Le régulateur sud-coréen montre les dents et se dit prêt à fermer toutes les plateformes crypto

25 avril 2021 - 07:35

Temps de lecture : 4 minutes

C’était attendu. Avec une capitalisation du marché des cryptos atteignant, dans ses plus beaux jours, un joli montant de plus de 2000 milliards de dollars, on pensait bien que les régulateurs n’allaient pas demeurer figés dans leur effroi à regarder sans broncher l’irrésistible ascension. On assiste donc depuis quelques semaines à une offensive de leur part pour tenter d’enrayer un cycle haussier qui rallie une adhésion populaire croissante. Dernière réaction en date, celle du régulateur sud-coréen. Et, il n’y va pas avec le dos de la cuillère en affirmant que tous les exchanges crypto du pays pourraient être fermés en septembre.

L’offensive un peu brouillonne des régulateurs

De tentatives avortées, comme en Thaïlande, pour limiter le trading de crypto à une frange « qualifiée » (en argent) de la population au bannissement du commerce des cryptos décrété par la Turquie, et qui doit prendre effet le 30 avril, jusqu’à l’Inde qui réactualise très régulièrement ses velléités d’interdiction, la liste s’allonge tous les mois un peu plus.

Là encore, c’est d’Asie que nous vient la nouvelle poussée d’urticaire des tenants de l’ordre monétaire établi. Mais ne nous impatientons pas, il se fomente aussi de ce côté de la planète une réglementation dont on peut supposer qu’elle ne sera pas à piquer des hannetons mais plutôt faite pour nous piquer nos cryptos. On badine… Il ne s’agit pas de s’opposer de manière systématique à toute forme de régulation. Non. Si elle est pensée de façon ajustée et équilibrée pour encourager le secteur à devenir le moteur de croissance économique qu’il peut être, on ne peut que la soutenir.

Petite parenthèse française

Las ! et malgré toutes les bonnes volontés qui, ici et là, s’escriment à tenter de faire entendre raison aux têtes pensantes en responsabilité selon la formule consacrée, le fossé se creuse.

Ce n’est pas le député Pierre Person qui nous contredira. Il vient en effet de se fendre d’un long plaidoyer en faveur d’un cadre réglementaire susceptible de repositionner l’Europe sur l’échiquier mondial en matière d’innovation monétaire. S’il évoque les stablecoins et la finance décentralisée, il fait aussi allusion au fiasco français banque-crypto qui perdure en dépit d’une législation propice à l’établissement de la confiance.

Une situation qui conduit, ainsi qu’il le souligne, à une absurdité telle qu’elle encourage la concurrence américaine qui exerce de façon illégale, ou du moins non-réglementaire, sur notre territoire au détriment d’acteurs français soucieux de conformité et qui, parce qu’ils se sont conformés en obtenant de haute lutte leur statut PSAN, se retrouvent cloués sur le seuil de portes fermées, celles impossibles à déverrouiller des banques hexagonales.

La Corée du Sud s’exaspère face aux exchanges crypto

Passons sur ce désespérant anti-modèle français pour revenir en Asie, et plus précisément au pays du Matin calme, qui serait plutôt le pays du Matin frais selon la thèse du très diplomate écrivain Paul Claudel pointant une erreur grossière de traduction, et qui connaît quelques énervements. Car calme ou frais, il y en a un qui semble avoir perdu son sang-froid et que le mot cryptomonnaie fait monter en température. Il s’agit du principal régulateur financier de Corée du Sud, Eun Sung-soo, qui a créé la polémique en affirmant que toutes les plateformes d’échange du pays pourrait être fermées en septembre.

Cette menaçante saillie a surgi au milieu d’une réunion du comité politique de l’Assemblée nationale. Et si la déclaration peut paraître quelque peu brutale, elle repose sur un fait établi. En effet, et en dépit d’une injonction faite aux bourses crypto de s’enregistrer auprès des autorités financières, aucune n’a a priori pour le moment engagé la démarche.

Il faut dire, à leur décharge, que le bureau des demandes n’est ouvert que depuis le 25 mars et que les exchanges disposent d’un délai courant jusqu’au 24 septembre pour faire approuver leur enregistrement auprès de la Commission des services financiers (FSC). Néanmoins, quand on sait que la Corée du Sud compte au moins 200 plateformes crypto, le manque de zèle (ou de moyen comme nous le verrons plus loin) pour répondre aux exigences de conformité réglementaire paraît patent.

Vent de panique chez les petits détenteurs crypto

Et inquiétant. En effet, les médias locaux relaient avec abondance des témoignages peu rassurants de clients. Avertis par le régulateur financier que leurs actifs pourraient ne pas être en sécurité sur des exchanges n’ayant pas instauré les procédures de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et les procédures d’authentification bancaire par nom réel, ils se sont précipités pour récupérer leurs fonds. Mais la plupart d’entre eux connaîtrait des difficultés de retrait quand ce n’est pas purement et simplement une impossibilité à accéder à la plateforme.

Des informations qui mériteraient d’être étayées en profondeur et qui soulignent surtout la propension du régulateur coréen à semer la panique parmi les petits détenteurs de cryptos. En effet, en 2018 déjà, le ministre de la Justice de l’époque avait annoncé que son ministère « préparait une législation interdisant le commerce de cryptomonnaie ». Il avait également déclaré que son objectif à terme était de fermer tous les échanges. Des paroles opportunistes qui avaient provoqué les mêmes mouvements de foule impossibles à assumer même pour de grosses structures. Car, comme par hasard, c’est au moment où l’intérêt des Coréens pour la crypto est en plein essor que le loup sort du bois.

Les poids lourds locaux du secteur survivront au déferlement réglementaire

Ainsi, si officiellement, les préoccupations du gouvernement concernent le blanchiment d’argent ou la protection des consommateurs, c’est surtout l’augmentation explosive du volume des transactions cryptos qui l’épouvante. Les quatre plateformes majeures du pays, à savoir Bithumb, Upbit, Kornit et Coinone, ont enregistré  2,49 millions de nouveaux utilisateurs au premier trimestre 2021. Un chiffre impressionnant qui justifie à lui-seul les réactions disproportionnées sus-décrites.

Ces mêmes plateformes qui risquent d’être les seules à survivre à la déferlante réglementaire qui exige non seulement des moyens coûteux pour se mettre en conformité et s’y maintenir mais aussi un partenariat dûment certifié avec une banque commerciale locale. Des critères déjà remplis par les 4 majeures mais impossibles à satisfaire pour des startups plus petites. En effet, elles n’ont pas le poids et la légitimité nécessaires pour obtenir le soutien d’institutions structurellement allergiques au risque. Ce qui revient à dire, qu’au bout du compte, ce seront les banques qui décideront de la vie ou de la mort d’un crypto-exchange.

Bienvenue dans le monde réglementé du monopole crypto appelé à reproduire ce qui se passe déjà dans l’économie traditionnelle du pays où 64 chaebols (conglomérats familiaux) représentaient 84% du PIB en 2019 selon le Korea CXO Institute pour seulement 10% d’emplois.

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