Stablecoin vs Bitcoin – Vaut-il mieux être stable ou décentralisé ?
10 juillet 2020 - 10:00
Temps de lecture : 5 minutes
Par Hugh B.
Les cryptomonnaies stables sont à la mode actuellement. Cela grâce à la belle campagne de communication anti monnaies FIAT instaurée par la crise économique actuelle et la gestion planche à billet des Banques centrales. Il est vrai que la nécessité existe. En particulier du fait qu’aucune monnaie numérique de type CBDC n’a encore vu le jour. Mais à quel prix la stabilité est-elle importante dans un univers décentralisé ?
La question qui pourrait permettre de débuter cet article est simple. Est-il censé de chercher à développer des stablecoins au sein d’un univers aussi volatile que celui des cryptomonnaies ? La réponse est bien évidemment affirmative, ne serait-ce que pour pouvoir mettre ses fonds à l’abri entre deux trades. De nombreuses solutions existent dans le domaine, offrant des services similaires, mais de façon tout à fait différente.
Le domaine est en pleine explosion actuellement et dépasse maintenant très largement le cadre du simple trading. Une réalité qui inquiète les instances de régulation monétaire y voyant de sérieux concurrents à leurs monnaies de Banques centrales (CBDC) qui peinent à se numériser. Et cette utilisation en pleine mutation des jetons comme le Tether (USDT) pousse à se poser des questions à la hauteur de ces changements.
L’USDT de Tether contrôle vos fonds
Lorsqu’il est question de stablecoins, le Tether (USDT) pointe en tête de classement. Il est le premier de la liste de ces monnaies numériques stables, mais il est également en 3e position du classement des crypromonnaies par capitalisation avec une valeur affichée de plus de 9,2 milliards de dollars. Une réalité qui ne cesse de soulever la question de sa solvabilité effective. Cela en relation à sa présupposée relation de 1:1 au dollar USD.
Il faut bien noter que ce dernier n’est pas décentralisé, comme cela est le cas pour le DAI par exemple. La société derrière Tether contrôle son approvisionnement et peut en geler les comptes à sa guise. Une option utilisée dans le cas de manoeuvres frauduleuses ou d’erreurs éventuelles, mais qui démontre que les fonds détenus en USDT n’appartiennent pas totalement à leurs détenteurs. Ce qui pose un sérieux problème dans l’univers des cryptomonnaies.
Une information exposée dans un récent tweet publié par Eric Wall, CIO chez Arcane Assets. Il démontre que le Tether a bloqué l’équivalent de 5,5 millions de dollars depuis le début de l’année sur une totalité de 22 comptes gelés. Ce qui porterait cette ardoise à 46 millions d’USDT bloqués de cette manière en totalité.
L’USDC émet une liste noire
Pendant ce temps, l’USDC de la société Circle et de la plateforme Coinbase – geré par le consortium du nom de Centre – innove en créant un précédent qui inquiète dans la cryptosphère. En effet, la société émettrice du stablecoin vient de réaliser son premier classement sur liste noire d’une adresse détenant la modique somme de 100 000 USDC. Cela alors même que le nombre de ses jetons en circulation vient de dépasser le milliard d’unités il y a tout juste quelques jours.
Une information révélée cette semaine par le journal The Block qui soulève de nombreuses interrogations. En particulier du fait que ce blacklistage peut rendre ces fonds « totalement et définitivement irrécupérables, » selon les explications de Circle.
« Je ne pense pas que quelques transactions gelées rendront l’USDC inutilisable en tant que stablecoin (en particulier pour les traders), mais je crains que la normalisation de cette tendance ne crée un mauvais précédent. » – Kadan Stadelmann, directeur technique de Komodo
Cette action du consortium Centre semble répondre à une ordonnance légale dans le cadre d’une affaire de vol. Le propriétaire de cette adresse semblant être un malfaiteur connu pour ses activités illicites. Mais quoi qu’il en soit cela met en évidence que les fonds en USDC restent sous gestion de son émetteur et pas (totalement) de son propriétaire.
Le DAI pas si décentralisé
Le problème soulevé ici existe dans tous les cas de figure impliquant la liberté individuelle face à la volonté de contrôle présentée comme sécuritaire. Cela se développant bien souvent en parallèle d’une perte d’autonomie de l’individu. Et le système mis en place pour de « bonnes raisons » devenant ainsi disponible pour des actions bien plus discutables si cela est du goût de celui qui le gère.
Une question à laquelle la décentralisation apporte une réponse évidente, même si cela se fait au détriment d’une certaine sécurité. Mais après tout, il est juste question pour chacun de choisir ensuite ce qui a le plus d’importance à ses yeux dans le domaine. Même si les choses ne sont pas aussi simples.
Car dans l’univers des stablecoins décentralisés, le DAI de MakerDAO fait actuellement figure de leader. C’est d’ailleurs le fonds de commerce de son offre en pleine expansion. Le problème soulevé dans cette affaire est qu’il a récemment été mis en collatéralisation possible avec l’USDC. Une manière de gagner en stabilité dans son besoin de rester à 1:1 de parité au dollar USD. Mais à quel prix ?
Car cette relation entre les deux stablecoins pourrait représenter une véritable épine dans le pied de la Finance Décentralisée en pleine explosion actuellement. Une réalité qui a poussé Michael Anderson de la solution DeFi Framework Ventures à ne pas investir dans le DAI. Car selon lui, ces histoires démontrent clairement que « lorsque vous avez une entité centrale tout peut être arrêté, car ils peuvent geler ces actifs.»
Stabilité vs décentralisation
Cette question se pose la plupart du temps en termes d’utilité. Mais elle peut également faire l’objet d’une vision plus globale. Cela en rapport à l’esprit d’origine qui anime l’univers des cryptomonnaies et qui fait de l’indépendance le fondement même de sa technologie blockchain. Et dans le domaine, le Bitcoin reste l’option présentée comme la plus fiable, même si elle est résolument instable.
Car la mise en avant de ces problématiques liées aux stablecoins a fait ressurgir le spectre de cette centralisation qui n’offre qu’une sécurité relative. Cette dernière étant directement conditionnée au bon fonctionnement et à l’intégrité de l’entité dont elle dépend. Une problématique à laquelle le Bitcoin n’a pas besoin de faire face, car il avance envers et contre tout dans la direction que sa communauté lui donne.
Les stablecoins comme le Tether ou l’USDC ne sont après tout que des monnaies identiques à celles des gouvernements en place. Le DAI tente de sortir de cette réalité, mais son association à l’USDC et son lien avec la toute jeune DeFi en font plus un projet à surveiller qu’un outil à la fiabilité éprouvée. Il reste cependant à l’heure actuelle la solution la plus proche de ce que pourrait être une monnaie décentralisée. Un outil monétaire indépendant ne souffrant pas des mouvements incessants d’un Bitcoin devenu plus proche de la réserve de valeur que du moyen de paiement efficace.
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