Ce que vous devez savoir sur les plateformes d’échange centralisées (CEX) et décentralisées (DEX)
14 mars 2019 - 10:04
Temps de lecture : 9 minutes
On observe le lancement de plus en plus fréquent de plateformes d’échange de cryptomonnaies décentralisées. CryptoActu a donc jugé important de définir et analyser quelles sont les véritables différences avec les plateformes d’échange centralisées que nous connaissons déjà ?
Cet article a été rédigé par l’équipe de blockchain.io, plateforme d’échange de cryptomonnaies. CryptoActu a fait appel à un acteur qui connaît bien le secteur, car l’équipe de blockchain.io est également derrière Paymium. Elle est donc spécialisée et compétente sur la question des exchanges depuis de nombreuses années, qu’ils soient centralisés ou décentralisés. Pour rappel Paymium est l’une des plus anciennes plateformes (2011), lancée bien avant Coinbase par exemple.
Les plateformes d’échange de cryptomonnaies sont les fondements du développement de l’Internet de la Valeur. Une plateforme d’échange de cryptomonnaies offre une porte d’entrée vers un univers de centaines d’actifs numériques qui peuvent être échangés de pair à pair et utilisés pour accéder à une multitude de réseaux de paiements et d’applications décentralisées.
Pour de nombreux utilisateurs, leur premier achat de cryptomonnaies aura été effectué sur une plateforme d’échange, et il n’est donc pas étonnant que certaines plateformes soient devenues des géants industriels.
Ironie du sort, en revanche, pour un secteur qui met en avant la décentralisation et la possibilité de réaliser des transactions sans intermédiaire, les plateformes d’échange centralisées jouent un rôle crucial dans la croissance du marché.
Comme les plateformes d’échange centralisées ont accumulé beaucoup de richesses et de pouvoir avec le temps, certaines personnes se sont demandé si cette vocation à « décentraliser le monde » n’avait pas été compromise par une centralisation excessive. Les grandes plateformes centralisées possèdent les mêmes failles de sécurité et de confidentialité, et les mêmes problèmes de censure que présentent les institutions financières traditionnelles.
Les plateformes d’échange décentralisées sont une solution alternative davantage en accord avec la philosophie et les valeurs d’origine des cryptos en ce qui concerne la sécurité, la vie privée et l’autonomie. Des débats sur le mérite et l’importance de la décentralisation ont récemment attiré l’attention, et dans cet article, nous étudierons et débattrons des avantages et inconvénients des plateformes d’échange centralisées, par rapport aux plateformes décentralisées.
Nous analyserons ce qu’elles ont chacune à offrir, et sur quels aspects elles peuvent encore progresser pour soutenir une croissance et un développement continus de la technologie de la blockchain, ainsi qu’une adoption générale des cryptomonnaies.
I. Les forces des plateformes d’échange centralisées (CEX)
- Rapidité
- Transparence
- Passerelle entre monnaies fiduciaires et cryptomonnaies
- Facilité d’utilisation et Liquidité
#1 Rapidité
Le premier avantage d’une plateforme d’échange centralisée est également le plus évident, puisqu’il s’agit de sa rapidité !
Les plateformes d’échange centralisées opèrent plus efficacement en période de grande affluence, puisqu’elles fonctionnent sur des serveurs et architectures centralisés. Ils leur permettent d’exécuter rapidement les ordres de marché dans un carnet d’ordre centralisé et diminuent le délai nécessaire au traitement des ordres lorsque les volumes sont élevés.
Inversement, une application d’échange décentralisée doit synchroniser ses carnets d’ordre sur de nombreux nœuds, une tâche qui peut se révéler difficile lorsqu’une volatilité élevée engendre de nombreuses créations d’ordre et de demandes d’exécution dans un laps de temps réduit.
#2 Transparence
Les plateformes d’échange centralisées sont habituellement disposées à divulguer plus d’informations dans la mesure où les employés et l’adresse de leur siège sont rendus publics. Puisque ces plateformes ont également beaucoup plus d’utilisateurs que leurs homologues décentralisés, elles font généralement l’objet d’une surveillance accrue de la part des autorités gouvernementales ainsi que du public.
