

Lire la suite >>

Sortir l’euro numérique de sa dimension purement technique est une nécessité. L’implication d’acteurs se situant en dehors du cercle restreint de la BCE est donc plutôt une bonne nouvelle, avec une probabilité que les citoyens européens se sentent un peu plus concernés par le devenir monétaire qui leur pend au nez. Envisagé à l’horizon 2024-2026, il serait temps que l’euro numérique devienne un enjeu de débat public.

Recevez le top 3 de l'actualité crypto chaque dimanche