La Nouvelle-Zélande tourne autour d’une CBDC sans céder à la tentation

21 octobre 2020 - 00:27

Temps de lecture : 3 minutes

Le sujet des CBDC est devenu un lieu commun pour toutes les Banques centrales du monde. La Nouvelle-Zélande plutôt discrète jusque là, s’est pliée à l’exercice désormais incontournable d’un futur soupesé à l’aune d’une monnaie numérique d’Etat.

Un discours convenu

C’est le gouverneur adjoint, Christian Hawkesby, qui s’y est collé lors d’une conférence à la Royal Numismatic Society of New Zealand le 19 octobre. Ménageant la chèvre et le choux selon les procédés bien rodés d’un discours lié aux versions numériques des monnaies souveraines, il a affirmé que la Banque centrale néo-zélandaise n’avait « aucun projet imminent » de CBDC (Central Bank Digital Currency) mais restait ouverte d’esprit quant aux progrès futurs des technologies de paiement.

Pour émettre une monnaie qui réponde aux besoins du public, nous devons adopter une nouvelle approche holistique. Nous reconnaissons qu’il y a beaucoup de travail à faire. Nous n’avons pas encore toutes les réponses et nous ne nous attendons pas à les trouver seuls. »

Désireux de témoigner d’un engagement actif dans ce grand mouvement qui emporte les nations les unes après les autres et soucieux de ne pas apparaître à la remorque, le vice-gouverneur a précisé que la Nouvelle-Zélande faisait toutefois partie des 80% d’instances centrales préoccupées de CBDCs. Il a même déclaré qu’elles pourraient représenter « le défi déterminant des années 2020 » comme « l’inflation l’était dans les années 1990 ou la stabilité financière à la fin des années 2000 ».

Sur les pas lents des Etats-Unis

Mais néanmoins, un peu à l’image du responsable de la Réserve Fédérale américaine (FED), Jérôme Powell, il prône une certaine forme d’attentisme. Avec une différence notable cependant. En effet, si la Banque centrale néo-zélandaise accompagne sans se presser cet élan irrésistible vers une infrastructure de paiement 2.0,  on a plutôt l’impression que le gouverneur Powell cherche à justifier le retard au démarrage des Etats-Unis.  Loin d’avoir saisi l’importance de l’enjeu, ils ont en effet plutôt brillé par leur déni et leur penchant à sous-estimer sinon à mépriser la nécessaire modernisation de leur infrastructure monétaire. Largement devancés, aussi bien par des puissances mondiales comme la Chine ou par de petites nations insulaires comme les Bahamas qui viennent de lancer leur sand dollar, ils amorcent un réveil tardif arguant d’une exigence de qualité et d’une responsabilité à l’échelle mondiale.

Il est plus important pour les Etats-Unis de bien faire les choses plutôt que d’être le premier, étant donné le rôle important du dollar dans le monde. » (…) Nous avons la responsabilité, à la fois aux Etats-Unis et dans le monde, que toute mesure adoptée en faveur d’une monnaie numérique américaine soit prise en toute sécurité. »

Jérôme Powell, intervention pour le FMI, 19 octobre 2020

Un argument qui n’est pas qu’un prétexte. Reconnaissons en effet que le gouverneur rétif est devenu beaucoup plus ouvert sur le sujet.

Je pense que nous avons l’obligation de rester à l’avant-garde de l’innovation et des développements politiques et technologiques en ce qui concerne les paiements (intérieurs), les paiements transfrontaliers, les CBDC.

Jérôme Powell, intervention pour le FMI, 19 octobre 2020

Préserver l’argent liquide

La Nouvelle-Zélande quant à elle semble encore très attachée aux monnaies fiduciaires en dépit d’un contexte national, mais aussi mondial, qui les relègue de plus en plus au rang de reliques. Ainsi, les derniers chiffres montrent que seulement 6% de la population du pays dépend encore des pièces et billets de banque pour ses besoins quotidiens.

Cependant, Hawkesby insiste sur l’importance de les préserver, rappelant que, comme souvent en période de crise l’argent liquide sert de matelas de protection. Ainsi au mois de mars dernier, la Banque centrale a émis 800 millions de dollars néo-zélandais contre seulement 150 millions en mars 2019. Mais ce n’est pas le seul argument qui joue en faveur de la monnaie fiduciaire. Le vice-gouverneur a aussi formulé des doutes quant à la capacité d’une CBDC à l’égaler en matière de confidentialité, de règlement instantané et d’autonomie dans le domaine de l’épargne et du paiement.

Jusqu’à présent, ces avantages de l’argent liquide n’ont pas été bien reproduits par la monnaie électronique des banques commerciales. »

Surtout, il s’effraie d’un système financier qui pourrait exclure des groupes de personnes plus vulnérables. A ce sujet, il a pointé une sorte de cycle infernal dans lequel sont entrées les sociétés dites avancées. La diminution du nombre d’utilisateurs usant d’espèces entraîne une augmentation du coût de fonctionnement de l’infrastructure dédiée. De fait, les fournisseurs de liquidités doivent au choix augmenter leur frais ou restreindre leur service. Ainsi, la disparition des guichets automatiques, phénomène répandu aussi dans les pays occidentaux de l’hémisphère nord, fragilise encore des populations déjà négligées qui vivent notamment dans des zones rurales.

Profiter de l’expérience des devanciers

Toutes ces préoccupations autour de l’émission d’une monnaie numérique, aussi légitimes soient-elles, ont déjà été formulées par les Banques centrales impliquées dans la réflexion ou l’expérimentation d’une CBDC. Des orientations définies à défaut de choix vraiment arrêtés. A considérer peut-être comme des modèles à suivre. Ainsi, la Nouvelle-Zélande pourra notamment s’inspirer de l’euro version 2.0. La patronne de la BCE, Christine Lagarde, ayant clairement affirmé que le numérique sera complémentaire du fiduciaire et nullement destiné (jusqu’à quand ?) à le remplacer.

On voit mal comment la Nouvelle-Zélande pourrait échapper à la numérisation de sa monnaie souveraine à plus ou moins longue échéance. Mais elle semble avoir clairement choisi son camp. Indéniablement, ce ne sera pas celui des pionniers…

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