Cette transparence portera uniquement sur des renseignements de base à propos de la plateforme dont on s’attend à ce qu’ils soient divulgués. Étant donné que l’industrie de la blockchain reste essentiellement non réglementée à l’heure actuelle, avec des principes fondateurs reposant sur des valeurs de vie privée et d’anonymat, cela a conduit à un manque de transparence dans les pratiques.
Toutefois, si une plateforme manque de transparence, cela pourrait réduire la confiance des utilisateurs et les dissuader de réaliser des échanges sur la plateforme. C’est probablement une des raisons pour lesquelles les plateformes d’échange centralisées sont actuellement plus utilisées que les plateformes décentralisées, qui peuvent être parfois moins transparentes en raison de la nature décentralisée de celles-ci.
Cependant, si les auditeurs concevaient des outils spécifiques destinés aux plateformes d’échanges décentralisées, cette méfiance pourrait disparaître avec le temps.
#3 Passerelle entre monnaies fiduciaires et cryptomonnaies
Outre une plus grande transparence, la plupart des plateformes d’échange centralisées cherchent à rester conformes à la réglementation officielle afin de pouvoir proposer des échanges entre monnaies fiduciaires et cryptomonnaies. Les plateformes d’échange centralisées conformes à la réglementation peuvent plus facilement communiquer avec la sphère financière et offrir une passerelle des monnaies fiduciaires vers les cryptomonnaies dans la mesure où les services bancaires respectent leurs propres règles et réglementations financières. Des plateformes comme Coinbase, Bitstamp, ou Paymium exigent de leurs utilisateurs qu’ils vérifient leur identité par le biais d’une procédure KYC.
Cela signifie que les plateformes d’échange centralisées offrent la possibilité aux utilisateurs de transférer de l’argent depuis leurs comptes bancaires directement sur les plateformes d’échange pour acheter des cryptomonnaies, ainsi que de convertir ensuite ces cryptomonnaies en monnaies fiduciaires comme bon leur semble.
#4 Facilité d’utilisation et Liquidité
Du fait de la rapidité et facilité d’utilisation des plateformes d’échange centralisées, les utilisateurs sont attirés par la meilleure expérience de trading et cela se traduit également par des volumes d’échanges plus importants et une plus grande liquidité pour toutes les personnes réalisant des opérations sur la plateforme centralisée.
De plus, lorsqu’une interface utilisateur intuitive est couplée à une exécution rapide des opérations, les nouveaux traders comme les plus expérimentés bénéficient d’une excellente expérience sur la plateforme. Il est plus facile de retenir les utilisateurs dans cet écosystème.
II. Les avantages des plateformes décentralisées
Après avoir passé en revue certaines des forces des plateformes d’échange centralisées, voici quelques-uns des avantages offerts par les plateformes décentralisées :
- Confidentialité
- Sécurité
- Résistance à la censure
- Moins de risques de manipulation
#1 Confidentialité
Une des principales propositions des plateformes d’échange décentralisées est l’accent mis sur la confidentialité et l’anonymat. Ces plateformes ne demandent souvent rien de plus qu’un identifiant, mot de passe et portefeuille crypto pour commencer à réaliser des opérations.
La facilité avec laquelle on peut s’inscrire et commencer à réaliser des transactions sans avoir à vérifier son identité est attrayante pour les personnes préférant rester anonymes, et qui souhaitent également déposer, échanger, et retirer leurs fonds rapidement.
#2 Sécurité
Selon le type de plateforme, les plateformes d’échange décentralisées offrent en général une plus grande protection que les plateformes centralisées dans la mesure où elles ne possèdent pas de portefeuilles centralisés qu’un pirate pourrait prendre pour cible pour dérober les fonds des utilisateurs. Comme les plateformes décentralisées exécutent une compensation décentralisée sur les ordres, cela diminue les vecteurs potentiels d’attaque à exploiter pour les pirates, et les chances de succès d’une attaque sont minimes.
Les utilisateurs peuvent également conserver le contrôle de leurs fonds qui sont seulement séquestrés pendant qu’ils réalisent leurs opérations, rassurant les utilisateurs sur la sécurité de leurs fonds. Même si la plateforme cessait de fonctionner, l’utilisateur pourrait récupérer ses fonds passé le délai d’expiration du séquestre.
