Thaïlande :un baht numérique testé en 2022 et un marché crypto en plein essor

05 avril 2021 - 16:57

Temps de lecture : 3 minutes

Alors que la Thaïlande s’agite activement pour déployer dès 2022 des essais grand public de sa monnaie numérique de banque centrale (CBDC), le marché de la cryptomonnaie connaît un essor sans précédent dans le pays.

Un baht numérique à l’horizon 2022

Depuis déjà quelques années, la Thaïlande se montre très active sur le front de l’innovation de ses infrastructures de paiement. En 2018, la banque centrale a lancé le projet Ithanon en collaboration avec huit institutions financières majeures du pays pour réaliser la numérisation du secteur et simplifier les règlements interbancaires. En 2019, toujours soucieuse de modernisation, elle a également coopéré avec la banque centrale de Hong Kong pour réaliser le projet baptisé Ithanon-LionRock. A la clé, un dispositif permettant de de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de transfert de fonds entre le baht thaïlandais et le dollar hongkongais.

Que ce soit le réseau de canaux transfrontaliers ou l’infrastructure de paiement dite « de gros », développés sur la DLT (Distributed Ledger Technology) Corda qui s’y connaît en matière de blockchain « permissionnée » appliquée au domaine bancaire, le résultat est plutôt positif. C’est donc forte de cette démonstration de faisabilité que la banque centrale de Thaïlande peut s’avancer sur son projet de baht numérique. Ainsi, elle vient d’annoncer qu’elle commencera les premiers tests grandeur nature de sa monnaie version 21ème siècle dès l’année prochaine. Une phase d’expérimentation qui devrait précéder, selon la gouverneure-adjointe Vachira Arromdee, le déploiement du baht 2.0 dans tout le royaume d’ici 3 à 5 ans.

D’ici là et selon la norme suivie dorénavant par de nombreux pays dont les Etats-unis et la zone euro, un formulaire destiné au grand public est disponible. Les Etats étant bien conscients qu’il leur faut absolument obtenir la contribution et l’assentiment de leur population pour mettre en oeuvre une proposition complexe qui nécessite l’adhésion du plus grand nombre pour réussir.

Un marché crypto en plein essor

Cette CBDC déjà sur les rails se veut aussi une réponse à l’engouement en pleine croissance des Thaïlandais pour les cryptomonnaies. Le marché ne s’est jamais aussi bien porté, avec une augmentation des volumes d’échange, depuis novembre dernier, de l’ordre de 600% sur les plateformes locales réglementées. Plus précisément, selon les données compilées par le gendarme boursier du pays et publiées par Bloomberg, le montant global échangé serait passé de 574,5 millions de dollars à 3,96 milliards de dollars.

Un pic accompagné d’une poussée folle de l’intérêt pour la finance décentralisée (DeFi). A un point tel d’ailleurs, que la Thaïlande se classerait parmi les principales économies émergentes en terme de trafic vers les protocoles DeFi selon un rapport de The Defiant.

Une popularité qui ne manque pas d’épouvanter le régulateur thaïlandais qui, s’inspirant de son illustre prédécesseur chinois, s’est mis en tête de tarir le flux incessant de nouveaux arrivants sur le marché crypto en restreignant l’accès à des investisseurs « qualifiés ». Qualification bornée par des revenus annuels supérieurs à 32 000 $ (revenu moyen par habitant s’élevant à 8500 $ selon la banque mondiale) et des exigences de connaissance en maniement de capitaux. Une proposition qui a immédiatement soulevé un tollé et qui, aux dernières nouvelles, serait en voie de rétropédalage.

L’ombre du grand voisin chinois

Quoi qu’il en soit, on observe que les pays asiatiques mènent clairement la danse des CBDCs. Poussés par la perspective d’un yuan numérique pratiquement prêt à être officiellement lancé, ils s’empressent de se lancer à leur tour dans la course.

Il s’agit, du moins pour les économies émergentes, d’asseoir la souveraineté nationale de leur monnaie face au géant chinois dont les tentations expansionnistes ne sont un secret pour personne. Mais un habillage numérique y suffira t-il ? Rien n’est moins sûr.

En décembre, Hong Kong a déclaré envisager d’utiliser le DCEP chinois pour ses paiements transfrontaliers. On peut supposer que le régime de Pékin ne s’arrêtera pas à ce territoire rétrocédé et qu’il ambitionne d’imposer à terme le renminbi comme condition d’accès au marché chinois à tous ses partenaires commerciaux. Et la Thaïlande, bien sûr, n’y échappera pas. L’objectif consiste alors pour elle à préserver la monnaie nationale au moins à l’intérieur des frontières du pays.

En attendant, une partie grandissante de la population a compris qu’une autre voie existe pour échapper aux manipulations, contorsions et contrôles des Etats, et c’est plutôt une bonne nouvelle.

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