La pénurie de l’or valorise les atouts du Bitcoin
03 avril 2020 - 15:35
Temps de lecture : 4 minutes
Par Nathalie E.
L’or, valeur refuge historique, connaît de sérieux problèmes de logistique depuis que la crise sanitaire a provoqué le confinement de la moitié de la planète. Ces difficultés d’approvisionnement et la suspension d’activité dans nombre de raffineries vont-elles favoriser la migration des acheteurs vers le Bitcoin ?
Il est l’or…
Le phénomène est connu. En temps de crise, les investisseurs se jettent frénétiquement sur l’achat du métal jaune pour tenter de protéger leur argent de l’effondrement des cours mondiaux des actions et de nombreuses devises.
Après que l’once troy (unité de mesure internationale utilisée pour les métaux précieux qui équivaut environ à 31 grammes) a atteint un prix record de 1700 dollars le 9 mars, la valeur de l’or a baissé. Des investisseurs ont vendu leurs avoirs afin de récupérer des liquidités en prévision de lendemains incertains. Depuis, la valeur du métal fluctue mais il reste l’objet de toutes les convoitises. Si la demande ne faiblit pas, la chaîne logistique connaît en revanche nombre de perturbations, sachant que la plus grande réserve d’or mondiale est stockée dans des coffres à Londres, New York et en Suisse. Pour en savoir plus, les avaries du système actuel sont très bien décrites dans cet article de Bloomberg.
Or papier, or physique
Peu importe pourrait-on dire dans la mesure où sur le marché, l’or-papier se négocie bien plus que l’or physique. Les contrats négociés à Londres (London Bullion Market Association) et au Comex (Chicago Mercantile Exchange) américain sont des produits dérivés, sans véritable connexion avec l’or physique.
En temps normal, il est rare que des clients réclament à l’échéance la livraison effective de leurs contrats à terme. Ils se contentent d’en reprendre un autre à échéance plus lointaine. Or, il semblerait que dans le contexte inédit que nous connaissons, cette demande-là va croissante. Ce qui pose d’énormes problèmes dans une situation de confinement.
Les usines de raffinement – en Europe les principales se situent dans le Tessin – qui avaient déjà beaucoup de mal à suivre le rythme ont cessé toute activité. Quant aux avions commerciaux qui habituellement assurent l’acheminement, ils sont majoritairement cloués au sol. Ces dysfonctionnements entraînent des anomalies ébranlant jusqu’aux marchands les plus chevronnés. En effet, la prime à l’or physique a explosé, entraînant un écart (« spread ») bien plus important avec l’or coté sur les marchés à terme. Alors, les acteurs se démènent pour tenter de sortir de l’impasse. Ils rationnent les quantités ou modifient les tailles de référence des lingots pour adopter une norme standard.
De nouveaux contrats pour rassurer les investisseurs
Ainsi, le CME Group annonce le lancement d’un nouveau contrat à terme sur l’or, avec des options de livraison étendues incluant différents lingots. L’objectif est de faciliter l’approvisionnement comme l’indique l’un des responsables, Derek Samman.
« En offrant un choix de tailles de livraison, ainsi que des spreads (la différence entre les prix d’achat et de vente, ndlr) inter-matières premières avec nos contrats à terme de référence sur l’or, ce nouveau contrat offrira aux clients une flexibilité maximale dans la gestion de la livraison physique. »
Ce nouveau produit, dans l’attente de l’approbation des autorités boursières, répond à la demande de la London Bullion Market Association d’autoriser l’utilisation de lingots d’or de 400 onces (leur taille standard à Londres) pour honorer les contrats à terme négociés sur le Comex à New-York. Dans le cas contraire, elle serait contrainte de devoir refondre ses lingots pour en refaire de 100 onces (taille de référence à New-York). Mission, on l’aura compris, quasi impossible dans ce contexte. Face à ce casse-tête, le Bitcoin apparaît paré de vertus essentielles.
L’or numérique à la rescousse

Pour suggérer sa dimension d’or numérique, le Bitcoin est souvent figuré sous forme de pièces d’or. Une hérésie pour les puristes.
D’abord pour les caractéristiques qu’il partage avec ce que d’aucuns nomment à tort « la relique barbare ». Expression de l’économiste Keynes qui qualifiait ainsi l’étalon-or, et non l’or lui-même pour condamner un système monétaire qu’il jugeait obsolète. Tout comme le métal précieux, le Bitcoin est inaltérable et décentralisé (indépendant de toute autorité). Il est aussi une ressource rare, étant limité en nombre par son protocole à 21 millions. A cet égard, le métal précieux le sera peut-être de moins en moins. Des opérations de minage de fonds océaniques ou d’astéroïdes, qui pourraient contenir des quantités colossales d’or, sont en effet en projet.
En attendant, considérons les atouts supplémentaires du Bitcoin. C’est un système de paiement pair-à-pair qui ne nécessite aucun intermédiaire pour réaliser une transaction. C’est une différence fondamentale avec le marché de l’or saturé de commerçants (numismates, experts, brokers, assureurs…) dont les frais successifs impactent grandement la performance de l’investissement. Et, essentiel dans un monde qui se rétrécit aux limites de l’inconcevable, le Bitcoin est numérique. Il n’exige de fait aucun espace physique de stockage. Son coffre-fort, de la taille d’une clé USB, tient dans la poche.
Bon, ces avantages n’ont pour le moment pas convaincu. Lors du jeudi noir qui a entraîné la chute de tous les marchés, le Bitcoin n’a pas tenu ses promesses. Son prix s’est dévalorisé de façon vertigineuse tandis que l’or arrivait à contenir sa baisse à un « petit » -12%. Mais les circonstances liées à la pandémie rendent certains, comme le trader Max Keizer, très optimistes.
« Je prédis (…) qu’une fois que les gens se rendront compte qu’ils ne peuvent pas obtenir d’or, ils commenceront à affluer en masse dans Bitcoin. »
L’hypothèse reste à vérifier, conditionnée à la durée du confinement. On préfèrerait envisager Bitcoin comme un recours sans être contraint de continuer à vivre l’invivable.
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