#3 Résistance à la censure
Puisqu’il n’y a aucune autorité centrale supervisant les transactions et ordres passés sur une plateforme d’échange décentralisée, celle-ci est davantage résistante à la censure qu’une plateforme centralisée. Les autorités gouvernementales et même les pirates sont incapables d’interférer directement avec l’activité sur la plateforme et d’empêcher les ordres de se réaliser.
Comme il n’existe pas d’entité ou de groupe central jouant ce rôle, il est encore plus difficile de fermer ou de censurer une plateforme d’échange décentralisée.
#4 Moins de risques de manipulation
En l’absence d’une entité centralisée ou d’un carnet d’ordres exécutant les transactions, le risque de manipulation est réduit.
Dans le passé, plusieurs plateformes ont été accusées d’avoir réalisé des transactions fictives pour créer du faux volume, d’avoir interrompu des dépôts et des retraits de tokens à des moments cruciaux, ou encore, d’avoir manipulé les ordres et le prix des tokens.
Comme il n’y a pas de carnet d’ordre contrôlé sur les plateformes décentralisées, il y a aussi moins de risques que de telles manipulations se produisent.
Après avoir passé en revue les points forts de chacun des deux types de plateformes, passons à leurs points faibles…
III. Les faiblesses des plateformes d’échange centralisées
- Sécurité
- Indisponibilité
- Exposition à la censure et Manque de transparence
- Contexte de monopole
#1 Sécurité
Les plateformes d’échange centralisées ont tendance à opérer avec un unique point de défaillance, qu’il s’agisse d’une base de données centrale, d’un portefeuille ou d’un serveur central, et cela signifie qu’un seul piratage pourrait entraîner la perte de millions de dollars.
Mt. Gox en est le parfait exemple, plateforme s’étant faite piratée et dérobée 450 millions de dollars en 2014. Ces incidents sont malheureusement bien trop fréquents dans l’histoire des cryptomonnaies et entraîne généralement une baisse significative des prix, les gens prenant peur et décidant de retirer leurs fonds.
#2 Indisponibilité
Une conséquence de la centralisation est le risque élevé de défaillance du système. Les plateformes d’échange centralisées peuvent faire face à de longues périodes d’indisponibilité en raison de problèmes techniques ou même d’attaques DDoS régulières.
Il arrive également que les autorités gouvernementales ordonnent aux plateformes d’échanges d’interrompre leurs opérations pendant un certain temps. La plateforme peut aussi choisir elle-même de suspendre les échanges pour de nombreuses raisons telles qu’une modernisation des infrastructures, en cas d’attaque, ou pour se mettre aux normes réglementaires.
#3 Exposition à la censure et manque de transparence
Les plateformes d’échange centralisées sont plus exposées à la censure gouvernementale. Elles peuvent facilement se voir retirer leur licence d’exploitation, se faire saisir leurs fonds, et même être contraintes de révéler des informations sensibles sur leurs utilisateurs ou leurs fonds.
Il est arrivé plusieurs fois par le passé que des gouvernements aient interdit et fermé des plateformes d’échange, notamment en Inde ou en Chine.
Bien que les plateformes d’échange centralisées puissent paraître plus transparentes en surface, en raison d’une absence de réglementations dans le secteur, certaines plateformes ont des activités et des comportements douteux à l’insu de leurs utilisateurs. Certaines plateformes sont impliquées dans des transactions fictives visant à gonfler artificiellement leurs volumes de transactions, quand d’autres détournent les fonds que leurs utilisateurs avaient placés sous leur responsabilité.
#4 Contexte d’oligopole
L’absence de plateformes d’échange décentralisées a créé un marché où une poignée de plateformes centralisées détient l’essentiel des parts de marché. Certaines plateformes ont pu ainsi facturer des millions de dollars aux projets désirant référencer leurs tokens sur la plateforme d’échange.
Certains y voient un signe de l’hégémonie des plateformes centralisées qui limite véritablement le croissance potentielle et l’adoption des cryptomonnaies.
Pour envisager l’impact d’une réorientation des utilisateurs vers les plateformes d’échange décentralisées, nous devons examiner les faiblesses de ces plateformes pour déterminer les améliorations qui peuvent y être apportées.
