Au Royaume-Uni, la promo sur les cryptos bientôt réservée à une frange « qualifiée »

20 janvier 2022 - 10:58

Temps de lecture : 3 minutes

Le Royaume-Uni ne rigole pas avec les cryptos. C’est pour lui un sujet à prurit depuis déjà quelques années. La dernière déclaration du ministre des Finances britannique, le chancelier de l’Echiquier en langage protocolaire, n’échappe pas à la règle.

Enfin si quand même, car pour la première fois à notre connaissance, une parole officielle so british reconnaît aux cryptomonnaies un certain nombre de mérites. Mais visiblement ces dernières doivent être réservées à une frange qualifiée d’investisseurs, et non à monsieur et madame tout-le-monde toujours aptes on le sait, à foncer tête baissée dans le lucre dès que miroite sous leurs yeux l’espoir de l’argent facile. Ce n’est pas comme si l’Etat les invitait régulièrement à gratter un ticket de loterie jusque dans leur smartphone. Là au moins, les choses sont claires : c’est perdu pour… perdu.

En revanche avec les cryptos, c’est plus ambivalent : il y a quand même des chances de gagner et même de gagner gros, donc tant qu’à faire, autant réserver cette probabilité à ceux qui savent, c’est à dire à ceux qui en ont, de l’argent, et qui maîtrisent a priori le fait d’en accumuler toujours plus.

Bon, on raille un peu le concept mais il y a quand même un fond de vérité dans cette orientation partagée aussi par d’autres juridictions comme l’Espagne ou Singapour qui veulent imposer une nouvelle législation sur la publicité cryptographique.

Inflation publicitaire sur les cryptos

Mais venons-en aux faits. Le redoutable régulateur britannique qui a plus d’une fois montré les crocs en 2021, notamment contre la plateforme d’échange Binance et en commettant un rapport sur l’ignorance supposée des investisseurs en cryptomonnaies, prévoit de renforcer les restrictions sur la publicité relative aux crypto-actifs.

Une initiative qui fait suite à une annonce gouvernementale où le chancelier Rishi Sunak a fait montre d’une confiance notable quant au potentiel des cryptomonnaies et d’une méfiance pas moins notable quant à la maturité de ses concitoyens.

« Les crypto-actifs peuvent offrir de nouvelles opportunités passionnantes, offrant aux gens de nouvelles façons d’effectuer des transactions et d’investir – mais il est important que les consommateurs ne se voient pas vendre des produits avec des allégations trompeuses. Nous veillons à la protection des consommateurs, tout en soutenant l’innovation sur le marché des actifs cryptographiques. »

Communiqué de presse du Trésor de Sa Majesté

Une préoccupation gouvernementale qui n’est pas sortie du chapeau par hasard. En effet, comme l’a rapporté  le quotidien populaire The Guardian plus tôt dans le mois, des brokers et des exchanges crypto ont bombardé les transports publics britanniques avec une série de publicités. A titre d’exemple, il en aurait recensé un total de 39 560 affichées sur les services de Transport for London entre avril et septembre 2021. Dit comme ça, ça fait effectivement beaucoup, mais comparativement, selon la même source, c’est moins que les budgets engagés dans la promo pour des casinos en ligne ou des paris sportifs.

Une promotion sur les crypto-actifs réservée à des investisseurs « qualifiés »

Quoi qu’il en soit, cette inflation publicitaire déplace le marketing crypto dans le champ d’application de la législation sur les promotions financières. Autrement dit, la réclame des actifs crypto doit répondre aux règles de la Financial Conduct Authority (FCA), conformément aux normes qui régissent la publicité pour les actions et les produits d’assurance. Ce nouveau classement aura pour conséquence de réserver la promotion de ces « produits » aux investisseurs fortunés et/ou qualifiés et d’exclure les incitations très répandues dans l’écosystème comme le parrainage d’un ami donnant lieu à des récompenses.

« Trop de gens sont amenés à investir dans des produits qu’ils ne comprennent pas et qui sont trop risqués pour eux. »

Sarah Pritchard, directrice executive des marchés de la FCA, in rapport du 19 janvier

Cette répression publicitaire appliquée aux cryptos n’est pas seulement britannique. Cette semaine, l’Autorité monétaire de Singapour (MAS) a également exigé des sociétés cryptos qu’elles cessent de faire la promotion de leurs produits auprès du grand public. Au même moment, la Commission nationale espagnole du marché des valeurs mobilières (CNMV) s’est montrée encore plus radicale en menaçant d’amendes, pouvant aller jusqu’à 300 000 euros, les annonceurs et influenceurs qui enfreindraient les nouvelles règles visant à protéger les consommateurs espagnols.

Une offensive des régulateurs à ne pas sous-estimer

Si cette offensive des régulateurs arrive à point pour tenter d’endiguer l’adoption des cryptomonnaies par une partie toujours plus croissante de la population, il ne s’agit pas non plus de minimiser l’existence de certaines publicités trompeuses et leurs effets délétères sur une frange de la population. Naïveté et cupidité ne font jamais bon ménage. On ne s’aventure jamais dans un écosystème aussi complexe que les cryptomonnaies sans s’éduquer un minimum au préalable. Il faut s’y engager pas à pas, en connaissance de cause. Les ressources aujourd’hui sont nombreuses et facilitent grandement l’apprentissage.

Néanmoins, cela n’enlève rien au fait qu’on observe une tentation régulatrice de plus en plus répandue à vouloir séparer cryptomonnaies et grand public. Une intention clairement formulée par l’autorité régulatrice hongkongaise et thaïlandaise qui ont émis le souhait de promulguer une loi faisant des cryptos une chasse gardée pour investisseurs déjà dotés de portefeuilles bien garnis. Face au tollé, le projet a été vite abandonné mais reste révélateur d’une tendance à ne pas sous-estimer.

Recevez le top 3 de l'actualité crypto chaque dimanche