Crise économique : les Libanais choisissent Bitcoin

26 février 2020 - 13:12

Temps de lecture : 3 minutes

Tandis que le pays s’enfonce dans une crise sans précédent depuis la guerre civile, les Libanais recourent de plus en plus au Bitcoin pour survivre au marasme.

Un effondrement du système

Dans un contexte où les banques sont en situation de quasi faillite, la population libanaise paye le prix fort. Limitation drastique des retraits en espèces, plafonnement des paiements par carte, transfert vers l’étranger presque impossible, distributeurs vides, tel est son quotidien.

Si le soulèvement populaire déclenché le 17 octobre a d’abord été porteur d’espoir pour des citoyens en quête de changement, face à des dirigeants perçus comme corrompus et incompétents, aujourd’hui, le désespoir a gagné. Le bras de fer entre la rue et le pouvoir s’est éternisé, tandis que les difficultés économiques n’ont fait que s’aggraver. De nombreuses entreprises ont été contraintes de mettre la clé sous la porte, entraînant des licenciements de masse, tandis que des employés ont vu leur salaire fondre de moitié.

L’inflation a doublé entre octobre et novembre tandis que la livre libanaise se dévalue un peu plus chaque jour. En décembre, les agences de notation Fitch et Moody’s ont dégradé la note souveraine du Liban de CCC à CC. Rappelant ce que la Grèce a connu en 2009, incapable de faire face à une dette massive par des réformes efficaces. Alors, l’enthousiasme des premiers jours a petit à petit cédé le terrain au désenchantement et à la débrouille. Et le Bitcoin est apparu comme un possible recours pour lutter contre l’incurie du système en place. Les recherches Google au Liban incluant le mot « Bitcoin » ou « Ether » ont atteint un pic ces dernières semaines.

Privée de services bancaires depuis plus d’une semaine (les agences, devenues des arènes de combat, ferment régulièrement), la population – du moins celle qui dispose encore d’un peu d’épargne – n’a pas d’autres choix que de se tourner vers les cryptomonnaies pour pouvoir disposer librement de son argent.

Bitcoin, le sauveur

D’autant que les autorités ont imposé des mesures de contrôle sur les capitaux, contraignant les clients à retirer leurs économies, non en dollars, mais en livres libanaises au taux de change officiel. Une dévaluation de 40% par rapport aux marchés parallèles selon Al Jazeera.

De fait, tout un marché s’est organisé autour des actifs numériques qui jusque-là, n’avaient pas les faveurs des Libanais. Outre leur volatilité peu attractive pour des résidents habitués à jongler entre la livre locale et le dollar américain pour tout type de transaction (loyer, crédit…), les restrictions d’achat imposées par les banques centrales et les dysfonctionnements récurrents d’Internet et de l’électricité en ont freiné l’adoption. Mais aujourd’hui qu’ils sont otages d’un système qui les asphyxie, ils recourent majoritairement aux applications de messagerie Viber ou WhatsApp – celle-là même qui avait déclenché la colère populaire quand le gouvernement avait voulu taxer les appels téléphoniques passés de la plateforme- plutôt qu’à des exchanges, pour acheter et vendre des cryptos. Un commerce lucratif pour certains traders qui n’hésitent pas à fixer des taux de commission élevés pour transférer des fonds hors frontières.

Jusqu’à très récemment, les banques libanaises apparaissaient comme l’un des rares secteurs d’excellence du pays, assurant la stabilité de l’économie. Le Liban étant même considéré comme la « Suisse du Moyen-Orient ». Se relèveront-elle de la grave crise de confiance, qu’elles traversent ? Comment ? A quel prix ? Nul ne le sait, mais cette situation catastrophique a au moins le mérite de témoigner de la véritable innovation introduite par le Bitcoin. Sa  nature décentralisée permet à la population d’échapper aux fourches caudines d’une autorité centrale. La monnaie est décidément une chose bien trop sérieuse pour être laissée aux mains de l’Etat…

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