IV. Les faiblesses des plateformes d’échange décentralisées
- Lenteur
- Scalabilité
- Support
- Pas de monnaies fiduciaires
#1 Lenteur
Comme les plateformes d’échange décentralisées opèrent principalement « on-chain » (sur la chaîne de blocs) grâce aux smart contracts, parvenir à un consensus et exécuter les ordres de transactions peut prendre plus de temps que sur une plateforme centralisée qui opère « off-chain » (transaction qui ne se produit pas directement sur la blockchain et qui passe par une couche supérieure du protocole – comme Lightning Network sur Bitcoin – ou par un système de gestion de base de données comme mySQL).
Il en va de même pour la réalisation des dépôts et des retraits. En période de volume et trafic élevés, l’encombrement des réseaux blockchain peut rendre inutilisable les plateformes d’échange décentralisées puisqu’il devient difficile de retirer et de déposer ses fonds, ou même de réaliser des transactions dans un délai court.
#2 Scalabilité
Actuellement, les blockchains sont confrontées à ce que l’on appelle le « Trilemme de Scalabilité ». Ce trilemme soulève l’incapacité des blockchains à combiner scalabilité, décentralisation et sécurité, sans dégrader l’un de ces attributs.
Il explique pourquoi des solutions évolutives impliquent désormais des protocoles à couches multiples, combinant des flux de transactions « on-chain » et « off-chain ».
Généralement, les plateformes d’échange centralisées exécutent les opérations « off-chain » depuis une base de données à haute performance tout en utilisant les transactions « on-chain » uniquement pour les dépôts et les retraits.
Comme les plateformes d’échange décentralisées opèrent « on-chain », confrontées au trilemme de scalabilité, elles sont en général plus lentes et moins efficaces que les plateformes centralisées.
Pour favoriser l’adoption des plateformes d’échange décentralisées, la scalabilité devra être traitée en priorité.
#3 Support
Le support client est un service de très grande valeur et presque une nécessité pour tout produit ou service en ligne de nos jours. En revanche, en ce qui concerne les plateformes d’échange décentralisées, le support client fait sérieusement défaut. Sur ces plateformes, les utilisateurs sont en général livrés à eux-mêmes lorsqu’ils rencontrent des difficultés techniques. Ces plateformes ont tendance à attirer des utilisateurs plus expérimentés dans le domaine des cryptomonnaies, et ils savent donc généralement éviter les erreurs de manipulation et remédier aux problèmes rencontrés en complète autonomie.
#4 Limitation aux cryptomonnaies
Un obstacle majeur au développement des plateformes d’échange décentralisées est l’absence de support des monnaies fiduciaires. Cette fonctionnalité manquante vient de l’impossibilité réglementaire pour une application décentralisée d’accéder à un service bancaire.
Proposant exclusivement des échanges entre cryptomonnaies, les plateformes décentralisées peuvent opérer complètement déconnectées du système traditionnel financier, même si en contrepartie, les utilisateurs doivent d’abord se familiariser eux-mêmes avec les plateformes centralisées permettant l’échange entre monnaies fiduciaires et cryptomonnaies. Ces plateformes centralisées proposent parfois également des échanges entre deux cryptomonnaies, si bien que les utilisateurs n’auront peut-être jamais à quitter ces plateformes en fin de compte.
D’un autre côté, les stablecoins décentralisés pourraient palier cette limitation en se substituant à la monnaie fiduciaire sur les plateformes décentralisées.
Au bout du compte…
Actuellement, le marché favorise les plateformes d’échange centralisées en raison de leur facilité d’utilisation, efficacité et de leurs volumes de transactions plus importants. Cela a permis à certaines plateformes de tirer profit du déséquilibre entre offre et demande pour facturer des frais exorbitants à des projets blockchain désirant référencer leur token.
Avec un peu de chance, ce phénomène disparaîtra à mesure que davantage de plateformes d’échange décentralisées se développeront, démontrant leur valeur et récupérant des parts de marché. En attendant, les clients s’orienteront naturellement vers les plateformes les mieux adaptées à leur profil et à leurs attentes en termes de sécurité, anonymat, rapidité et transparence.
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