Les monnaies d’Etat numériques (CBDC, MDBC) font la une, mais de quoi parle t-on ?

12 février 2020 - 15:00

Temps de lecture : 4 minutes

Tentons  un  bref éclairage pour cerner les contours d’acronymes indigestes qui vont vraisemblablement envahir nos espaces de vie dans les années à venir.

Qu’est-ce qu’une CBDC ou MDBC ?

Premier point à éclairer d’emblée : on parle de la même chose mais dans une langue différente. Le premier est constitué des initiales de Central Bank Digital Currency  dont l’équivalent français est Monnaie Digitale de Banque Centrale. Digital Currency Electronic Payment (DCEP) en est la variante chinoise.

L’apparition de ces acronymes a connu une visibilité exponentielle en 2019 suite à l’annonce de la Libra de Facebook. Les gouvernements jusque là assez passifs (oscillant entre mépris et éructations mais sans vraiment réagir) face aux cryptomonnaies originelles telles que Bitcoin ou Ether, se sont brusquement réveillés de leur torpeur pour se dresser à l’unisson contre un des GAFA qui venait les narguer sur leur terrain de prédilection : la création de monnaie.

Face à la menace, l’idée de numérisation  intégrale des devises nationales, qui était déjà dans les cartons pour moderniser un système de paiement vieillissant, a connu un regain d’intérêt et des effets d’annonce en cascade. On ne compte plus les pays qui affirment y réfléchir. Certains d’entre eux seraient même sur le point de lancer leur monnaie numérique d’Etat. Autrement (mal) dit, des cryptomonnaies nationales quand on va vite en besogne et qu’à la seule évocation du mot blockchain ou DLT (support possible de ces stablecoins) associé à monnaie, on prend des vessies pour des lanternes.

Bon, à cette étape-là, si vous êtes  tout juste initié, vous êtes peut-être un peu perplexe quant à la distinction à opérer entre les différents avatars de la monnaie accommodée à la sauce contemporaine. Retenons simplement que tout part du Bitcoin. Il a eu le mérite inestimable, reconnu même par ses pires contempteurs, de bousculer le désordre établi et de proposer un système de transaction radicalement nouveau en pair à pair.

Quelle filiation entre Bitcoin, Stablecoin et CBDC ?

Le monde en marche vers les stablecoins

Reprenons donc les fondamentaux. Le Bitcoin est une monnaie cryptographique et décentralisée qui se passe des intermédiaires traditionnels que sont les banques et l’Etat. C’est en fait du cash électronique qui, du fait de sa jeunesse, de sa faible capitalisation et de son indépendance, connaît une forte volatilité. Soumis à la loi de l’offre et de la demande, c’est un actif risqué du point de vue de l’investissement.

Aussi, pour y remédier, certains ont été chercher de vieilles recettes éprouvées  qui consiste à adosser un élément volatil à un autre réputé plus constant (l’exemple mille fois rebattu de l’étalon-or). Des stablecoins, autrement dit des cryptomonnaies stables, ont été créés pour contrer ce phénomène de yo-yo. Fruit d’une habile alliance entre deux vertus : d’un côté la rapidité d’exécution des cryptomonnaies et de l’autre, la relative stabilité des monnaies fiduciaires. Tether, émanation d’une plateforme d’échange de cryptos, est à ce jour le plus gros stablecoin. Sans s’attarder sur ses déconvenues (l’absence de réel audit de solvabilité continue d’alimenter le soupçon) disons, pour simplifier, qu’il est adossé au dollar. En théorie donc, 1 Tether vaut 1 dollar. En 2019, même s’il a dépassé le Bicoin en volume de transactions, il ne concerne néanmoins qu’une population encore marginale. Les usagers, dans le monde des cryptomonnaies restant, pour le moment, numériquement faibles.

En revanche, si une entreprise comme Facebook avec ses quelques 2,5 milliards d’utilisateurs se met à émettre son propre stablecoin, là, le changement d’échelle risque de faire mal. Une libra menacera directement la souveraineté monétaire des Etats qui se sont arrogés – au départ, la monnaie est une création sociale « spontanée » – le droit de battre monnaie.

Les CBDC, un voeu pieu ?

Face à cette concurrence redoutable, des dirigeants du monde entier, fascinés aussi, il faut bien le dire, par la blockchain – une des technologies des cryptomonnaies qui permet de tracer toutes les opérations – ont appelé à la création de stablecoins émis par leurs propres banques centrales. La Suède prépare son e-krona, la Chine son renminbi numérique, la Russie son e-rouble, la Turquie, la Thaïlande, l’Uruguay, le Japon… et même les Etats-Unis, réfractaires jusque-là, daignent enfin se pencher sérieusement sur le phénomène.

Au total, selon la BRIplus de 70 banques centrales prépareraient leur monnaie du futur. Et on n’oublie pas dans le lot, les nations qui en voudraient une à plusieurs. Les BRICS par exemple, ou certains pays musulmans qui appellent à créer une »cryptomonnaie unifiée ». L’Union européenne quant à elle, planche de façon presque fébrile sur son euro numériqueLes CBDC sont partout… du moins en théorie car, pour le moment, on n’en trouve (presque) nulle part.

CBDC de gros, CBDC de détail

En effet si, sur le papier, combattre l’ennemi avec ses propres armes semble d’une simplicité biblico-numérique, dans la réalité des faits, la mise en œuvre s’avère bien plus complexe. C’est même un véritable casse-tête qui pose problème que ce soit dans le registre de la gouvernance, de la sécurité, de la confidentialité des données, de l’inclusion financière, de la technologie…

Enorme chantier qui fait l’objet d’âpres et interminables débats mais un fait est a priori établi, c’est qu’il y aura vraisemblablement au moins deux grandes catégories de CBDC. Une CBDC de gros (première version adoptée par la banque de France) et une de détail. La première concernera les professionnels de la profession et servira aux paiements interbancaires. La deuxième elle sera élaborée à l’intention du grand public. D’autres CBDC dites hybrides viseront des cas d’usage particuliers. Nous aurons, bien sûr, l’occasion de revenir sur cette nomenclature pas très glamour pour comprendre le futur de nos transactions.

 

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