Aave – Vers une licence commerciale exigée par un vote à 55% de sa communauté

15 décembre 2021 - 15:00

Temps de lecture : 4 minutes

Par Hugh B.

Le marché des cryptomonnaies se trouve à une charnière dans le cadre de son développement. Cela en premier lieu du fait de son adoption grandissante, au grand désarroi des instances de régulation. Mais également de façon plus interne, avec des prises de décisions communautaires aux conséquences parfois opposées à son modèle de développement historique. Et entre consternation et plébiscite, c’est actuellement le protocole Aave qui semble se diriger vers la mise en place d’une licence commerciale. Cela suite à un vote communautaire dont 55% des votants souhaitent en verrouiller le code et les smart contracts. Mais qu’est-ce que cela implique concrètement pour le secteur de la DeFi ?

Le protocole Aave figure parmi les plus importants du secteur de la DeFi, tous réseaux confondus. Une formule de prêts décentralisée dont le principe repose sur le dépôt de cryptomonnaies. Cela afin de toucher en retour des intérêts sur leur emprunt exempt de toute forme de garantie. Un projet classé dans la catégorie très VIP des « blue chips » de cette finance numérique. C’est-à-dire avec une stabilité reconnue et un modèle de fonctionnement fermement implanté au sein de ce marché. Et tout cela reposant sur un code développé selon le principe open source… enfin jusqu’à présent.

Car tout comme le principe de décentralisation, le mode de développement open source est au cœur de l’univers des cryptomonnaies. Cela pour le meilleur et pour le pire, avec la possibilité de copier n’importe quel projet d’un simple clic de souris. Et comme conséquence directe une prolifération de forks plus ou moins vampiriques en relation à leurs versions initiales. Une vision idéologique très intéressante en théorie, mais tout de suite beaucoup plus complexe à respecter lorsqu’il est question de millions de dollars. En particulier face à une communauté en pleine mutation et dont le pouvoir de décision ne va pas toujours dans le sens du cryptologiquement correct.

DeFi : open source vs licence commerciale

L’information peut sembler anodine, mais elle a tout de symbolique. Car elle ne fait que confirmer un mouvement de plus en plus présent au sein de l’univers des cryptomonnaies. Et cela sous la forme de protocoles de la DeFi dont la stratégie de développement se dirige vers une fermeture de leurs codes internes. Avec comme principal exemple de cette tendance, la plateforme Uniswap passée sous licence commerciale lors de la mise en place de sa V3 au début de l’année. Une décision très clairement motivée par le lancement tout aussi agressif que chaotique de son vampire perso du nom de SushiSwap quelques mois auparavant. Une indigestion qui n’est visiblement pas passée…

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Mais un mouvement plus ancien, initié en partie par le portefeuille MetaMask en plein cœur de l’explosion de la DeFi durant l’été 2020. Cela suite à des copies de son code reprises pour le compte de structures commerciales comme le navigateur Brave. Avec en retour une quasi impossibilité d’accéder à son propre wallet une fois ces forks installés. Et comme conséquence presque immédiate, une protection mise en place afin de limiter cette possibilité à des projets de petite envergure. Car comme à chaque fois qu’il est question de plus de liberté, cela ne revient pas à autoriser tout et n’importe quoi. Surtout lorsqu’il est question de bloquer en retour ou de faire de l’argent avec.

Choisir la meilleure licence pour Aave

Une situation face à laquelle semble actuellement se trouver le projet Aave, figure emblématique et historique de la DeFi. En particulier dans le cadre de sa forte stratégie de développement multi-chain. Mais également suite à la mise en place d’une prochaine V3 afin d’accompagner cette évolution importante. Avec dans les cartons, des fonctionnalités de transactions inter-chaînes et des mécanismes de gestion des risques améliorés. Mais également une meilleure base de code afin de profiter de l’essor des solutions de seconde couche (layer 2). Et au centre de tout cela cette simple question posée sous la pression communautaire : « sous quelle licence le protocole Aave devrait-il être publié ?« 

« Ce vote est essentiellement un signal indiquant si la communauté Aave veut ou non protéger sa propriété intellectuelle contre une utilisation non autorisée, ou simplement permettre à quiconque d’utiliser le code de la manière qu’il préfère. »

Auteur anonyme de cette proposition

Et les options offertes lors de ce vote – maintenant clôturé – étaient au nombre de trois :

  • Une licence commerciale, mise en œuvre de la même manière que pour Uniswap. Avec une utilisation du code limitée sur une période initiale (provisoirement un an) avant de devenir gratuite.
  • Une licence MIT intégrée lors de la publication de la V3 du protocole Aave, beaucoup moins restrictive et prenant en compte l’aspect open source.
  • Une licence de type (A)GPL qui permet de définir le code du protocole Aave comme appartenant et répondant aux principes des logiciels libres.

Plus de 55% pour une licence commerciale

Un vote communautaire dont la première proposition de type licence commerciale a été adoptée à plus de 55%. C’est-à-dire plus de 387 000 Aave « pour. » Et une seule adresse (defimaximalist.eth) à l’origine d’un véritable coup d’État, avec ses 191 000 unités de Aave déposées dans cette balance. Un montant qui représente au final plus de 49% des votes exprimés en faveur de cette option polémique et 27% de l’ensemble des voix. Une belle démonstration du problème que pose le « vote par pièce » présent au sein de la DeFi et vivement critiqué par Vitalik Buterin. Avec en face, 44,5% de votes portés sur le choix d’une licence MIT. Et un négligeable 0,29% en faveur d’une version répondant aux attentes des logiciels libres.

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Une décision sous la forme d’un véritable choc au sein de la DeFi. Avec certains développeurs du réseau Ethereum exprimant leur « tristesse » face à ce résultat final. Mais dans le même temps, une version 2.0 de ce dernier que Vitalik Buterin a récemment annoncée comme en partie centralisée, avec une date de livraison encore retardée à la fin 2022 au minimum. Et dans le même temps, un réseau Solana au sein duquel une majorité de projets sont visiblement développés selon des modèles de type closed source.

Avec cette réalité planant au-dessus de tout cela comme une épée de Damoclès : quelle distance ce type de décision permettra-t-elle de maintenir avec les instances de régulation à l’avenir. Car chaque pas effectué en dehors des fondamentaux de la zone crypto expose inévitablement à des attaques de ces prédateurs en embuscade. Une affaire à suivre…

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