L’euro numérique : la BCE à la manoeuvre

12 mai 2020 - 08:53

Temps de lecture : 4 minutes

L’un des grands événements de l’industrie crypto débute au moment du halving de Bitcoin. Consensus distributed organisé par l’équipe de Coindesk a ouvert ses portes, virtuelles par la force des choses, ce lundi 11 mai, débutant par une conférence portant sur les CBDC.

Qu’est-ce que le Consensus distributed ?

Le Consensus distributed propose un programme dense, gratuit et accessible à tous en suivant ce lien .Toute la programmation sera diffusée en direct, notamment sur Twitter et Facebook Live jusqu’au 15 mai inclus.

Au menu, plus de 100 sessions avec une thématique transversale portant sur les perturbations de l’argent vu à travers les prismes politiques, réglementaires et prospectifs. Des acteurs de l’écosystème crypto, des leaders politiques et économiques sont au rendez-vous pour débattre des explorations présentes et à venir. Des experts animeront aussi différents ateliers, notamment sur les nouvelles directives du GAFI ou l’imbroglio réglementaire auquel doit faire face la finance décentralisée.

Première séance dans le vif des CBDC

La toute première séance a débuté avec le sujet brûlant de l’année : les monnaies numériques de banques centrales. C’est Yves Mersch, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), connu pour ses positions crypto sceptiques, qui s’y est collé. Et fait intéressant, il a centré son discours sur les CBDCs de détail.

Pour rappel, précisons que, outre les hybrides,  les monnaies numériques se distribuent en deux grandes catégories. D’abord les CBDCs de gros qui seront utilisées pour les paiements interbancaires entre institutions. C’est l’outil monétaire le plus facile à mettre en place pour favoriser la rapidité et la réduction des coûts liés à de grosses opérations financières.

« Une CBDC de gros, restreinte à un groupe limité de contreparties financières, fonctionnerait en grande partie comme d’habitude »

C’est donc celles sur lesquelles se sont concentrées la grande majorité des institutions bancaires comme la Banque de France.  La deuxième catégorie, plus complexe et plus délicate à mettre en œuvre, ce sont les monnaies numériques qui s’adressent à tous les citoyens, autrement dit celles qui répondent à la désignation CBDC de détail.

Une révolution : la CBDC de détail

Leur usage révolutionnera la pratique de l’argent au quotidien d’où la prudence des autorités financières qui ont du mal à s’aventurer sur le terrain de l’innovation. Yves Mersch en fait clairement l’aveu.

«Vous vous demandez peut-être pourquoi les banques centrales n’ont pas choisi de fournir un accès de détail à l’argent de la banque centrale malgré l’accès à la technologie jusqu’à présent […] La raison principale est que l’introduction d’une CBDC de détail pourrait avoir des conséquences majeures pour l’ensemble du système financier.»

Il affirme néanmoins que, contrairement à la dernière étude de la société blockchain Corda qui soutenait que seules les CBDCs de gros étaient à l’étude, la BCE elle, s’est mobilisée sur le sujet. La monnaie numérique de détail est désormais au centre de ses préoccupations.

Dans le détail d’une CDBC pour tous

Sans trop s’attarder sur l’aspect proprement technologique, et sans utiliser les mots blockchain ou DLT (Digital Ledger Technology), Yves Mersch a consenti à fournir quelques précisions. Une CBDC de détail pourrait donc être fondée sur un jeton numérique diffusé « de manière décentralisée », sans registre central. Reconnaissant que la traçabilité des transactions numériques soulève des problèmes de confidentialité, le conseiller soutient que c’est un aspect pris en compte par la BCE.

« Certains soutiennent qu’une monnaie numérique basée sur des jetons pourrait ne pas garantir un anonymat complet. Si cela se révélait être le cas, cela soulèverait inévitablement des problèmes sociaux, politiques et juridiques (…) Nous examinons actuellement les questions juridiques soulevées par l’utilisation potentielle d’intermédiaires pour faciliter la circulation d’une CBDC ainsi que le traitement des transactions dans une CBDC. »

Des réticences populaires

En mars, dernières données disponibles, la circulation des billets de banque dans la zone euro a atteint un pic de près de 19 milliards d’euros

Néanmoins, il a développé le fait que les réticences vis à vis d’une CBDC de détail pourraient venir des populations concernées, s’appuyant sur le constat que le cash reste un moyen de paiement très populaire. Il a donné le taux extravagant (mais datant sans doute de l’avant pandémie car avec le virus, les espèces ont mauvaise presse) de 76% sur toutes les transactions effectuées dans la zone euro. Au total, cela représenterait plus de la moitié de la valeur totale de tous les paiements.

« Alors que les paiements électroniques évincent déjà l’utilisation de l’argent liquide dans certains pays, dont les devises semblent moins attrayantes que l’euro, il n’y a pas une telle tendance à l’écart de l’argent liquide dans la zone euro »

Quoi qu’il en soit, la BCE a, semble t-il, pris sérieusement le virage de l’euro numérique. Elle serait, selon l’orateur du jour, sur le point de passer de la phase analytique de l’exploration à la prise de décisions politiques connexes et au démarrage des tests. Avec des travaux aussi rondement menés, Yves Mersch a pu conclure sa prestation de façon très assurée.

« Si le moment vient et quand il viendra, nous voulons être prêts et laissez-moi vous assurer que nous serons prêts. »

La BCE compte d’ailleurs sortir bientôt un rapport préliminaire pour faire part de ses avancées.

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