France : Banque/Crypto, le fiasco continue

05 avril 2021 - 07:25

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Deux pays, deux visions. Alors que les institutions bancaires basées aux Etats-Unis expriment un intérêt de plus en plus manifeste pour Bitcoin et commencent à déployer une offre de services diversifiée pour permettre à leurs clients de s’exposer aux cryptomonnaies, en France, les choses vont mauvais train. Les banques s’arc-boutent sur des positions d’arrière-garde et ont, malgré les efforts de l’écosystème pour leur faire entendre raison et les conduire diligemment sur le chemin de l’avenir, décidé de rester sur le bord de la route à regarder passer le train de l’innovation.

Des banques françaises résolument allergiques aux cryptos

On savait déjà les banques françaises plutôt frileuses sur le sujet des cryptomonnaies. L’Association pour le Développement des Actifs Numériques (Adan) avait fait état des relations houleuses entre les acteurs de l’écosystème crypto français et le secteur bancaire dans un précédent rapport, datant d’octobre 2020. A partir du témoignage précis de 28 startups, le bilan était sombre. La moitié des répondants déclarait disposer d’un compte dans un autre Etat membre de l’Union européenne, ne pouvant accéder en France aux services bancaires les plus élémentaires.

Mais à l’époque, il existait encore quelques lueurs d’espoir. Espoir porté notamment par l’obligation, dès la fin de cette année-là, pour les entreprises fournissant des services de garde et d’achat/vente de cryptomonnaies d’obtenir le visa AMF (Autorité des marchés financiers). Un enregistrement réglementaire censé faciliter l’exercice de leur activité sur le territoire.

Nonobstant le fait que des retards ont laissé nombre de sociétés en attente avec des conséquences dommageables sur leur activité en partie ou complètement suspendue – la plateforme d’échange Paymium, acteur historique du marché crypto à l’échelle mondiale, vient tout juste d’obtenir son label -, on pouvait croire en un avenir meilleur. L’idée étant qu’avec un dispositif chapeauté par la puissance publique, les choses devaient en théorie entrer dans l’ordre, et les sociétés « labellisées » dans les bonnes grâces des banques. Et ce, d’autant que de solides discussions s’étaient engagées depuis juin 2020 entre des représentants de l’industrie crypto et la Fédération bancaire française (FBF) sous la houlette de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution). Le but : régler cette histoire d’accès aux comptes bancaires des prestataires de services d’actifs numériques (PSAN). 

Des efforts réduits à néant

Des discussions qui ont abouti à un compte-rendu plutôt équilibré selon l’appréciation de Simon Polrot, président de l’Adan mais qui, au dernier moment, n’a pas été validé par l’instance des banques françaises sous prétexte d’un cadre actuel incomplet. On se réfèrera opportunément à l’article de Charlie Perreau dans le JDN pour suivre le déroulé du fiasco.

Quoi qu’il en soit, la déception le dispute à l’indignation au sein de la cryptosphère française. Celle-ci se trouve une nouvelle fois désarçonnée face à une France qui semble s’engluer dans un conservatisme des plus délétères alors qu’elle est l’un des pays au monde qui réglemente déjà le plus sévèrement les prestataires de cryptoactifs. On marche sur la tête, l’absurde n’étant jamais loin. Ainsi, Simon Polrot narre l’épisode ubuesque d’une entreprise ayant obtenu le statut PSAN, et bénéficiant par là même d’un droit au compte renforcé, qui s’est vu clôturer son compte quand elle a reçu son enregistrement…

Dans ces conditions, et alors que France est en ce moment-même auditée par le GAFI dont elle est l’une des meilleurs élèves, on peut se demander comment il peut encore avoir dans cet hexagone si inhospitalier des sociétés crypto assez résistantes et téméraires pour braver l’impensable et poursuivre coûte que coûte leurs projets. Nombre d’autres sont parties développer leurs ambitions sous des cieux plus cléments. Difficile de les blâmer, la France décidément ne comprend rien. Pire, elle ne veut rien comprendre.

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