Le vote « blockchainisé » s’invite au Sénat américain

04 mai 2020 - 18:00

Temps de lecture : 3 minutes

Le Congrès américain envisage la possibilité de développer un support blockchain pour permettre le vote à distance des membres du Sénat.

Le vote « blockchainisé » n’est pas une idée nouvelle

L’idée d’un vote électronique s’appuyant sur la blockchain n’est pas nouvelle. Elle a été plus d’une fois envisagée pour simplifier un événement complexe à organiser. En effet, entre l’inscription sur les listes, l’accueil de millions d’électeurs, la mobilisation d’agents et le comptage des bulletins, les processus s’avèrent fastidieux et coûteux.

Face à un système traditionnel désuet, émaillé de scandales récurrents (élections truquées – des morts qui votent à Paris par exemple – des bourrages d’urnes, des dysfonctionnements divers), sans compter des taux d’abstention élevés où le suffrage universel est disqualifié, les caractéristiques de la blockchain séduisent. Elles semblent même répondre tout à fait aux enjeux du processus électoral par sa technologie de stockage et de transmission d’informations transparente, sécurisée et décentralisée. Cette promesse d’un vote hautement fiabilisé et « auditable » par tous a fait que certains sont passés de la théorie à la pratique.

Des cas d’usage au résultat plutôt mitigé

Plusieurs tests ont été réalisés avec des résultats variables sinon mitigés. A l’été 2019, la ville de Zoug, cœur de la « Crypto Valley » suisse, a testé un vote électronique sur ce support technologique sans emporter l’adhésion des résidents. La même année, les élections à la Douma (le parlement russe) devaient utiliser un système de vote basé sur Ethereum, mais une faille critique a fait avorter le projet. A l’échelon local, des initiatives existent aussi. Le comté de Virginie occidentale a expérimenté des votes via une technologie de registre distribué (DLT). Des  militaires en mission à l’étranger ont pu voter grâce à une appli mobile. Mais  après les élections, on a su qu’un intrus avait tenté d’accéder au système sans autorisation.

La blockchain pour respecter la distanciation sociale 

A l’approche de l’élection présidentielle américaine, le vote électronique et la sécurité des élections figuraient  déjà en bonne place dans l’agenda. Mais la crise sanitaire l’a d’autant plus actualisé en raison de la « distanciation sociale » à respecter. C’est dans cette perspective – délibérer à distance et non ensemble dans un lieu clos – que certains membres du Congrès ont décidé d’inclure la blockchain dans le débat sur le vote interne du Sénat. Dans un bref rapport, reprenant le débat du 30 avril de la sous-commission permanente, elle apparaît en effet dans la liste des suggestions relatives aux solutions de continuité en temps de crise sanitaire.

« En plus des demandes E2EE (chiffrement de bout en bout), le Sénat peut envisager la mise en place d’une blockchain. Grâce à son registre distribué, la blockchain peut à la fois transmettre un vote en toute sécurité et vérifier son authenticité. »

Peu de chance d’adoption

Pour appuyer sa thèse, la note de service cite l’exemple de l’Estonie, à la pointe de la pointe avec sa citoyenneté numérique. Peuplé de 1,3 million d’habitants, l’e-Estonie a lancé depuis déjà quelques années le vote électronique (code open source, serveurs sécurisés et votes anonymisés grâce à la blockchain). Aujourd’hui le gouvernement évalue que 44% des Estoniens qui ont voté lors des dernières élections, l’ont fait via le « i-Voting ».

Néanmoins les expériences mitigées décrites précédemment ont laissé des traces. Le Sénat, qui ne compte que 100 membres, exprime une méfiance somme toute légitime craignant des vulnérabilités susceptibles de compromettre la sécurité.

« L’une des préoccupations spécifiques au Sénat est le risque que le contrôle de la majorité de la blockchain ne tombe entre de mauvaises mains. En raison de la petite taille du Sénat, tout système de vote à distance basé sur une blockchain devrait être correctement mis en place pour éliminer toute menace d’attaque des 51% afin de garantir qu’aucun mauvais acteur ne puisse en prendre le contrôle. »

Au vu de ces réticences, il y a peu de probabilité qu’une blockchain comme support de vote soit adoptée au Sénat. Mais ce que l’on observe, c’est qu’en ces temps difficiles, elle devient une hypothèse technologique crédible, ou du moins envisageable, dans nombre de domaines. Système de paiement, support de traçage sanitaire,  de suivi pandémique, de chaînes d’approvisionnement, de processus démocratique… On n’en a vraisemblablement pas fini avec les possibilités infinies qu’on lui prête

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